Il est devenu évident que le rôle des médias dans la transmission des informations ne se limite plus qu’à la description des faits. Ni à leur simple commentaire. De manière de plus en plus sophistiquée, les médias œuvrent désormais à orienter l’opinion dans le sens d’intérêts spécifiques et particuliers. Ces intérêts peuvent être politiques, économiques, militaires ou autres… identifier la nature de ces intérêts est devenu un préalable au filtrage du flux d’informations multiples, et parfois contradictoires, qui déferlent sur le monde. De jour comme de nuit. D’autant plus qu’à notre époque, les pôles d’émission et de diffusion planétaire des informations sont aux mains de puissances financières et économiques qui ont compris tout le profit qu’elles peuvent tirer de l’influence qu’elles exercent sur l’opinion. Tant que cette influence reste dans des limites, disons « raisonnables », il peut sembler convenable de chercher à faire prospérer sa vision du monde ou tout simplement ses affaires. Mais les dérives des médias de masses sont devenues outrancières et dangereuses. En plus des messages subliminaux calibrés qui envahissent et vicient les flux d’informations continus. Et, fait nouveau, l’avènement du numérique et son développement exponentiel, ajoute aux confusions en mettant à la portée de tous les schizophrènes du monde des outils de destruction massive!
C’est ainsi que chaque matin, on se réveille avec une bulle porteuse de multiples dangers sur la paix sociale et l’harmonie entre les peuples. Le pire étant que nous semblons tous penser que rien ne peut plus arrêter cette… fatalité ! Alors chacun y va de sa petite stratégie de survie individuelle: ne plus lire les journaux, ne plus écouter la radio ni regarder la télé, ne pas naviguer sur internet… certains ont choisi de se « bunkeriser » et de ne regarder que jusque là où porte leur vue. Une option qui n’est pas à la portée de tout le monde. D’autres se laissent emporter par le flot. Leurs opinions leurs sont dictées par l’actualité. Ils sont attentifs aux rumeurs et les colportent. Ils changent de « certitudes » tous les jours et gobent tous ce que les médias diffusent. Ils sont hélas, semble t-il, les plus nombreux. Entre les deux, il y a de la place pour un filtrage systématique et critique de ce qui nous est présenté comme actualité. Il faut cependant apprendre à exercer son droit à la négation de ce qui est présenté comme une évidence. Parfois envers et contre tous.
Sous ce rapport, l’affaire du « trafic des esclaves noirs en Libye » mérite que l’on s’y arrête. C’est un véritable cas d’école. Les médias internationaux les plus puissants, notamment CNN qui a diffusé une vidéo sur une « vente aux enchères » de noirs, ont mis en condition une indignation planétaire. Celle-ci a fait trembler le monde des réseaux sociaux qui jouent, de plus en plus, le rôle d’un réceptacle amplificateur des pensées dominantes. À l’insu du milliard et demi d’abonnés à Facebook, des algorithmes conduisent au gré d’enjeux souterrains le mouvement des idées à travers le monde.
La fameuse vidéo, après avoir été reprise en boucle par toutes les chaînes de télévision du monde a été partagée sur tous les réseaux sociaux au point de devenir virale. Ces réseaux étant de plus en plus interconnectés, ont abouti à l’organisation, partout dans le monde, de manifestations devant les représentations diplomatiques Lybiennes! Une affaire rondement menée à l’image des « printemps arabes » qui n’ont jusqu’ici donné naissance à aucune fleur… Et le monde entier s’ébroue d’horreur comme si la tragédie Lybienne venait juste de commencer. Comme si le drame des migrants se réduisait à la vente aux enchères de quelques noirs. Oubliées les nombreuses embarcations chavirant dans la Méditerranée depuis plus de 10 ans? Comme si personne ne savait le trafic d’organes sous-jacent à la disponibilité d’autant de cadavres « non identifiés »? Comme si nul n’avait entendu parler des viols quotidiens des nombreuses femmes retenues en captivité dans des sous-sols de prisons privées sur le sol Lybien? L’horreur qui se déroule en Lybie, depuis l’assassinat du Président Khadaffi qui n’était pas un ange, soit dit en passant, ni le démon que les médias(!) ont fabriqué, est sans nom. Le pays est détruit. Durablement. Humainement. Moralement. Et le Peuple Lybien est certainement le premier à en souffrir. Comble du sort, de victime, il est aujourd’hui universellement désigné coupable de tous les crimes contre l’humanité qui se perpètrent sur son sol. Est-ce pour absoudre à bon compte les criminels à col blanc qui ont décidé de la mise à mort du Président Khaddafi? Est-ce pour faire oublier les transactions ininterrompues sur le pétrole Lybien malgré la situation chaotique du pays? Toujours est-il que la puissance des médias oriente nos esprits vers d’autres horizons que la reconnaissance de la faillite, pour dire le moins, de la «communauté internationale ». Mais il y’a pire à venir si l’on ne se réveille pas…
Depuis quelques temps des dizaines de vidéos circulent sur internet, aussi horribles les unes que les autres. Avec un seul fil conducteur: attiser la haine entre arabes et africains noirs. Un hasard? Une volonté ? Il convient d’y réfléchir dangereusement! La géopolitique mondiale est en train de se remembrer. A quelles fins? Pour quels intérêts? Chaque pays doit se donner les moyens d’une réflexion stratégique sur les différentes secousses qui agitent le monde pour préparer l’avènement d’une nouvelle redistribution des forces. Un nouvel ordre mondial…
Ce qui se passe en Lybie ne relève pas du hasard. La décision de démolir ce pays a été mûrement réfléchie, planifiée et mise en œuvre. Où ? Comment et par qui? Des indices existent. La nébuleuse qui se cache derrière ce que l’on appelle pudiquement « la communauté internationale » a encore frappé. Comme en Irak, comme en Syrie, comme dans bien des endroits détenant des ressources naturelles ou stratégiques. Et à chaque fois les médias ont soigneusement préparé l’opinion à avaler l’indigeste. Un hasard? Non. Des volontés en mouvement. Les identifier est devenu indispensable pour sauver ce qu’il reste de l’homme!
