Il ne manquait plus qu’une gifle, plus qu’un coup de pied mais toute cette violence verbale le dépassait. Ses moindres mots d’excuses étaient noyés par le tonnerre de grondements de l’homme en béret (pas préposé à la circulation) le surplombant, l’assourdissant d’hurlements injustifiés. Lui-même obstruant le passage de ceux qui, derrière son véhicule, n’avaient sans doute pas le toupet de lui demander à leur tour de les laisser circuler.
Le « coupable » s’était arrêté un court moment sur le bord de la route pour laisser le temps à quelques clients de monter, ne voyant pas de véhicules derrière lui sur cette route pas très empruntée d’habitude.
Mais en sens inverse venait un autre Pick-Up, avec à bord le petit Chef parmi les siens « aux nerfs tendus » pour je ne sais quelle raison, la même voiture que le Pauvre Chauffeur n’avait d’autre choix que de suivre, dépité, pour récupérer les papiers de son véhicule.
Loin de moi l’idée de justifier sa « faute » mais son « humiliation » au milieu d’autant de badauds, la manière avec laquelle il avait fallu lui faire respecter « l’ordre » (par celui qui n’était, me semble-t-il, pas préposé à régler une quelconque circulation dans Dakar), m’indisposait.
Ce n’était pas la première fois que j’assistais à pareille scène troublante.
Des adultes réprimandés comme des enfants par des hommes en uniforme qui avaient l’âge de leurs gosses. Des personnes, ignorant ce qu’il fallait faire, injuriés pour leur affolement. De simples citoyens n’attendant qu’une simple instruction, une simple recommandation de la part de cette personne censée inspirer confiance ou voulant poser des questions légitimes, traités comme s’ils avaient commis un sacrilège contre l’honorabilité de ces êtres apparemment supérieurs en vertu de leur habit.
Il suffit d’écouter autour de soi, les expériences des uns et des autres, pour comprendre que les excès sont vécus au quotidien. On en rit, on se moque de malheureux pour leurs mésaventures, pour ces coups de matraques donnés à tort, distribués à travers, ne reposant sur aucune base légale.
Ils vous tyrannisent pour des broutilles. La tendance à penser que c’est par des coups qu’on pouvait redresser notre société anarchique fait apparemment bien des émules.
Dans des situations ou une simple communication d’humain à humain aurait pu ramener à de bons auspices, on agit sans le minimum de courtoisie. Personne ne s’attend à être « câliné » mais il n’est pas logique qu’il faille jouer les gros bras hyper-zélés et brutaux pour assurer son autorité auprès de gens qu’on est censés servir.
Il n’y a plus respect mais crainte, appréhension de forcément finir par être lésés devant l’instance de contestation face à ceux-là qui avaient eu cette fois-là tort mais faisaient partie du système des punisseurs impunissables.
« Si ce n’était ta tenue, il t’aurait été inconcevable d’agir de la sorte face à cet homme que tu te vantes d’avoir giflé avant qu’il ne place un mot » disais-je à un ami vêtu d’uniforme depuis peu de temps qui se vantait de la gifle infligée à un gaillard au cours d’une ronde.
Il n’avait sans doute pas peur de lui, il ne le respecterait pas dans le futur et cette expérience des plus humiliantes ne forgerait que son dégoût pour ceux qui étaient censés veiller sur son intégrité.
Combien d’autres sont-ils d’ailleurs…
Moussa Ngom