Les mois de novembre, décembre et janvier sont traditionnellement des moments d’épanouissement et d’espoir d’un renouveau dans la qualité de vie, dans le monde rural. Après trois mois de labeur et de débauche intense d’énergie, tout paysan rêve de récolter les fruits de son labeur. Mais dans notre pays, les prémices de belles récoltes sont souvent des symptômes de stress à cause d’une campagne agricole hasardeuse.
Cette année, la commercialisation de l’arachide risque d’être plombée par la désertion du marché par les commerçants chinois. Il s’agit d’un boycott, car la taxe de quarante francs (40f) sur chaque kilogramme acheté, imposée par le gouvernement, a fini par hypothéquer les investissements des acheteurs chinois. Contrairement à ce que le gouvernement a voulu habilement instiller dans les consciences (notamment en activant certains de ses réseaux dans la presse), ce n’est pas parce que la Chine est devenue productrice ! C’est absurde d’ailleurs, car ce pays a toujours été le premier producteur mondial d’arachide.
C’est vrai que les besoins de la Chine ne sont pas toujours couverts par sa production, mais c’est aberrant de faire croire que c’est parce qu’elle est devenue productrice d’arachide, que les commerçants chinois ont tourné le dos à l’arachide sénégalaise. Le gouvernement voulait (en lançant ce ballon de sonde mensonger) préparer les consciences aux prochaines difficultés de la campagne de commercialisation de l’arachide.
C’est à cause de sa cupidité financière que les partenaires chinois ne sont plus intéressés par la production sénégalaise. Il y a donc de véritables risques de mévente cette année, car les structures locales ont toutes les difficultés à mobiliser les financements nécessaires pour acheter l’arachide au prix fixé par le gouvernement (soit 210 francs Cfa le kilogramme).
La société civile sénégalaise doit faire l’effort de s’impliquer davantage dans la défense des intérêts de nos parents paysans, car leur situation n’est pas aujourd’hui très loin du servage. Parce qu’il n’y a aucune lisibilité dans le démarrage de la campagne de commercialisation de l’arachide, des paysans sont en train de brader leurs récoltes à vil prix. Nous pensons que l’humanisme n’est pas seulement dans la défense des libertés publiques des professionnels de la politique. La société civile doit se décloisonner et arpenter les chemins qui mènent vers le Sénégal du dénuement, le Sénégal de la ruralité austère, déshéritée. Le citoyen du pays profond mérite d’être défendu au même titre que n’importe quel détenu politique.
Un autre péril auquel est confronté le monde rural, ce sont les conflits entre pasteurs nomades et paysans dans les régions centrales du pays. Dans le département de Birkilane par, exemple, les paysans sont hantés par le risque de voir leurs monceaux d’arachide (Ngar ou naaf) être dévastés par les vaches des fameux « Ndourabé » (les pasteurs nomades).
A cause d’un grave déficit pluviométrique dans certaines zones pastorales, les bergers sont obligés de transhumer précocement cette année vers le Saloum. Or à l’étal actuel des récoltes, il y a de fortes chances que des heurts aux conséquences désastreuses, éclatent entre pasteurs nomades et paysans. On ne peut pas, sous le prétexte de sauver le bétail en détresse dans le nord, exposer les paysans du Saloum aux menaces de dévastation de leurs récoltes.
On ne sait pas comment les autorités locales comptent gérer cette menace, mais les paysans de ces localités commencent à crier leur ras-le-bol et à tirer sur la sonnette d’alarme. Il faut trouver un moyen de prévenir les risques de pertes de récoltes que la présence des pasteurs nomades à cette période de l’année peut entraîner et les conséquences sociales qui en découleraient. Or quand un État est incapable de sécuriser les biens de pauvres paysans, il y a de fortes chances que ces derniers veuillent se faire justice eux-mêmes.
Alassane K. KITANE
Professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès
SG du Mouvement LABEL-Sénégal
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