Dans nos petits pays, les élites ayant accès aux langues de communication des médias internationaux ( anglais et français) ont une grande responsabilité. Celle de décoder et de filtrer les messages qui entrent dans le cadre d’une mise en scène de la peur et de l’affaissement.
Du temps de la guerre froide dont les deux blocs, Est et ouest ainsi que leurs satellites constituaient, selon le camp que l’on se choisissait, la ligne de démarcation entre le Paradis et l’enfer, l’équation était relativement simple. Depuis la modification des règles du jeu par la machinerie ( ou machination) de la mondialisation, une reconfiguration du paradigme enfer/paradis est en cours. Parce qu’en réalité l’homme est configuré pour aspirer au meilleur ou à tendre vers le pire. Depuis quelques années donc, l’occident sorti « vainqueur » de la bipolarisation de l’après-guerre a fabriqué un monstre dénommé « Islamisme » qui a enfanté d’un enfer baptisé « terrorisme ». Tout l’ordre du monde en cours de reconfiguration se redéfinit autour de ce nouveau paradigme: « l’Islam est l’ennemi de notre bien-être. Il remet en question notre mode de vie et nos valeurs. Détruisons le. »
Il s’agit dès lors de se donner les moyens d’identifier les acteurs et les bénéficiaires de l’instauration de ce paradigme bâti sur des tas d’amalgames faux et malhonnêtes.
Au titre des amalgames, réduire l’islam aux arabes explique la rage mise en œuvre à détruire le monde arabe et à contrôler ses ressources. Tout porte à croire qu’après son affaiblissement au cours des nombreuses guerres sous-régionales qui ont sapé son unité, le monde arabe va vers son implosion. La Syrie en cours de démantèlement, le Yémen détruit, la tension à son comble entre l’Arabie Saoudite et le Qatar prépare l’affaissement de la monarchie saoudienne. Pour l’heure, celle-ci coupe méthodiquement la branche sur laquelle elle est assise: l’entente sacrée de plusieurs tribus rivales cimentée par les Lieux Saints et le Coran. A n’en point douter Oncle Sam et son fils préféré ont fait le nécessaire pour y semer une zizanie profonde et durable. Une fois le monde arabe-musulman sous contrôle, faire face à l’autre versant, chiite, du monde musulman incarné par l’Iran sera envisagé. On y verra clair bientôt.
Pendant ce temps, et partout ailleurs dans le
Monde, le « djihadisme » fils naturel de « l’Islamisme » s’exporte et prend les couleurs locales de la zone concernée. Chez nous en Afrique Subsaharienne, il sévit au Nigeria, au Mali, au Niger, aux frontières algériennes et en…Lybie. Tout porte à croire que les acteurs se déplacent selon une mise en scène écrite à leur insu.
Pour en revenir à la Lybie, une expérimentation grandeur nature est en cours: attiser la haine entre les noirs et les arabes. Cela va mettre en péril un équilibre qui s’est construit pendant des siècles sur notre Continent. Sur fond de tolérance et de pardon. Si le virus prend, on ne sait plus où va s’arrêter le mal. Si le virus se répand et que les africains, arabes et noirs entrent en conflit, à Dieu ne plaise, nous ne serons pas loin de « la solution finale » au profit de qui? Pensons-y pendant qu’il est encore temps!
En vérité, ce qui se passe en Lybie a été commis par les « grandes puissances » en Afrique, et à travers le Monde, tellement de fois que l’on peut s’abstenir d’une arithmétique macabre. L’amplification médiatique des temps actuels pourrait nous faire croire à des malédictions nouvelles. Que non! La malfaisance de l’Homme contre son prochain est, hélas, une des constantes de l’Histoire. Chaque génération avec sont lot d’exactions. Revisitons l’Histoire. Les catacombes débordent de déraisons. L’odeur fétide des bassesses humaines s’en dégage depuis si longtemps que les images de la Lybie ne sont hélas, que celles que veulent bien diffuser les médias aux ordres. Il y’a eu pire… tellement pire!
Pour dire qu’à l’échelle de notre petit pays, le Sénégal, l’heure ne devrait plus être à la politique politicienne et à ses complots indigents. Ni au projet de second mandat pour un élu qui n’a même pas encore achevé le premier. Le rassemblement de toutes nos énergies autour d’une meilleure préparation de l’avenir de nos enfants est un enjeu de SURVIE. Dans l’affrontement des géants qui se partagent le monde, nous faisons figure d’une fourmi. Parlons en au cours d’un « dialogue national » qui soit sincère et approfondi. Non pas celui qui résulte de stratégies de courte vue. Non pas celui que concoctent les « stratèges » alimentaires de proximité. Non! Nous aspirons à un dialogue refondateur! Celui auquel appelait de tous ses vœux un homme que nous aimions tous et que nous respectons toujours: Serigne Abdoul Aziz Dabakh. Il n’a eu de cesse de nous inviter à la « Concorde Nationale » sur fond de valeurs partagées. Son appel était dénué de sens partisan. Il résonne encore dans le cœur des sachants comme l’ultime bouée de sauvetage d’une Nation en péril dans un monde en danger. Comprenne qui pourra… Ou plutôt: Allons rekk comme disent les jeunes de mon pays. Allons rekk…
Amadou Tidiane WONE
woneamadoutidiane@gmail.com
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