Moins de condoléances et d’hommages post mortem, plus de protection. Voilà un défi majeur qu’il faudra relever, car ils partent en série, les artistes créateurs, ils partent rejoindre leur Créateur, l’unique, le Seigneur Dieu. Des condoléances sont présentées à leur famille et à la communauté culturelle, suivies de témoignages émouvants. Et puis, plus rien en attendant le suivant. Nous devenons amnésiques jusqu’au prochain mourant. Le temps et le rythme peuvent s’arrêter et laisser dame nature choisir tranquillement le futur de cujus (décédé) que nous allons inexorablement rejoindre un jour. A Dieu nous sommes et à Lui nous retournons, mais cet instant fatidique peut parfois être retardé avec un peu plus d’amour et de protection pour nos prochains. Mais, bon sang, qu’est-ce qui manque malgré tout ce qui a été amorcé ?
BREVE ANALYSE DE LA SITUATION
Quoique l’on puisse en dire, des initiatives, de la volonté politique, des engagements, des conventions et des gestes forts n’ont pas manqué. Quelle analyse faire de la situation? Les métiers de la culture sont divers et souvent liés entre eux : des créateurs, exécutants ou interprètes, des producteurs, promoteurs, distributeurs, managers et agents d’artistes et tous les métiers connexes y cohabitent. Deux questions principales auxquelles une appropriée pourrait servir de début de solution : Faudrait-il mettre au même niveau professionnels aguerris et amateurs ? L’assurance maladie suffit-elle ou faudrait-t-il lui adjoindre, si possible, l’assurance décès ? En tant qu’assureur de profession et acteur culturel par passion, nous pensons qu’il est important de considérer toute la famille dans son ensemble et prendre en compte deux événements majeurs qui surviennent sans crier gare (la maladie et le décès) et qui peuvent tous les deux avoir des conséquences dramatiques sur la famille. Certes, d’autres préoccupations fondamentales hantent la vie des artistes et gens de lettres : le logement à travers une coopérative d’habitat et l’accès au financement. La question du statut de l’artiste est également agitée, mais point de débats publics sérieux, bien documentés, pour le définir, en cerner les contours et autres implications juridiques y afférentes.
DEFINITION DE PRIORITES
Est-il utile de rappeler que la vie est un parcours avec des étapes ? La priorité, voire l’urgence, demeure l’accès aux soins qui est sur la plus haute marche du podium de la demande, mais suivi de près par la nécessité de doter les héritiers de l’artiste d’un capital en cas de décès afin de leur permettre de faire face aux funérailles et aux premières dépenses quotidiennes en l’absence du chef de famille si, de surcroît, les enfants sont encore mineurs et le(s) conjoint(s) survivant(s) sans emploi. A travers la Couverture maladie universelle (Cmu), l’accès financier aux soins de santé est facilitée aux Sénégalais grâce à l’existence de mutuelles de santé dans toutes les communes du pays. Et voilà que les acteurs culturels ont leur mutuelle de santé. Sur une cotisation de 7.000 FCfa, l’Etat subventionne la moitié et il ne leur reste qu’à verser 3.500 FCfa. L’artiste chanteur Youssou Ndour vient, dans un geste de forte portée symbolique, de leur faire don, gracieusement, du montant intégral de son prix Praemium Imperiale que vient de lui décerner le Japon, d’une valeur de 75.000.000 de FCfa. Quel exemple ! Quelle grandeur ! C’est une belle réponse à l’appel du président de la République. Certes, soutenir la Cmu, mais aussi faire de 2017 une année de la culture. C’est aux créateurs et entrepreneurs culturels d’être encore plus imaginatif pour donner un contenu à cette invite. Il leur revient d’aider le président à les aider. Ce dernier a exprimé, puis réaffirmé sa volonté.
ORGANISATION D’UN GRAND EVENEMENT CULTUREL ANNUEL
Le défi consiste à organiser, en parfaite collaboration avec le ministère chargé de la Culture, un gala des arts et lettres, un « Sargal », au Grand Théâtre national, parrainé et présidé par le chef de l’Etat, protecteur des Arts et des Lettres, en remerciements et reconnaissance pour Youssou Ndour et pour l’honorer pour son geste et mettre en exergue les différentes facettes de notre culture. Après lui, chaque année, un acteur culturel particulièrement méritant sera choisi par un jury et honoré par ses pairs et par la nation toute entière. Chaque secteur des arts et lettres, chaque style s’exprimera en quelques instants. Ce sera l’occasion d’intenses moments de poésie, musique, théâtre, mode, peinture, cinéma, danse… Auparavant, un panel sur la condition sociale des métiers de la culture sera organisé pour informer et échanger. La Fédération des métiers de la culture (Femec) est prête à y participer activement et invite les autres associations et personnes physiques à prendre part au Comité d’initiative. La culture, c’est aussi l’innovation et l’action. Des experts répondront aux questions sur la couverture sociale, la Cmu en particulier, mais avec d’autres formes d’assurances de risques, telles que l’invalidité, le décès, la retraite. Comprendre les assurances de personnes aide à franchir le pas de l’adhésion. Toutefois, la priorité reste la couverture contre le risque maladie et vient, ensuite, le risque décès, car il faut être d’abord bien vivant et en bonne santé pour exercer son métier.
