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Faut-il Réformer La Couverture Maladie Universelle ?

Faut-il Réformer La Couverture Maladie Universelle ?

L’espoir d’une meilleure accessibilité des services de santé, suscité par l’initiative de la Couverture maladie universelle (Cmu), est en train de fondre comme beurre au soleil, à cause d’une absence manifeste de réactivité et de prospective de la part de nos autorités étatiques. En effet, ces derniers temps, diverses personnalités dont des administrateurs de mutuelle, des syndicalistes, des directeurs d’établissement public de santé, des médecins-chefs et infirmiers-chefs de poste se plaignent de graves dysfonctionnements dans la mise en œuvre de la Cmu (retards des subventions ou arriérés de paiement des factures…).

La première question qui se pose alors est celle de savoir, comment mettre en œuvre un programme de Cmu qui, rappelons-le, entre dans le cadre du financement de la santé, sans moyens financiers. Cette situation est d’autant plus regrettable que les autres sources de financement comme les fonds de dotation logés dans les collectivités locales et les allocations de l’Etat central, dont la répartition est loin de répondre à des critères pertinents, sont le plus souvent insuffisantes et peinent à parvenir aux structures sanitaires.

Des structures sanitaires de moins en moins accessibles

L’insuffisance des dotations budgétaires étatiques fait reposer le fonctionnement des structures sanitaires, principalement sur la participation financière des populations à l’effort de santé. Cela induit une modification de la structure de financement de notre système sanitaire avec une prééminence des fonds privés provenant essentiellement des ménages et des contributions mises à disposition par les Partenaires techniques et financiers. Cette situation déplorable de sous-financement a plusieurs conséquences :

Tout cela a pour résultat la perte d’attractivité des structures publi­ques qui finissent par être délaissées au profit de cabinets médicaux luxueux et de cliniques huppées.

Un mouvement mutualiste encore embryonnaire

La principale difficulté rencontrée par l’assurance-maladie communautaire, censée assurer la protection sociale des couches les plus démunies, est le déficit d’appropriation par les populations des principes de base du mouvement mutualiste (solidarité, participation démocratique, autonomie et liberté…).

Il y a également une tendance à vouloir faire des mutuelles, des auxiliaires du programme de la Cmu, de les instrumentaliser à des fins politiciennes et clientélistes, au lieu de respecter leur autonomie. Cela conduit au non-respect de certaines étapes pour la mise en place des mutuelles, (information, sensibilisation et diagnostic communautaire, comité d’initiative, étude de faisabilité, collaboration avec les structures de soins, Assemblée générale constitutive…).

Par ailleurs, la crédibilité et l’efficacité des mutuelles sont affectées par la multiplicité des mécanismes d’assurance-maladie, dont certaines sont directement gérées par les administrations sanitaires (politiques de gratuité au profit des enfants de 0-5 ans, des femmes enceintes éligibles aux césariennes et des personnes âgées), tandis que d’autres sont spécifiques à certaines couches (élèves). On a parfois l’impression que les décideurs politiques sont davantage obnubilés par le désir d’user d’artifices pour gonfler les taux de couverture administrative, en fixant des objectifs irréalistes (75% en 2017), que par le souci rendre la protection sociale plus effective et de l’élargir dans un deuxième temps.

Leadership déficient et mal-gouvernance, des obstacles à la Cmu

Lors du Forum du financement de la santé tenu en novembre 2017, le chef de l’Etat a touché du doigt un aspect important dans le cadre de la problématique de la Cmu. Il s’agit de la séparation des fonctions de prestataire et d’acheteur, toutes deux encore dévolues au ministère en charge de la Santé qui assure la tutelle directe des structures sanitaires et celle de l’Agence de couverture maladie universelle.

Pour améliorer la gouvernance sanitaire, il faut desserrer l’étreinte des puissants lobbies, (allant des groupes de pression des agents de santé aux mandarins universitaires, en passant par les industries pharmaceutiques), qui privilégient très souvent leurs intérêts particuliers, souvent mercantilistes, par rapport à l’intérêt général et au bien-être des usagers des services de santé. Le gouvernement doit par ailleurs veiller à ce que les programmes et projets mis en œuvre par les Ptf correspondent à nos priorités nationales.

Le niveau élevé de corruption au sein du système sanitaire est le plus grand obstacle à l’efficacité des services de santé. Il s’y ajoute que dans la situation actuelle, les structures sanitaires reçoivent, en règle générale, des financements sans obligation de résultats. Nous aimerions à ce niveau citer le remboursement des soins délivrés par les structures sanitaires, selon des prestations à l’acte, avec production de factures acheminées vers l’Agence de couverture médicale universelle, en l’absence d’un système de vérification digne de ce nom.

C’est dire qu’il faut aller vers le financement basé sur les résultats avec la signature de contrats de performance avec les structures de soins (postes et centres de santé, établissements publics de santé), sous l’égide des autorités sanitaires dans le cadre de comités multisectoriels. Ces derniers pourraient alors prendre en charge la vérification objective et impartiale des prestations offertes par les techniciens ainsi que le niveau d’atteinte des indicateurs sanitaires.

Selon Dr Tedros, directeur général de l’Oms : «Parvenir à une couverture sanitaire universelle en assurant la sécurité financière des patients est fondamental pour atteindre les objectifs sanitaires des Objectifs de développement durable (Odd).» C’est dire qu’au-delà des taux de couverture élogieux (47%) à forte connotation électoraliste, il s’agit plutôt de s’interroger sur les retombées positives de ce programme sur la vie des citoyens sénégalais.

 

Dr Mohamed Lamine LY

Spécialiste en santé publique

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