Je voudrais d’emblée saluer la mémoire de madame Eugène Poubelle, ce préfet qui, en 1884, obligeait les Parisiens à utiliser un récipient spécial pour déposer leurs ordures ménagères devant leurs portes, afin qu’elles ne soient plus éparpillées dans la rue avant d’être ramassées par les services municipaux. Les Parisiens nommeront ce récipient «Poubelle». A cette période-là, les hommes confiaient à la nature le soin de digérer leurs déchets. Ce qui ne pouvait pas être récupéré ou utilisé pour nourrir des animaux était enfoui, brûlé ou servait d’engrais.
Mais avec le développement de l’urbanisation et l’industrialisation, le cycle naturel a été rompu, car il y a eu une augmentation rapide du volume des déchets par rapport au temps de la réaction du cycle naturel et par conséquent, les ordures sont entassées dans les rues, et partout dans les villes. C’est ainsi que l’hygiène publique devient une véritable préoccupation. Est-il besoin de rappeler au passage que la salubrité publique est partie intégrante de la trilogie classique de l’ordre public consacré par le droit administratif ?
En entendant l’édile de la ville de Saint-Louis, Monsieur Mansour Faye, déclarer au soir de la sortie des fanaux que 2018 sera l’année de la citoyenneté pour la commune de Saint-Louis, il m’est venu à l’esprit de partager avec les habitants de la ville tricentenaire ces quelques bonnes pratiques qui participent d’une bonne gestion des déchets dans le périmètre communal.
Mais avant cela, permettez-moi d’abord de souligner les dangers qui peuvent provenir de ces déchets ménagers (les ordures urbaines, ou déchets urbains sont les déchets issus de l’activité journalière des ménages. Elles incluent également les déchets des commerçants et artisans qui suivent les mêmes circuits de traitement). Ces dangers peuvent aussi bien affecter la population que l’environnement.
Pour ce qui concerne les populations, le problème des déchets ménagers peut être à l’origine des maladies transmises de l’animal à l’homme. En effet, les résidus nutritifs des déchets ménagers attirent une faune visible ou pas dont certains microorganismes (virus, champignons, bactéries etc.), les animaux errants, (chiens, chats, rats…), vecteurs de la peste. Les décharges sauvages attirent les parasites et les animaux errants (chiens, chats, rats…) causant un problème de sécurité et de santé publique pour les populations et les travailleurs. Et pour ce qui est des invertébrés, on constate que les ordures ménagères constituent le principal refuge de divers insectes, dont les mouches, cafards, moustiques, vecteurs de maladies comme la diarrhée, la bilharziose, le choléra, le paludisme… Il est à noter aussi l’existence de possibilités de transmission des Mst par la présence de déchets biomédicaux contaminés au niveau des poubelles (aiguilles, seringues, cotons etc.).
Il s’y ajoute que lorsque les ordures sont jetées à même le sol, elles peuvent à long terme contaminer la nappe phréatique, et donc endommager nos sources d’eau potable. En effet, la contamination de la nappe phréatique par des eaux de percolation, chargées en divers polluants, peut atteindre les eaux que nous consommons.
Sur le plan environnemental, les ordures ménagères sont aussi à l’origine de la dégradation de l’environnement à travers la pollution de l’air, de l’eau et du sol. Elles participent à l’augmentation des gaz à effet de serre comme le Co2 et le Ch4 qui polluent l’air, entraînent le réchauffement climatique, cause du changement climatique et les polluants comme les nitrates (No3, Nox) et le phosphore qui contaminent les eaux et dégradent les terres cultivables.
D’autres conséquences peuvent être relevées, notamment l’impact visuel des décharges, sans oublier notre environnement marin, les eaux usées, les odeurs nauséabondes, l’éparpillement des ordures qui défigurent nos villes. Nous sommes tous témoins de ces dégradations qui sont le plus souvent d’origine anthropique, c’est-à-dire causées par l’homme. C’est pourquoi l’homme doit être au centre du dispositif de gestion des déchets.
Il faut d’abord sensibiliser et attirer l’attention des acteurs locaux des communes sur les possibilités réelles d’une bonne gestion des déchets à partir de la maîtrise de toutes les étapes de la filière de gestion, mais surtout à partir de la réutilisation/valorisation des déchets comme solution pertinente à la problématique récurrente d’élimination des déchets ménagers, commerciaux et industriels (y compris déchets d’abattoirs).
Il faut ensuite convaincre particulièrement les acteurs et populations sur l’utilité du tri à la source des déchets ménagers organiques qui, non seulement participe à la réduction des quantités de déchets collectées, transportées et traitées, mais également à la diminution des coûts de gestion des déchets solides urbains, tout en apportant une plus-value au secteur de l’agriculture par l’utilisation du compost.
Les grands axes d’une politique de gestion des déchets :
La prévention des déchets :
la prévention des déchets consiste à prévenir ou réduire la production et la nocivité des déchets, notamment en agissant sur la fabrication et la distribution des produits.
La prévention comporte deux niveaux :
Au niveau des producteurs, la prévention peut être menée en négociant avec les industriels et en leur donnant des objectifs. ⇒ démarche volontaire des entreprises ou loi ou système de taxe.
Au niveau du consommateur, organiser des campagnes de sensibilisation sur les produits générant moins de déchets, ou appliquer une redevance incitative pour la gestion des déchets (principe du pollueur-payeur : je paye pour ce que je jette) au lieu de la Taxe d’enlèvement des ordures ménagères (Teom) liée aux taxes foncières.
La valorisation des déchets
La valorisation des déchets consiste dans «le réemploi, le recyclage ou toute autre action visant à obtenir, à partir de déchets, des matériaux réutilisables ou de l’énergie».
Deux types de valorisation sont retenus : la valorisation matière et celle énergétique (compost, biogaz …).
Le principe des 3R
Réduire, Réutiliser, Recycler – permet de réduire la production d’ordures ménagères nécessitant un traitement collectif. Or, Réduction du volume de déchets = Réduction du nombre de camions poubelle sur nos routes = la Réduction de déchets incinérés ou mis en décharge.
Il urge alors de sensibiliser les populations sur l’importance des poubelles, mais aussi et surtout sur le nécessaire tri des déchets ménagers par les consommateurs d’abord et les pouvoirs publics ensuite. Plus d’un siècle après l’arrêté préfectoral de Eugène Poubelle, nous sommes toujours à la traîne par rapport à ce récipient qui est tout de même indispensable au cycle de gestion des déchets. Il faudrait alors faire de sorte que devant chaque maison on puisse trouver une ou des poubelles et mettre en place un système de ramassage périodique pour éviter de transformer nos poubelles en bombe écologique. Il est vrai que nous n’avons pas les moyens des pays développés (la Scandinavie par exemple) où il y a quatre poubelles juxtaposées à chaque coin de rue : une poubelle pour les matières organiques biodégradables, une poubelle pour les produits recyclables tels que les bouteilles et sachets plastiques, une poubelle pour les conditionnements en verre et une autre pour les déchets ultimes. Mais encore faudrait-il que les populations soient suffisamment outillées pour identifier ces différents types de déchets et qu’elles soient conscientes du rôle citoyen qu’elles peuvent jouer dans ce domaine.
Papa Demba CISSOKHO
Journaliste diplômé du Cesti
Juriste d’affaires
Titulaire d’un Master II en Développement Durable & Management environnemental