Les services spécialisés du pays accomplissent un travail important de lutte contre le terrorisme. Surtout sur le segment crucial et déterminant de la prévention. Au point que le Sénégal apparait comme un oasis de liberté et de sécurité dans les vastes étendues de violence du Sahel.
Toutefois, cette situation de stabilité relative introduit un nouveau facteur susceptible de conduire vers une issue paradoxale pour notre pays : nous avons tellement bien réussi notre lutte contre le terrorisme que notre pays régresse à cause des effets pervers du « terrorisme virtuel ».
Quelle idée iconoclaste ! En effet, le terrorisme virtuel a des effets plus dévastateurs que le terrorisme réel.
Le « terrorisme virtuel »
C’est le terrorisme potentiel, le terrorisme qui arrive ; le terrorisme qui arrivera de toutes les façons !
Il existe six catégories de « terrorisme virtuel » : le cyber-acharnement médiatique, le cyber-terrorisme, le cyber-espionnage, la cybercriminalité, la cyber-guerre et le cyber-activisme. Les acteurs sont des États ou des organisations aux motivations diverses et variées.
Le cyber-acharnement médiatique est une critique répétée et systématique par des médias et des réseaux sociaux d’un état, d’une organisation, d’une personne ou d’un groupe de personnes. Elle vise un impact négatif sur la réputation de cet état, de cette organisation ou de ce groupe de personnes.
Par exemple, présenter le Sénégal comme un allié inconditionnel des pays occidentaux dans la défense de leurs valeurs judéo chrétienne ou d’être le cheval de Troie de la pénétration de ces valeurs dans l’espace africain et sénégalais.
Le cyber-terrorisme est l’ensemble des pratiques en ligne initiées par des groupes terroristes ;
Le cyber-espionnage, C’est une menace, persistante, et qui prend de l’ampleur, d’où le qualificatif « de menace avancée ». Il s’agit d’attaques ciblées contre des entreprises ou des organisations gouvernementales et qui s’effectuent sur la durée. L’objectif étant de récolter massivement et furtivement des données sans être détecté par les outils de sécurité employés par les organisations ciblées, en injectant divers virus « dormants » au compte-goutte. C’est un travail complexe et de longue haleine qui demande beaucoup de temps et des moyens. Le cyber-espionnage n’est donc pas à la portée de tout le monde et est généralement commandité par des organisations étatiques, de grands groupes industriels ou des groupes de hackeurs très organisés.
La cybercriminalité, regroupe l’ensemble des infractions pénales commises via les réseaux informatiques et plus spécifiquement via Internet.
La cyber-guerre est un ensemble d’attaques informatiques impliquant un État ou une infrastructure vitale à un pays (la sonatel, la senelec, les ics, la rts, l’aéroport a.i.b.d . etc.
Ce sont, en fait, des opérations militaires menées pour interdire à l’ennemi l’utilisation efficace des systèmes du cyberespace et des armes. Le cyber-activisme le cyber-activisme est a la fois une sensibilisation et un activisme a travers le moyen puissant qu’est l’internet via les réseaux sociaux. L’internet en tant qu’outil de sensibilisation a donc été d’un grand secours à plusieurs personnes.
Le cyber-activisme comporte une organisation, une mobilisation, une action/réaction des acteurs. Le cyber-activisme est donc un mouvement qui permet à une grande quantité de personnes de faire valoir leurs idées et de défendre des causes partout sur la planète. Qu’il s’agisse donc de sensibilisation, de mobilisation ou de réaction, le web est leur outil par excellence.
Le Sénégal est bien présent dans la lutte contre les premières catégories de « terrorisme virtuel» avec un bon degré d’efficacité, voire excellent.
Le dénominateur commun de tous ces actes de terreur potentiels ou réels demeure le terme ‘’cyber’’ qui interpelle le monde de la technologie et ses vulnérabilités dont la prise en compte est rendue difficile par beaucoup de contraintes mais également par des insuffisances d’ordre juridique inhérentes à la démocratie – à laquelle adhère le Sénégal- et qui postule le respect de toutes les libertés .
Il ne peut donc y avoir un dispositif impénétrable face au ‘’terrorisme virtuel’’; il s’agira surtout d’investir dans la résilience et de développer des moyens d’autodéfense et des réflexes primaires chez le citoyen ordinaire.
En réalité, il induit un changement de comportement surtout dans les administrations compétentes (délégation nationale de renseignement, forces armées, douane, ministère de l’Intérieur etc.,).
