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Contribuables Sénégalais ! A Vos Sous ! 

Ces temps-ci, pendant la période allant d’octobre à décembre 2017, les députés sont en train d’examiner la Loi de finances initiale (Lfi) de 2018, préparée et déposée par le gouvernement.

Une diarrhée de chiffres envahit les colonnes de la presse, et les services du ministère de l’Economie, des finances et du plan sont tous au charbon pour convaincre du caractère «social» et distributif du budget de 2018.

Les prévisions de ce budget s’élèvent à 3 709,10 milliards de francs Cfa. Mais sa présentation au public par les autorités qui en ont la charge est intentionnellement escamotée. Elles n’en présentent qu’une seule partie, au lieu des deux qui la composent. Elles se contentent de distribuer cette manne financière sans informer sur sa provenance. Ce faisant, l’objectif est d’installer profondément dans le subconscient des Sénégalais qu’elles ont de généreux donateurs que la providence leur a envoyés pour apporter les solutions idoines à leurs soucis sans cesse renouvelés.

Ainsi n’arrêtent-elles pas de parler des milliards de la Bourse de sécurité familiale, de la Couverture maladie universelle, des Domaines agricoles communautaires, du Fonds national de l’entreprenariat féminin, du Fonds national de partenariat rapide, du Programme national d’électrification rurale, du Programme d’équipement du monde rural, de Promovilles, du Programme d’urgence de développement communautaire (Pudc), du Programme d’urgence de modernisation des axes et territoires frontaliers (Puma), de l’Agence nationale pour la promotion de l’emploi des jeunes, etc.

D’où viennent ces milliards ? Sont-ils tombés du ciel ? Proviennent-ils de dons reçus de généreux donateurs résidant au Sénégal ou vivant à l’étranger ? Ou sortent-ils des économies réalisées par ceux qui, à longueur de journée, ne cessent de nous tympaniser avec ces chiffres rébarbatifs qui remplissent les colonnes de la loi de finances de l’année ?

En réalité, c’est cette partie de la loi de finances soigneusement enterrée par ses présentateurs qui peut nous édifier avec exactitude sur la provenance de ces milliards.

Ces milliards proviennent de la sueur de contribuables sénégalais. On les appelle des deniers publics parce qu’ils appartiennent, non à des individus, mais à l’ensemble de ceux qui, par leurs cotisations individuelles, réalisent cette manne financière qui constitue le budget général qui permet à l’Etat de pouvoir fonctionner du premier janvier au 31 décembre de l’année.

Oui, cette manne financière de 3 709,10 milliards, constituant le budget de 2018, nous appartient à nous les contribuables. Ce sont nos sous.

Nous l’avons constitué par les impôts, droits et taxes dont nous nous acquittons chaque année en application des dispositions contenues dans les Codes généraux des Impôts et de la Douane.

En matière d’impôts, les contribuables sont soumis à deux catégories bien distinctes : les impôts directs et les impôts indirects.

Les impôts directs sont assis sur l’Avoir tandis que les impôts indirects le sont sur l’Etre.

Ces deux constituants – Avoir et Etre – de la personnalité du contribuable sont les éléments de base sur lesquels s’appuie l’Administration fiscale pour déterminer l’assiette fiscale à laquelle sont appliqués les taux pour déterminer le montant des différents impôts définis par le Code général des impôts.

L’Avoir est constitué des différents revenus et autres gains des contribuables que leur rapportent leurs activités professionnelles. S’y ajoutent les biens et fortune constitués avec leur épargne.

Tous les revenus, gains et autres acquisitions des contribuables sont visés par le Code général des impôts et font l’objet annuellement de taxation pour alimenter les caisses du Trésor public.

