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Gouvernance Des Hydrocarbures Au Sénégal : Enjeux Et Défis

Gouvernance Des Hydrocarbures Au Sénégal : Enjeux Et Défis

Les ressources naturelles appartiennent au Peuple sénégalais (cf. article 25 de la Constitution issu du dernier Référendum).

Pour exercer ce droit constitutionnel, le Peuple doit être informé sur les enjeux de gouvernance qui sont des exigences citoyennes et non des questions de spécialistes.

Mal informés, les citoyens seront obligés de traduire leurs attentes en connaissances.

A travers cette modeste contribution, nous avons tenté de soulever un certain nombre de questionnements citoyens, mais aussi nous avons essayé aussi de dégager des pistes de réflexion pour une meilleure gouvernance et une exploitation responsable desdites ressources, profitable aussi bien aux générations actuelles que futures.

Cadre institutionnel et règlementaire

A la suite de la formation du nouveau gouvernement après les Législatives, le secteur des hydrocarbures et des énergies est géré par le ministère du Pétrole et des énergies.

Or, si cette nouvelle dénomination peut être comprise par les spécialistes, elle peut susciter des interrogations pour l’opinion quant à la place du gaz dans le secteur, mais les attributions et domaines de compétence du ministère prennent en charge le vaste secteur des hydrocarbures.

La dénomination «ministère des Hydrocarbures et des énergies» est plus englobante.

En plus du ministère, nous avons le Cos-petrogaz et Petrosen qui interviennent dans le secteur stratégique des hydrocarbures.

Cependant, si les domaines de compétence et les missions ne sont pas clairement définis, il risque d’avoir un conflit de compétences et un flou institutionnel entre ces différentes entités.

Le processus d’octroi des contrats et licences devrait aussi être revu avec l’inclusion de l’Assemblée nationale et du Cn-Itie, car jusqu’ici seuls Petrosen, le ministère de l’Energie, celui des Finances, le Premier ministre et le président de la République, en dernier ressort, interviennent dans ce processus restreint.

Le contrat d’exploration et d’exploitation d’une durée de 45 ans signé en mai 2017 entre l’Etat du Sénégal et la multinationale Total représentée par son Pdg Patrick Pouyanné et qui a valu la démission ou le limogeage du ministre de l’Energie Thierno Alassane Sall continue de susciter un débat public, car jusqu’ici ni le Peuple sénégalais souverain, ni ses représentants à l’Assemblée nationale ne sont édifiés sur le contenu dudit contrat.

Démission ou limogeage ?

S’il s’agit d’une démission de l’Alliance pour la République (Apr) de Macky Sall, un parti politique, donc une association privée, cela intéresse peu nos compatriotes.

Mais si l’ancien ministre de l’Energie a quitté son poste par éthique et patriotisme, dit-il, à l’heure où le Sénégal concède des licences d’exploration et d’exploitation de pétrole tous azimuts à des multinationales, cela suscite des interrogations légitimes.

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Y a-t-il eu des bonus de signature proposés ou versés pour ces contrats signés dans la précipitation, suite au limogeage ou à la démission du ministre en charge de l’Energie ?

Quel a été le ticket d’entrée pour Total et quelles sont les différentes clauses de la convention (juridiques, financières, commerciales, administratives…) et qu’est-ce que le Sénégal gagne dans tout cela ?

«Lumière totale pour le contrat total» 

Le contrat signé avec Total doit être rendu public, avec toutes les clauses, d’autant plus que les articles 17 et 34 du Code pétrolier et le Code de transparence de l’Uemoa stipulent que tous les contrats doivent être rendus publics. Ce qui n’est pas encore le cas du contrat avec Total signé par le Premier ministre, assurant l’intérim du ministre de l’Energie, lequel contrat est approuvé par le président de la République.

Ce sont des contrats souvent intangibles avec des clauses de stabilité qui peuvent engager l’avenir de la Nation dans ce secteur bien précis.

Cependant, il faut se féliciter de la publication, depuis octobre 2016 par l’Etat sénégalais, de la quasi-totalité des contrats miniers (malgré les dispositions de l’article 66 de l’ancien code de 2003 qui garantissaient les clauses de confidentialité), pétroliers et gaziers, ce qui est une avancée très significative dans le cadre de la transparence, en plus de l’adhésion volontaire à l’Itie et son institutionnalisation dans les nouveaux codes, avec toutes les exigences et tous les principes (Cf. art 95 nouveau Code minier) de 2016.

2021, c’est pour bientôt

Il convient de se pencher un moment sur l’agenda de ces multinationales et mesurer leurs ambitions pour le secteur des hydrocarbures (gaz, pétrole, dérivés) jusqu’ici en phase d’exploration, en attendant l’exploitation à partir de 2021.

Sommes-nous suffisamment prêts structurellement et économiquement pour exploiter tout au même moment ?

Avons-nous les mêmes ressources (humaines, logistiques, financières…) que ces multinationales pour assurer le contrôle et le suivi des dispositions contractuelles ?