Par contre, d’un côté, le citoyen sénégalais, qui entend souvent la menace relayée abusivement et parfois de manière inapproprié par les médias, réagit par une peur face à un danger dont il ignore totalement le spectre, l’ampleur et les occurrences réelles. Le Sénégalais ne réagit pas comme l’Ivoirien, le Burkinabé ou le Malien qui a vu de ses propres yeux les conséquences et en a subi, dans sa chair, les effets maléfiques. Alors que le Sénégalais ne les a perçues qu’à travers les chocs des images de télévision. Des réflexes de survie induisent des comportements tendant à restreindre les activités sociales et économiques.
De l’autre côté, la communauté étrangère (citoyens américains, français, Occidentaux en général, les asiatiques et les arabes), par des canaux spécifiques, avertit ses membres et leur interdit souvent la fréquentation de certains endroits du territoire national, suggérant, hélas, l’incapacité des services nationaux à assurer les fonctions régaliennes de sécurité et de défense. Au total, les résidents du territoire national, Sénégalais comme étranger, sont tétanisés en attendant l’arrivée des terroristes !
Paradoxalement, la société sénégalaise tendra vers l’immobilisme, par manque de résilience et de moyens appropriés et vulgarisés d’autodéfense. En effet, l’État sénégalais lutte, nuit et jour, contre le terrorisme. Si les efforts d’un État suffisaient pour éradiquer ce mal, on n’entendrait jamais d’attentats en France, aux USA et en Angleterre car ces pays développés consacrent des ressources importantes contre ce fléau des temps modernes. Mais les efforts étatiques doivent être complétés par des efforts du citoyen lui-même.
Les conséquences de cette situation ne sont pas le fait de la communication du gouvernement sénégalais seulement mais surtout du fait des relais puissants de la presse occidentale. Quels sont les buts poursuivis par nos puissants amis occidentaux ?
Nous sommes tous les purs produits de l’école navale de Brest, de Saint-Cyr, de l’École Militaire de Paris, du NDU de Washington, du Nps de Monterey, du CESA de Washington, de l’ARM de Meknès, de l’EN.OA de Thiès. Nous comprenons la pensée stratégique des occidentaux qui ont fait croire pendant 25 années (1955/1980) que le communisme allait détruire le Vietnam, pendant 25 années (1980/2005) que les mouvements islamistes d’Afghanistan allaient détruire les pays du golfe arabique et du Moyen Orient, de 2005 à 2030 vont-ils installer une menace durable et persistante (encouragée par une volonté de puissance larvée ou ouverte) ?
Ces 50 années d’agissements ont eu des conséquences sur les P.I.B pays de l’Asie du sud-est et de la région du golfe arabique et du Moyen Orient. Le Sénégal n’échappera pas à cette logique implacable. Effet, la généreuse gestion de la menace terroriste virtuelle, par nos puissants amis occidentaux a fait annuler un séminaire de l’ONU au Sénégal, a probablement fait fuir des investisseurs potentiels et a fait perdre des produits touristiques précieux pour notre pays a 45 jours de l’ouverture officielle du bijou qu’est l’aéroport international de Blaise Diagne.
Le « désarmement structurel ».
Il me revient le souvenir vivace de 1988, frais émoulus de l’école militaire de Paris, avec un groupe d’officiers, quand nous théorisions « Le désarmement structurel des armées » (il y a « désarmement structurel quand les dépenses de fonctionnement et de maintenance des armées sont supérieures ou égales à 75 % du budget général des forces armées.
Pour mémoire, admettons un petit pays, imaginaire, indépendant en 2007, peuple de 10500 habitants ; avec un taux d’inflation de 0.8%, un taux de croissance démographique de 3.08% pour des forces armées dont les effectifs s’élèvent 18 militaires dont une équipe de combat de sept soldats. Le budget du ministère des forces est estimé à 34860000fcfa. Il est reparti comme suit : l’investissement 8880000fca, l’équipement 22300000fcfa et le budget de fonctionnement est fixe a 3100000fcfa ; soit 8.9% du budget du MFA. Les forces de ce pays sont bien entrainées et disposent d’une dotation suffisante en armement composé d’un pistolet, et de 17 fusils individuels Famas.
En 2012, les autorités de ce pays décident d’une montée en puissance pour atteindre un effectif de 68 militaires sous une enveloppe constante des dépenses d’investissement, alors le budget de fonctionnement grimpe à 17216512 FCFA, soit 42% du budget des forces armées, les difficultés du pays commencent. Les forces ne sont dotées que 6 fusils individuels Famas additionnels. Un total de 24 Famas et d’un pistolet.
En 2017, la montée en puissance continue pour un effectif de 127 militaires, une compagnie, sous enveloppe d’investissement constante. Le budget de fonctionnement atteint la somme de 47400000 FCFA, soit 75% du budget du ministère des forces armées. Les autorités ne parviennent pas à acheter que huit autres Famas, soit un arsenal composé d’un pistolet et de 32 Famas.
Les forces armées de ce pays sont alors structurellement désarmées.
