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Kuma Be Folo Kuma

Kuma Be Folo Kuma

(Au début, il y avait la parole… ?)

La parole se plaint toujours lorsqu’elle est dite par quelqu’un qui n’en a pas le droit et la légitimité, elle se plaint lorsqu’elle est dite à l’endroit où on n’aurait pas dû la dire et enfin, elle se plaint lorsqu’elle est dite à un moment où on n’aurait pas dû la dire.

Il y a plusieurs types de paroles dont la valeur de poids social varie en fonction des trois facteurs essentiels : la légitimité, l’opportunité et l’endroit. Il est question ici de parler de trois types de paroles d’extraction et de poids social différents : «Allah la kumo», «Mansa la kumo» et «Mo kenson la kumo»

Allah la kumo ?

De la parole de Dieu, il faut distinguer sa parole qui est création et sa parole qui est message transmis aux hommes à travers ses différents messagers. Dieu dit, le ciel soit, le ciel fut. La terre soit, la terre fut. L’homme soit, l’homme fut. La femme soit, la femme fut. Ainsi, soit, ce fut. Dieu créa le monde et tout ce qu’il contient de vies et d’éléments indispensables à la vie de l’homme sur terre.

Dans sa parole qui est message, Dieu parle aux hommes, par le biais de ses messagers qu’il a choisis, appelés communément prophètes. Dieu dit à son messager à toutes les époques, «tu es mon messager, dis aux hommes ce que je vais te dire».

Le messager de Dieu, selon l’époque, transmet la parole de Dieu qui est message à ses semblables dans les termes dictés par Dieu. En somme, Dieu dit, le messager dit à sa suite à l’endroit de ses semblables ce que Dieu lui a dit. Ce que le messager dit, dicté par Dieu, n’a rien à voir avec ce que lui le messager dit en tant que «Mo», c’est-à-dire en tant qu’être humain semblable aux autres.

La parole de Dieu, transmise aux hommes par le truchement d’un messager, est message, mais aussi référence sur la manière de se conduire et d’être d’ici-bas. Sous cet angle, sa parole est remède et est salutaire.

Mansa la kumo ?

La parole du mansa, le chef, est une parole émanant d’un homme doté de plusieurs pouvoirs (politique, administratif et économique), obéi par ses administrés, soit involontairement à cause de la peur que suscite son pouvoir soit volontairement du fait de son sens élevé du management qui lui aurait valu l’adhésion massive de ses administrés à ses projets économiques et sociaux.

Il n’est pas porteur de message divin comme un prophète, il est mansa, c’est-à-dire chef et es qualité, il délivre au besoin soit lui-même son message soit par l’entremise de quelqu’un d’autre à ses administrés par l’entremise de plusieurs canaux de communication. Le poids de sa parole n’est pas égal à celui du simple citoyen, parce qu’elle est rattachée socialement à son statut social de chef. Ce qui lui confère considération et respect. Et par ailleurs, entre les chefs eux-mêmes, du même acabit ou d’acabit différent, la parole du chef, le plus puissant d’entre eux, est socialement plus pondératrice que celle des autres chefs à cause du rapport de force favorable au plus fort d’entre eux. Ainsi donc, l’importance accordée à la parole dépend largement du statut social de celui ou de celle qui la prononce, même s’il faut relativement s’offusquer qu’il en soit toujours ainsi.

Ainsi, à titre d’exemple, quand Obama dit, on dit Obama a dit. On répète ce qu’il a dit comme si tout ce qu’il dit est la stricte vérité vraie, infaillible, comme celle d’un prophète. Sur ce, il a suffi qu’il dise dans un discours prononcé à Accra en 2015, «L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes» pour que cette phrase devienne très célèbre au point de devenir une formule magique de démocratisation, embouchée partout par les Africains.

Aujourd’hui, cette parole fait l’objet de citations automatiques dans la plupart des discours politiques de certains intellectuels et hommes politiques sur les plateaux de télévision. Parce que c’était la parole de Obama, Président des Etats-Unis d’Amérique à l’époque des faits. Elle a pris de l’importance du fait qu’elle est rattachée directement à son statut de Président de la Nation la plus puissante au monde. Or, si ce n’était pas lui qui avait dit cette parole es qualité, on pourrait affirmer sans risque de se tromper que cette parole n’aurait pas autant d’importance aux yeux du monde au point qu’elle soit citée systématiquement comme une parole d’un messager de Dieu dans les débats politiques sur les institutions en Afrique.

A l’échelle de son territoire, le mansa (le chef) ne doit pas parler n’importe comment, n’importe où et n’importe quand. Sa parole doit être précieuse, remplie de bon sens et de sagesse, parce qu’il est chef, quelqu’un vers qui on se tourne dans les moments difficiles à la recherche de solution.

Mo kenson la kumo ?

La parole d’un homme simple qui n’est ni prophète qui parle au nom de Dieu ni chef d’un Etat qui parle au nom du Peuple qui l’a élu n’a socialement de valeur que lors de l’exercice de son droit de vote pendant les élections. Toutefois, en dehors de ce cadre, que vaut vraiment la parole d’un homme pauvre aujourd’hui, même s’il dit la vérité ? Force est de constater que les valeurs de l’argent ont érodé quasi complétement nos valeurs culturelles et sociales de «jom», de «kersa», de «gor», de «maandu» et fait disparaître le sens de la parole donnée et de la vérité.

Le père de famille qui n’arrive pas à joindre les deux bouts est désobéi par sa femme, ses enfants, son voisinage et la société elle-même qui a basculé dans l’adoration du veau d’or. L’aîné de la famille qui ne travaille pas est relégué au second plan. Dans certains cas, il n’a même pas droit au chapitre dans sa propre famille. Il est le dernier informé des évènements de la famille. La fille en âge de procréation, secouée par des besoins que n’arrivent pas à satisfaire ses parents, se révolte.

Bref ! L’argent, au lieu d’être un moyen au service de l’homme, devient un Dieu que l’on adore en épousant malheureusement ses va­leurs humainement dé­gra­dantes. Cette présente situation qui fait de l’argent un Dieu adorable constitue sans aucun doute un terreau fertilisant le développement de la petite et de la grande corruption dans tous les domaines de la vie, en installant de surcroît une véritable crise morale.

Dans l’observation du croissant lunaire, jadis, si un simple honnête homme, musulman reconnu tel dans sa communauté, déclarait avoir vu la lune, cela était suffisant pour débuter le ramadan ou mettre fin au jeûne. Quand une famille promettait la main de sa fille à quelqu’un (cousin de la fille ou autre) contre vents et marées, elle respectait sa parole. Les gens avaient le sens de la parole donnée, même s’il faut regretter la situation des filles qui étaient mariées contre leur volonté. Ce qui était rare du fait de l’éducation qu’elles recevaient en famille. En s’appropriant du proverbe ci-après : «Il faut tourner sept fois sa langue dans la bouche avant de parler», on peut bel et bien parler sans danger pour soi et sans compromettre la paix et l’équilibre social. Parole proverbiale, parole de vérité.

Baba Gallé DIALLO

babadediana@gmail.com

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