Les principaux impôts directs prélevés sur les contribuables se présentent ainsi qu’il suit :

1. Les impôts sur les sociétés dont les impôts sur les bénéfices des sociétés avec un taux de 30% et l’impôt minimum forfaitaire de 0,5% du chiffre d’affaires hors taxes réalisé l’année précédant celle de l’imposition ;

2. Les impôts sur le revenu dont les impôts sur le revenu des personnes physiques ; les impôts sur le revenu des capitaux immobiliers et les impôts sur les créances, dépôts et cautionnement ;

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3. Les retenues d’impôts sur traitements, salaires, pensions et rentes viagères ;

4. La contribution forfaitaire à la charge de l’employeur.

Les prévisions de la Lfi 2018 de ces différentes catégories d’impôts directs s’élèvent à :

– Impôts sur les sociétés = 201,5 MM

– Impôts sur le revenu = 43 MM

– Impôts sur traitements, salaires, pensions et rentes viagères = 396,6 MM

– Contribution forfaitaire à la charge de l’employeur = 16,1 MM

Ces masses d’argent ne sont pas tombées du ciel, mais directement prélevées des résultats des activités quotidiennes des contribuables sénégalais (Hommes et Femmes).

Contribuables sénégalais ! Toutes ces sommes composant le rendement fiscal des impôts directs proviennent de vos poches, de votre travail, de votre sueur. Cet argent est le vôtre, il est extrait du résultat de vos activités professionnelles. Il vous appartient. Ce sont vos cotisations. Ce sont vos deniers. C’est de l’argent public. Il contribue au fonctionnement de l’Etat et au financement des projets des politiques publiques que ce dernier met en œuvre. La propagande officielle parle de 713 projets en présentant la partie budget d’investissements du projet de Lfi 2018 en escamotant le fait réel qu’ils ne seront financés que par l’argent des contribuables.

Mais ce n’est pas tout. Dans toutes les manifestations de leur Etre, les mêmes contribuables sont également soumis, mais de manière indirecte, au paiement d’autres impôts et taxes généralement assis sur leur consommation. C’est le domaine d’application des impôts indirects. L’impôt indirect à la particularité d’être réellement supporté par le consommateur final. Durant son parcours, il est payé, puis récupéré et ensuite renvoyé au consommateur final.

C’est le cas de la Taxe sur valeur ajoutée (Tva) à un taux unique de 18% comprenant la Tva intérieure et la Tva à l’importation et les taxes spécifiques sur la consommation intérieure frappant les tabacs, les corps gras alimentaires, les boissons, la cola, le thé, le café, le ciment et les produits pétroliers.

Les prévisions de la Lfi 2018 de ces différents rubriques s’élèvent au montant de :

– 371 MM pour la Tva intérieure ;

– 407 MM pour la Tva à l’importation ;

– 69,7 MM pour les Taxes spécifiques sur la consommation intérieure hors pétrole ;

– 85 MM pour la Taxe sur les produits pétroliers.

Sur la consommation intérieure, en plus de la Tva au taux de 18% déjà supportée par les produits concernés, l’Etat applique la taxation ci-après :

– Taxe sur les tabacs : 40% pour les cigarettes économiques, et 45% pour les cigarettes premium et autres tabacs ;

– Taxe sur les corps gras alimentaires : 10% pour les beurres, crèmes de lait et les succédanés ou mélangés contenant du beurre ou de la crème quelles que soient les proportions du mélange et 5% pour les autres corps gras ;

– Taxe sur les boissons : 40% pour les alcools et liquides alcoolisés avec une taxe additionnelle de 1 500F par litre pour les alcools pur et inferieur ou égal à 150 et 5 000F par litre pour les alcools d’un tirage supérieur à 150 et 3% pour les autres boissons et liquides ;

– Taxe sur la cola, au taux unique de 30% ;

– Taxe sur le thé, au taux unique de 5% ;

– Taxe sur le café, au taux unique de 5% ;

– Taxe spécifique sur les produits pétroliers. Cette taxe frappe le super-carburant, l’essence ordinaire, l’essence pirogue et le gasoil.

Elle est due sans aucune exclusion, restriction ou dérogation dans les conditions prévues ci-dessus :

l 21 mille 665 F Cfa par hectolitre pour le super-carburant ;

l 19 mille 847 F Cfa par hectolitre pour l’essence ordinaire ;

l 3 856 F Cfa par hectolitre pour l’essence pirogue ;

l 10 mille 396 F Cfa par hectolitre pour le gasoil.

1 000 F Cfa par hectolitre de ces différents tarifs, à l’exclusion de l’essence pirogue, représente la taxe annuelle sur les véhicules et engins à moteur.