Voilà ainsi démontré que les forces sont mal équipées et seront mal entraînées ; le potentiel global se réduirait, à terme, au symbole d’un avion de chasse, d’un navire de guerre et d’un char offerts ou achetés à crédit dans le cadre des accords de défense et de coopération.
D’où la nécessité d’instaurer des « fonds Opex » : une innovation dans le financement des forces publiques avec des fonds publics extra-budgétaires dans les pays a économie faible.
Nous sortions, en 1988 un groupe d’officiers et moi, alors de la pensée unique et indiquions que sans un mode alternatif de financement des forces armées, le Sénégal allait droit au mur.
Ces « fonds Opex » instaurés par mes soins pour une dotation initiale de deux millions de dollars rapportent chaque année plusieurs millions de dollars. Grâce à ces derniers, les armées sont maintenant mieux équipées et entraînées.
D’aucuns pensent ces «fonds Opex» pourraient être menacés par la nouvelle administration américaine. Peut-être. Mais l’ONU est indéfiniment plus éternelle qu’une administration politique. D’ailleurs en 1991 quand ces fonds démarraient dans ma modeste division études et budgets(D.E.B) de l’état-major général des armées, une administration américaine de même bord dirigeait les USA et préconisait l’annulation de 30% du budget de fonctionnement de l’organisation des nations unies et exigeait des « downsizing » et des r.i.f (réductions in forces).
Une stratégie nationale originale, authentique de lutte contre le terrorisme basée sur un service militaire partiel et progressif qui prend en compte les 189000 jeunes sénégalais aptes pour les armées chaque année.
A nouveau, nous voici à la croisée des chemins. Il est temps que nos « grands cerveaux » sortent des sentiers battus de la pensée stratégique (la récitation des théories des écoles de guerre et d’état-major), ne « copient » et ne « collent » plus les théories universalisées de lutte contre le terrorisme et posent un nouveau paradigme : « le terrorisme virtuel ».
La « défense tout azimut
C’est une synthèse de la défense intérieure du territoire qui s’appuie sur les forces intérieures (police , gendarmerie, sapeurs-pompiers, douanes, eaux et forêts, service d’hygiène etc.) avec une forte implication des gouverneurs de région, ou de l’administration territoriale en général et la défense des frontières et des biens des populations par les armées via un ordre « napoléonien » de bataille adapté à nos réalités socioculturelles et religieuses.
Ainsi il y aurait vingt-six régions militaires avec une double subordination (une subordination technique et militaire, une subordination socio-politico-économique conférée au khalife général des Tidianes, au khalife général des Mourides et au cardinal archevêque de Dakar ) dont les états majors seraient basés à Dakar, Saint Louis, Kaolack, Tambacounda, Ziguinchor, Matam, Ourossogui, Bakel, Kedougou,Velingra, Kolda, Sedhiou, Ziguinchor, Bignona, Oussouye, Sokone, Fatick, Mbour, Linguere, Kaffrine, Koungheul, Lompoul, Louga, Diourbel, Tivaouane et Touba.
Le format de nos armées de type « napoléonien » est réellement en cause. Les armées sénégalaises n’affronteront jamais des ennemis constitués en compagnies, bataillons, régiments et divisions de combat. Il faut un « aggiornamento ». Une transformation des armées sénégalaises reposant sur les 189000 jeunes Sénégalais aptes à servir par an. Une « human intelligence » reposant sur le vaste réservoir de la force vitale que constitue cette courageuse jeunesse sénégalaise et assistée du « human /Tech intelligence » de nos amis Occidentaux. Bref une « défense tout azimut » :
Durant les années 1980, le Sénégal avait conçu et mis en œuvre une stratégie victorieuse de lutte contre le développement du virus du SIDA. Cette dernière a eu des résultats bien meilleurs que les stratégies de lutte contre le SIDA dans les pays occidentaux développés. La stratégie nationale sénégalaise était originale puisqu’elle était centrée sur l’homme et la femme et était appuyée par l’organisation sociale, scolaire et religieuse du Sénégal autour des professionnels et acteurs de la santé. Après 30 années d’efforts le taux d’infection est de 0,7 %, l’un des plus bas d’Afrique !
Pour lutter contre le terrorisme, la voie du Sénégal doit donc être originale et authentique. Car le Sénégal n’a pas les moyens de faire mieux, toutes proportions gardées, que la France et les U.S.A.
Sinon tout le reste ne sera qu’une vaine consommation de crédits budgétaires et la main tendue, éternelle, vers de puissants alliés qui ont eux-mêmes leurs propres agendas basés sur une raison d’État bien explicitée.
Colonel (e.r) Alioune Seck
Usa naval post graduate school Monterey
California graduate
Email : nitefayegmail.com