« Assurément, citoyens, ceux qui ont appris aux témoins à se parjurer en portant contre moi ( un prévenu, c’est moi qui souligne ) un faux témoignage, et ceux qui se sont laissé suborner doivent, de toute nécessité, se sentir coupables d’une grande impiété et d’une grande injustice ». Platon / Apologie de Socrate.
« Le juge le plus honnête aura des comptes à rendre à Dieu ». Cheikhoul Khadim.
Juger ses compatriotes est un acte d’une portée morale terrifiante. Condamner à une peine de prison voire innocenter un justiciable ne doivent pas du tout être pris à la légère. C’est la vie même voire la dignité humaine de la personne qui est engagée. Le magistrat chargé de juger une affaire doit avoir à l’esprit que sa décision va inéluctablement impacter de manière positive ou négative la société. Les citoyens sénégalais jettent un regard circonspect sur la magistrature. Ils s’interrogent avec lucidité sur certaines décisions juridiques et interpellent la conscience de ceux ou de celles qui sont habilitées à dire le droit rien que le droit.
L’opinion publique sénégalaise demande toujours que la vérité et l’objectivité apparaissent dans les jugements rendus par les différentes juridictions du pays indépendamment du statut social du prévenu voire du plaignant. Au magistrat sénégalais, je lui demanderai de faire abstraction dans son jugement de la qualité du justiciable, de son appartenance politique, de ses liens avec le pouvoir, ses soutiens intéressés, légitimes ou pas, de son appartenance confrérique voire de ses entrées privilégiées dans les familles maraboutiques du pays, de son pouvoir financier. En vérité, le magistrat juste et craignant le Seigneur par-dessus tout ne doit aucunement prêter le flanc à ces considérations subjectives.
Au magistrat sénégalais, je lui demanderai d’étudier voire d’analyser uniquement le dossier d’accusation présenté par le ministre public même s’il le faut avec des lucarnes afin de cerner avec précision les contours de l’affaire, les pièces à condition, les charges retenues contre le prévenu, les irrégularités ou failles du dossier, les objections et demandes formulées par la défense, la légalité de l’acte même d’accusation, les témoins à charge ou décharge , avant de rendre un jugement.
Au magistrat sénégalais, je lui demanderai également de vérifier en toute objectivité si les droits du prévenu ont été respectés durant toute la phase de la procédure. Au magistrat sénégalais, je lui demanderai de rester neutre, de ne pas montrer devant le prétoire ou ailleurs des signes de sympathie voire de distiller par ci et là des messages voilés ou pas au ministère public voire de prêter le flanc à la plaidoirie d’un avocat. Au magistrat sénégalais, je lui dirai aussi qu’un procès juste et équitable ne peut pas faire l’impasse sur ces considérations.
Au magistrat sénégalais, je lui demanderai aussi de quelle manière il aimerait être jugé par ses semblables. En toute justice ou toute illégalité voire injustice notoire. Au magistrat sénégalais, je lui demanderai de n’avoir que sa conscience et le droit comme baromètres ou instruments en rendant son jugement.
Au magistrat sénégalais, je lui conseillerai de refuser d’entrer en contact avec l’exécutif en répondant nuitamment à ses convocations au palais de la République pour recevoir la feuille de route voire les directives tendancieuses du chef de l’Etat sur des affaires pendantes en justice.
Au magistrat sénégalais, je lui demanderai de ne pas baisser la tête en maugréant suite au soupçon de complaisance voire de soumission au pouvoir exécutif ressentie par une bonne partie de la population à son encontre. Tout au plus, il a le devoir de relever la tête en revendiquant de manière souveraine et responsable son autonomie et refuser par voie de conséquence à être le bras armé du président de la République pour exécuter les sales besognes qui ternissent à jamais l’image de la justice sénégalaise Au magistrat sénégalais, je lui rappellerai qu’il a prêté serment au même titre que le président de la République pour assumer pleinement sa mission de rendre la justice au nom du peuple et au service exclusif de l’intérêt général.
Au magistrat sénégalais, je lui demanderai aussi de prendre soin de son autorité, d’en être fier même et de point oublier qu’il n’a pas d’ordre à recevoir de personne si ce n’est sa conscience et/ou ce que lui dicte le droit.
Au magistrat sénégalais, je lui demanderai humblement et avec toute la considération qui sied à son statut privilégié au sein de la société d’avoir à l’esprit que le Seigneur des mondes condamne l’iniquité et arbore arbore le faux témoignage.
Au magistrat sénégalais, je lui demanderai de méditer scrupuleusement sur la sentence de Serigne Touba Khadimou Rassoul sur le juge honnête et de son devoir de rendre compte de ses décisions au juge Suprême.
Au magistrat sénégalais, je lui rappellerai que même si l’erreur est inhérente à toute activité humaine, il a le devoir de faire tout son possible afin qu’elle n’apparaisse dans son appréciation objective du dossier judiciaire. Tout au plus, le magistrat sénégalais doit seulement rendre la justice de bonne foi en ayant à l’esprit le moment où il sera enseveli pour un long sommeil en communion avec ses décisions décidées ou souhaitées par le président de la République ou par toute autre autorité politique ou maraboutique.
Au magistrat sénégalais, je lui rappellerai également qu’il n’a nullement le droit de se soucier de sa carrière. L’honneur du juge est de loin plus important que les caprices sournoises de nos autorités publiques qui n’ont pour seules ambitions que de manipuler la justice en fonction de leurs intérêts du moment. La postérité ne retiendra que le souvenir des magistrats justes et honnêtes en toutes circonstances. Pour les autres magistrats en conflit permanent avec la vérité, l’éthique voire le sens du devoir et qui ont décidé d’aliéner leurs libertés en rendant des jugements iniques au détriment du respect des lois et règlements de la République, les citoyens sénégalais ne ressentiront que du dégoût à leur égard.
Par Massamba Ndiaye