« En choisissant vos dirigeants, méfiez-vous du singe qui copie et du perroquet qui répète.» Amadou Aly Dieng
Amadou Aly Dieng était un insoumis. Au sens le plus élevé du terme. Économiste, ayant assumé ses choix sans compromis ni compromissions, il fait partie de ceux qui sont restés fidèles à leurs engagements primordiaux. Militant de la FEANF ( Fédération des Étudiants D’Afrique Noire en France) creuset de maturation de la conscience politique de plusieurs futurs leaders des indépendances africaines, Amadou Aly DIENG fait partie de ceux qui seront restés debout, envers et contre tout, jusqu’à son dernier souffle! Qu’Allah lui ouvre Les Portes de Sa Miséricorde.
Cette pensée exprime, quant au fond, son rejet des élites qui se contentent de perpétuer le statu quo colonial sans produire les ruptures de sens, indispensables à une vraie décolonisation. Ces ruptures, tant de formes que de fond, sont le préalable à l’avènement d’une véritable indépendance mentale et culturelle qui est seule à même de donner du sens à une autonomie politique qui soit fondatrice d’un véritable développement économique.
Où en sommes-nous? Regardons-nous dans le miroir!
Dans la foulée, Amadou Aly DIENG nous met en garde contre les « perroquets »! Ces technocrates qui récitent des litanies savantes sans prises sur le réel. Ces élites « endollardees de sottise » a dit, si bellement, Aime Césaire. Il raille les discours creux des administrateurs de la misère. Discours qui ne sont compris, d’ailleurs, que par ceux qui nous imposent des politiques contraires aux intérêts de nos populations. On dirait même qu’ils leurs sont destinés. Exclusivement !
Le temps pour l’Afrique d’écouter ses penseurs et de prendre son destin en mains est revenu. Amadou Hampathe BA nous rappelle, dans Aspects de la civilisation africaine que : « De tous les êtres créés, l’homme est le seul qui détienne une puissance créatrice (relative toutefois) à la ressemblance du Créateur. L’homme, en effet, a la faculté d’imaginer et de concevoir (c’est-à dire de créer dans sa pensée) puis de donner forme et vie à cette pensée en la réalisant dans le monde extérieur. »
Quel avenir voulons-nous pour nos enfants? À partir de quelles valeurs? Pour quels objectifs temporels? Que faire pour les atteindre?
Amadou Hampathe BA nous dit: « Nous (intellectuels africains) devons aider l’Afrique à préserver et à développer sa propre personnalité, et de lui permettre de parler d’elle-même.
Il appartient en effet aux africains de parler de l’Afrique aux étrangers, et non aux étrangers, si savants soient-ils, de parler de l’Afrique aux africains. Comme le dit un proverbe malien: « quand une chèvre est présente, on ne doit pas bêler à sa place! ». Trop souvent, en effet, on nous prête des intentions qui ne sont pas les nôtres, on interprète nos coutumes et nos traditions en fonction d’une logique, qui, sans cesser d’être logique n’en n’est pas une chez nous. Les différences de psychologie et d’entendement faussent les interprétations nées de l’extérieur. Citons un exemple: pour un européen, regarder directement quelqu’un dans les yeux est un signe de franchise et de droiture, alors qu’en Afrique c’est une insolence. En signe de respect, l’Africain baisse les yeux, tandis que l’Européen regarde. Dans les deux cas, le but recherché est la politesse, mais les moyens et le comportement diffèrent. Chez nous, pour honorer on se déchausse. Le Européens, eux, se découvrent et la dernière des impolitesses, pour eux, est de rester coiffé.
Lorsque mon ami Boubou Hama se présenta pour la première fois à son Commandant de cercle, en tant que premier instituteur du Niger, il se déchaussa pour l’honorer. Loin d’en être touché, le commandant de cercle lui reprocha cette manie ridicule de se déchausser, alors qu’il avait l’insolence de rester coiffé! »
Tout est dit. Les mots n’ont pas le même sens partout. Nos peuples ont une vision du monde qu’il faut exprimer et valoriser. Une cosmogonie et des paradigmes à respecter. Toute l’entreprise coloniale visait à détruire les racines profondes de nos êtres pour mieux nous asservir. Le chantier prioritaire après l’indépendance était celui de la rupture épistémologique d’avec le modèle colonial, ses valeurs, sa trajectoire. Nos élites dirigeantes d’alors se sont laissées distraire. Nous traînons à ce jour ce malentendu: Nous confondons développement et occidentalisation. Nous poursuivons, de ce fait, un modèle que nous ne rattraperons jamais. Et c’est pour cela, entre autres, que les agences de notation nous mettrons toujours à la place des derniers de la classe! Faisons demi-tour! Changeons d’itinéraire, et nous deviendrons les premiers… pour nous-mêmes! Et c’est cela l’essentiel.
En valorisant son potentiel agricole (60% des terres arables du monde), en tirant un meilleur profit de ses ressources naturelles, en mettant à profit son avantage démographique, l’Afrique a les moyens de s’inventer un nouvel avenir. Pensant au Sénégal, je parle d’Afrique. C’est désormais le prisme d’avenir: gommer dans nos têtes les frontières tracées à Berlin.
A quand une prise de conscience résolue et des actes décisifs ?
Le temps presse!
Amadou Tidiane Wone
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