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Il est également institué au profit du Fonds d’entretien routier autonome du Sénégal une taxe parafiscale dénommée «taxe d’usage de la route» dont le produit est exclusivement destiné au financement de l’entretien routier. Cette taxe frappe le super-carburant, l’essence ordinaire et le gasoil. Son tarif est fixé à :

l 3 545 F Cfa par hectolitre pour le super-carburant ;

l 3 195 F Cfa par hectolitre pour l’essence ordinaire

l 1 595 F Cfa par hectolitre pour le gasoil.

Il en est de même de la Redevance sur l’accès ou l’utilisation du réseau des télécommunications publiques (Rutel) instituée au profit de l’Etat.

Est passible de cette redevance toute personne physique ou morale qui utilise le réseau des télécommunications publiques d’un opérateur agréé par l’Etat du Sénégal ou y accède.

Le taux de la redevance est de 5% du montant hors taxe de la prestation payée à l’opérateur.

Ce sont les opérateurs de réseaux des télécommunications publiques fixes ou mobiles qui sont tenus de collecter pour le compte de l’Etat du Sénégal la redevance sur l’ensemble des sommes qu’ils reçoivent de leurs clients du fait de l’accès ou de l’utilisation du réseau pour lequel ils ont un agrément.

Les prévisions de la Lfi 2018 pour les taxes spécifiques sur la consommation intérieure hors pétrole s’élèvent à 69,7 MM F Cfa.

La taxe sur les produits pétroliers est prévue pour un montant de recettes de 85 MM.

S’y ajoutent les droits de douane qui soumettent les produits figurant dans la nomenclature tarifaire aux taux ci-après retenus suite à l’adoption du Tarif extérieure commun (Tec) de l’Uemoa :

– 0% pour la catégorie 0 (biens sociaux essentiels) ;

– 5% pour la catégorie 1 (matières premières de base, biens d’équipement, intrants spécifiques) ;

– 10% pour la catégorie 2 (intrants autres que ceux repris à la catégorie 1 et produits intermédiaires) ;

– 20% pour la catégorie 3 (bien de consommation finale) ;

– 35% pour la catégorie 4 (biens essentiels pour le développement économique.)

Ainsi, le contribuable qui prend son petit-déjeuner, s’abreuve de boissons, croque de la cola, prend son thé, boit son café, paie le prix de son transport en commun ou fait le plein de sa voiture personnelle, fait usage de biens importés, fait appel à son portable ou à son ordinateur – phase finale de la consommation – réalise toutes les recettes constituant les impôts indirects et démontre ainsi qu’il est l’unique source de toutes les recettes fiscales autorisées par l’Assemblée nationale et qui permettent au gouvernement de pouvoir faire face aux dépenses publiques prévues dans la Lfi. Pour tous les biens importés, il supporte de manière cumulée et les droits de douane renforcés par la redevance statistique, la taxe unique de 1% et la taxe conjoncturelle à l’importation, et la taxe sur la valeur ajoutée et, pour certains, la taxe spécifique sur la consommation intérieure.

C’est donc l’ensemble des impôts, taxes et autres redevances qui constituent les ressources essentielles du budget national qui permettent à l’Etat de pouvoir faire face aux dépenses publi­ques, qu’elles soient de fonctionnement ou d’investissements. Cette masse d’argent provenant des contributions individuelles des contribuables sénégalais forme la rubrique «Recettes fiscales» des ressources budgétaires.

Pour la Lfi 2018, les prévisions de ces «Recettes fiscales» sont d’un montant de 2 211 MM, représentant 58% des 3 709,1 MM du projet de la Lfi 2018, 61% des 3 597, 8% du budget général, et 91% des 2 439,8 MM des ressources internes.

Les recettes fiscales, les impôts payés par les contribuables sont l’ossature du budget de l’Etat. Elles sont le nerf de toute l’activité gouvernementale. En réalité, ce sont les contribuables qui financent tous les crédits affectés à la réalisation de tous les projets des politiques publiques que les autorités s’évertuent à présenter comme si ces ressources étaient leur propre propriété.

La vérité est que sans les ressources publiques, aucune dépense publique ne peut être effectuée.