Avons-nous le même agenda et sommes-nous dans les mêmes logiques que ces multinationales (logiques de développement ou logiques électoralistes (elections presidentielles et locales en 2019) ?

Se prémunir de la malédiction du pétrole

Pour se prémunir de la malédiction des ressources minérales, le Sénégal doit relever beaucoup de défis dont entre autres :

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– Avoir un consensus national fort entre toutes les forces vives de la Nation sur la gouvernance de ces ressources et que les acteurs politiques n’en fassent pas une rente politique,

– Avoir une vision claire et dégager des stratégies pour une exploitation responsable et judicieuse desdites ressources,

– Garantir la transparence dans toute la chaîne de valeurs du secteur extractif (depuis l’octroi des licences et contrats jusqu’à la répartition des revenus et son impact),

– Définir les mécanismes d’une répartition équitable des revenus générés par le secteur extractif et avoir une nomenclature spécifique au secteur extractif dans le budget unique de l’Etat,

– Introduire dans le cadre de la révision en cours du Code pétrolier des dispositions sur la propriété réelle et le contenu local (promotion de l’emploi local qualifié et de la sous-traitance locale).

– Prévoir des filières de formation qualifiantes dans l’amont pétrolier (exploration et production), et l’aval (raffinage et distribution) avec des bourses de formation pour les jeunes issus surtout des zones d’exploitation),

– Réguler la formation dans le secteur du pétrole et du gaz, laissé à la merci des instituts privés et surtout veiller à une adéquation formation-emploi,

– Réfléchir sur la part qui sera réservée à la consommation intérieure et au besoin une seconde raffinerie moderne adaptée au contexte et différente de la Sar,

– Dessiner les contours de la mise en place d’un Fonds souverain qui sera différent du modèle norvégien, car nous sommes un pays pauvre, sous-développé avec tellement de priorités et d’urgences que la rente pétrolière ou gazière ne pourra pas dormir dans les caisses de l’Etat pour financer les générations futures.

La meilleure façon de développer ces fonds souverains, c’est de ne pas octroyer tous ces permis au même moment, de laisser une partie des blocs au moins pour limiter les risques, mais il faut regretter le fait que l’Etat octroie des permis tous azimuts,

– Doter la direction des Hydrocarbures et Petrosen de ressources humaines, techniques, logistiques, financières adéquates leur permettant d’assurer le suivi et le contrôle des opérations et le respect des clauses contractuelles,

– Promouvoir une ingénierie contractuelle nationale pour limiter les risques liés aux contrats mal négociés et éviter le bradage de nos ressources et son corollaire : la corruption, la concussion, les pots-de-vin,

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– Mettre en place des commissions mixtes entre le Sénégal et la Mauritanie pour une gestion commune de ces gisements et tirer les leçons apprises dans le secteur de la pêche.

– Inclure dans le Cos-Petrogaz la société civile spécialisée sur les questions de ressources minérales, notamment les Ong, l’université et les instituts spécialisés.

Le Sénégal à la merci des multinationales ?

Objet de toutes les convoitises aujourd’hui, le Sénégal, jusqu’ici un pays pauvre très endetté, pourrait voir son économie décoller grâce à une exploitation judicieuse de ses ressources minérales.

Avec ce changement de paradigme, le Sénégal passe d’un pays demandeur à un pays convoité, attractif.

Derrière ces multinationales se cachent des Etats : les Américains avec Kosmos, les Anglais avec Bp et dernièrement les Français avec Total.

Avec la diversification des majors, il y a des opportunités, mais aussi des menaces, car partout dans le monde où on exploite le pétrole où le gaz, il y a des enjeux multiples : enjeux géo-stratégiques, enjeux géo-politiques, …

Pour le cas spécifique du continent africain, un grand spécialiste disait : «L’or noir n’est pas l’or du continent noir», car nous avons souvent des dirigeants corrompus qui bradent les ressources naturelles de leur pays au profit des Occidentaux, à travers la corruption, la concussion, les conflits d’intérêts etc.

Pour que l’or noir profite au continent noir, nous avons besoin de dirigeants patriotes, intègres et compétents.

Bénédiction tant attendue

Avec toutes les mesures et dispositions prises par l’Etat sénégalais et dont nous pouvons citer, entre autres, l’adhésion à l’Itie, la révision du cadre législatif et réglementaire, le benchmark, la stabilité du pays et des institutions… le Sénégal peut-il se prémunir de la malédiction du pétrole connue dans d’autre pays ?

Enfin, nous saluons l’initiative du chef de l’Etat, à travers son message à la Nation du 31 décembre 2017, d’ouvrir de larges concertations avec toutes les forces vives de la Nation et de soumettre prochainement à l’Assemblée nationale un projet de loi pour une meilleure gouvernance de nos ressources minérales, profitable à toute la Nation sénégalaise. (Généra­tions actuelles et futures).

Vivement que ces ressources soient une bénédiction et un levier de croissance et de développement durable !

Abdoul Aziz DIOP

Coordonnateur Forum Civil et Antenne régionale

Coalition Publiez ce que vous payez à Thiès.

moulaydabakh64@yahoo.fr

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