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Affaire Aïcha Diallo à L’hôpital De Pikine : Les Responsabilités

L’affaire de l’hôpital de Pikine avec feu Aïcha Diallo questionne l’organisation et le fonctionnement de notre système de santé et renvoie à une dimension juridico-éthique. C’est pourquoi je vais vous référer à mon ouvrage « Ethique et responsabilité médicale » préfacé  par Christian Hervé et postfacé par Souleymane Bachir Diagne. Je vais me concentrer sur la dimension de la responsabilité médicale non pas pour dire qui est responsable ou qui ne l’est pas, mais pour vous donner un cadre global pour la compréhension en droit de ce qui s’est passé.

Autant il est inadmissible de poursuivre les médecins de manière systématique pour les conséquences professionnelles de leurs actes, autant aussi il est inacceptable de laisser sans compassion ni compensation les victimes avec leur préjudice. C’est dans ce jeu qu’il faudra situer le principe de la responsabilité médicale.

Etre responsable, c’est revendiquer les conséquences de ses actes. La responsabilité médicale pourrait se définir comme l’obligation pour un professionnel de santé de répondre de ses actes ou des actes de celui ou ceux dont il a la charge et d’en supporter les conséquences. Souvent on vous parlera de tryptique comme élément constitutif de la responsabilité médicale, c’est-à-dire la faute, le préjudice et l’existence de lien de causalité entre la faute et le préjudice. Cependant, j’ai montré dans mon ouvrage comment la jurisprudence a révélé des apories dans cette façon de caractériser la responsabilité médicale.

Ainsi, retenons quatre types de responsabilité médicale :

  • La responsabilité civile
  • La responsabilité pénale
  • La responsabilité administrative
  • La responsabilité ordinale ou disciplinaire

Si je devais faire simple, je dirais que le civil répare le préjudice (dommage) physique et/ou moral causé à l’individu. Le pénal répare les torts causés à la société. La responsabilité administrative qui est réservée aux Etablissements publiques montre que c’est le service public qui y lie l’usager avec le professionnel de santé. La responsabilité disciplinaire est en rapport avec la violation des règles déontologiques.

Retenons aussi que la nature de la responsabilité civile est contractuelle (présence de contrat) ou délictuelle (absence de contrat) !

Dans la responsabilité administrative, soit c’est une faute de service, soit c’est une faute imputée directement au professionnel de santé.

Sur le cas de l’affaire de Pikine, ce qui est constant, c’est la négligence (retard de prise en charge, absence de diligence, manque de compassion pour les parents). Sur ce point, l’hôpital parle de mise en observation, surveillance, avant l’intervention.

Ce qui est constant ici aussi, c’est le retard de prise en charge. C’est pourquoi on peut s’orienter vers une faute de service, ce qui entraîne une responsabilité administrative. Mais il faut noter que dans beaucoup d’hôpitaux gisent des îlots de droit privé, c’est-à-dire de  clinique ouverte : (activité libérale dans les hôpitaux publics). Dans ce cas de figure, si le malade a été pris en charge dans l’activité libérale de l’hôpital public, nous serons devant une responsabilité contractuelle et ce n’est plus le service public qui lie le patient avec l’hôpital ; donc les professionnels de santé ne peuvent plus bénéficier des prérogatives de la puissance publique.

Vu la somme réclamée, Une question importante avec une alternative : Est-ce qu’à Pikine il y a une clinique ouverte ? Si oui : la patiente a-t-elle été prise en charge dans la clinique ouverte ? Ou dans le cadre du service public ?

Tout cela montre la complexité du cas qui mérite encore une fois que l’organisation et le fonctionnement de notre système de santé puissent être repensés et la dimension éthique considérée à sa juste valeur.

NB : le dialogue de sourds entre usagers et professionnels de santé non seulement persiste, mais s’amplifie. Il faudra situer cette incompréhension plus dans le dysfonctionnement du service public que dans la volonté du professionnel de santé de dévoyer son serment.

 

Cheikh FALL

Expert et membre de la Sffem

(Société française et francophone d’éthique médicale)

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