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Et les ressources publiques, ce sont les contributions directes et indirectes des contribuables – personnes physiques ou morales – qui les constituent.

Aucune institution de la République ne peut fonctionner sans les ressources publiques. Toutes les charges de la présidence de la République, de l’Assemblée nationale, du Conseil économique, social et environnemental, du Haut Conseil des collectivités territoriales, du pouvoir judiciaire sont couvertes par des crédits puisés de cet argent public appartenant aux contribuables et logé au Trésor public.

Le budget de fonctionnement des institutions de la République pour 2018 prévoit les crédits ci-après estimés à :

l 88,8 MM pour la présidence de la République ;

l 15,77 MM pour l’Assemblée nationale ;

l 6,2 MM pour le Conseil économique, social et environnemental ;

l 7,3 MM pour le Haut conseil des collectivités territoriales ;

l 1,93 MM pour la Cour suprême ;

l 1,16 MM pour le Conseil constitutionnel ;

l 5,11 MM pour la Cour des comptes ;

l 43,35 MM pour la Primature.

Il en est de même du financement de tous les projets inscrits dans les crédits d’investissements du projet de la loi des finances 2018.

Dans son discours de présentation du budget devant l’Assemblée nationale, le ministre de l’Economie, des finances et du plan s’est évertué à mettre en exergue ces projets phare du budget 2018 avec les affectations des crédits ci-après :

l 40 MM pour le Programme national des bourses de sécurité familiale ;

l 30 MM pour le Fonds national entreprenariat rapide ;

l 34 MM pour le Programme national d’autosuffisance en riz ;

l 20 MM pour le Projet de construction de l’autoroute Thiès-Tamba ;

l 24 MM pour le Projet de Train express régional (Ter) ;

l 8 MM pour Promovilles.

La règle générale est que toutes les dépenses de l’Etat sont couvertes par les ressources autorisées dans le budget et prélevées sur les contribuables.

Cet argent public, ces deniers publics, cet argent appartenant aux contribuables doit servir exclusivement à la couverture de la satisfaction des intérêts publics.

C’est une exigence républicaine, citoyenne et démocratique.

Les principaux concernés, j’ai nommé les contribuables sénégalais, se doivent de l’exiger. Il est temps qu’ils s’organisent pour s’opposer désormais aux pratiques récurrentes de détournement des ressources publiques à des fins partisanes, familiales et claniques.

A l’instar des consommateurs, il est plus que temps de créer une puissante Association des contribuables pour prendre en charge cette préoccupation.

Contribuables sénégalais ! A vos sous ! A vos sous déjà recouvrés et encaissés dans les caisses du Trésor public, mais aussi et surtout à vos sous détenus par des contribuables qui bénéficient du laxisme de l’Administration fiscale pour ne pas les payer. Ils usent de la fraude et de l’évasion fiscales et bénéficient des larges privilèges que leur accorde l’Administration sous forme de remises gracieuses, d’amnisties et d’exonérations fiscales substantielles. Des milliards qui s’envolent au détriment de l’ensemble des contribuables.

Ces sous doivent servir au développement de notre pays. Une voie autorisée comme celle du khalife général des Tidianes Serigne Mbaye Sy Mansour ne dit pas autre chose et nous incite à la création de cette association quand, dans les colonnes du journal L’Observateur du lundi 27 novembre 2017, il tient ces propos, je le cite : «L’argent que le gouvernement distribue dans les foyers religieux appartient aux contribuables sénégalais. Cela doit être investi dans le pays pour créer des infrastructures.

Un jour, le président Abdou Diouf avait envoyé beaucoup d’argent à Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh. Après le Gamou, Serigne Abdoul a envoyé un delegué au Palais pour lui restituer l’argent. Il lui a dit que cela appartenait aux Sénégalais puisque ce n’est pas sorti de sa poche.»

Oui, le combat doit être mené et par tous les Sénégalais pour l’éradication définitive de la corruption et de l’impunité qui freinent dangereusement la marche de notre pays vers son progrès pour le plus grand bonheur de ses enfants.

Alla KANE

Inspecteur des Impôts

et domaines

à la retraite

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