IMPLICATION DES ARTISTES DE RENOM
Avec une participation de 3500 FCfa par personne et par an, l’artiste malade pourra bénéficier de consultations, de soins, d’analyses, de radios, d’hospitalisation et de médicaments en passant par le poste de santé, le centre de santé et l’hôpital. Aux artistes et gens de lettres d’une certaine envergure (dont la présence dans un poste ou centre de santé pourrait créer un attroupement) qui peuvent verser une cotisation supplémentaire, on pourrait proposer une complémentaire maladie à travers une compagnie d’assurances pour couvrir jusqu’à l’évacuation sanitaire au Maroc, en Tunisie et dans l’espace Schengen. En effet, pour ce qui concerne la branche maladie, l’objectif de taux de couverture de 75 % de la population se traduira par un cumul de l’ensemble du système d’assurance maladie, comprenant le régime obligatoire couvert par les organismes sociaux avec les imputations budgétaires, les centres médico-sociaux de l’Ipres et les Ipm d’une part et, d’autre part, le régimes non obligatoire couvert par les mutuelles de santé et les assurances privées. Pour ce qui concerne la branche décès, un capital minimum de 1.000.000 de FCfa est versé aux bénéficiaires désignés en cas de décès, en contrepartie d’une cotisation de 6.000 FCfa par personne et par an (doublement du capital si doublement de la cotisation) ; ce qui équivaut à une moyenne de 500 FCfa par mois (moins cher que la cigarette, l’alcool, le thé, le « ndawtal » et le « puukare »). Les grandes vedettes verseront une cotisation pour les membres du groupe qu’ils dirigent et assisteront de jeunes artistes dans la mesure de leurs possibilités financières. Ils ne sont pas leaders pour rien et ils ont du cœur. L’art, c’est le partage, la solidarité. Avec leur concours, une vaste opération de sensibilisation/appropriation suivie de collectes pourrait être menée.
UNE CONTRIBUTION POPULAIRE ET VOLONTAIRE
La Couverture maladie universelle, tout comme la protection sociale au sens large, fait appel à une adhésion populaire pour une meilleure mutualisation des risques. Une fois sollicités, beaucoup d’entreprises, de fondations, d’ordres, de personnes fortunées, de ministres, de maires, de députés accepteraient volontiers de prendre en charge quelques artistes avec une contribution annuelle de 3.500 FCfa par bénéficiaire au titre de la couverture maladie en priorité et, subsidiairement, 6.000 FCfa au titre de la couverture décès. Pour une meilleure compréhension du programme Cmu, l’Agence de la Couverture maladie universelle leur ouvre grandement les portes, sans oublier la mutuelle des acteurs culturels, les différentes associations et les sous-secteurs de la culture.
L’EXEMPLE DE YOUSSOU NDOUR, UN DECLIC
Déjà Youssou Ndour, avec 75.000.000 de FCfa, permet à 21.428 artistes d’être pris en charge en cas de maladie. Pas ingrate pour un sou, la communautaire culturelle sait dire merci. D’autres personnalités des arts, des lettres, politiques, religieuses et du monde des affaires ne manqueront pas de lui emboiter le pas (le patronat est attendu). Les recettes du grand gala annuel des arts et lettres viendront boucler la boucle, sans compter que les bénéficiaires de droits d’auteur et droits voisins pourraient se faire prélever annuellement leurs cotisations par la Sodav (3.500 FCfa par an) à l’image du prélèvement de 5 % au titre de la Tps versée à l’Etat au moment des répartitions des droits revenant aux ayants droit de la société collective. Et le Fonds d’aide à la culture ? Et la culture comme compétence transférée aux collectivités locales ? Ce sont autant de ressources additionnelles pour la Cmu. Seul le premier pas coûte et il urge de commencer, ne serait-ce que par une série de premières adhésions. N’est-ce pas ce qu’on appelle prouver le mouvement en marchant ? Pour ne pas seulement constater pour déplorer, critiquer les autres et s’absoudre, approprions-nous cette pensée de Confucius : plutôt que de maudire les ténèbres, allumons une chandelle (bougie), si petite soit-elle. Au soir de notre vie, que chacun puisse regarder fièrement dans le rétroviseur et dire : ceci est ma contribution, j’ai fait ce que j’ai pu pour le développement de mon pays, pour le mieux-être de mes concitoyens.
Biram Ndeck NDIAYE
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