Nous devons réinventer la politique. Il nous faut une nouvelle culture et pratique politique pour apporter les changements majeurs dans notre société. Le pouvoir ne peut plus être la finalité de l’action politique. La finalité de la politique est de transformer les structures de la société pour le plein épanouissement de l’homme, un plein épanouissement qui ne peut être décrété d’en haut. C’est un processus qui se construit avec la participation de tous les citoyens qui, à mesure qu’ils changent la réalité quotidienne, se transforment eux-mêmes. La politique n’a pas pour but le pouvoir pour le pouvoir, il a pour finalité la transformation sociale, économique et culturelle. La politique ne doit pas être une simple science ou technique de conquête et de contrôle du pouvoir, elle doit avoir pour finalité la transformation de la vie des hommes en satisfaisant leurs besoins humains. La politique a pour enjeu de changer la vie.
Le nouveau paradigme de la politique, en rupture avec la conception traditionnelle, est la politique comme un enjeu de transformation. Le pouvoir politique est un instrument pour réaliser le plein épanouissement des hommes. Cette conception est aux antipodes de la politique politicienne, de la politique comme simple sinécures, de la politique comme simple conquête et conservation du pouvoir. La politique a pour fin de rendre les hommes plus humains, physiquement, socialement, culturellement et spirituellement. Elle a pour finalité de rendre la société plus belle, de rendre les hommes plus beaux, de rendre le monde plus fréquentable, de rendre le futur meilleur que le présent. Il nous faut revenir au sens grec de la politique. Aristote présente la politique comme une science « architectonique » dans le domaine de l’agir humain. Il écrit dans son ouvrage Politique :
« La fin de la politique enveloppera les fins des autres sciences [pratiques], de sorte que c’est elle qui constituera le bien humain. En effet, quand même le bien de l’individu et le bien de la cité sont identiques, il apparaît plus important et plus parfait de saisir le bien de la cité et le préserver : car s’il est réjouissant de saisir et de préserver le bien même pour un seul individu, il est plus beau et plus divin de le faire pour une nation et des cités ».
Léopold S. Senghor écrivait dans Liberté 4 : « Pour les Grecs donc, pour les créateurs du concept, le but de la politique, c’est le bonheur et l’éducation des citoyens ». Le but de la politique est de rendre le citoyen kaloskagathos, c’est-à-dire « beau et bon » physiquement et intellectuellement. Le but de la politique, c’est la culture, c’est la création d’une nouvelle civilisation qui rend l’homme plus humain. La politique vise le développement à la fois du corps, du cœur et de l’esprit. Elle a pour but un développement intégral de la totalité de l’Homme. Notre classe politique gagnerait à lire Léopold S. Senghor pour se faire une haute idée de la politique afin de se débarrasser définitivement de la politique politicienne qui ne fait que nous enfoncer dans le pessimisme et creuser la distance entre le peuple et ses élites. La politique est donc la science du bien vivre en commun. C’est une affaire d’hommes et de femmes vertueux qui pensent apporter leur contribution au développement économique et humain de leur société. Et Léopold Senghor de conclure dans Pierre Teilhard de Chardin et la politique africaine:
« J’entends le mot Politique en son sens étymologique. Il s’agit de gouverner pour leur bien commun, les hommes rassemblés dans la Cité. Il s’agit de développer, par l’organisation même de la Cité en réseaux actifs de solidarité, toutes les virtualités non seulement des individus, mais encore des groupes intermédiaires : de les promouvoir en personnes et communautés. En un mot, de les faire bien être en les faisant plus être, physiquement et spirituellement : biologiquement ».
Macky Sall et la classe politique traditionnelle doivent revenir à Senghor. Ainsi, ils comprendront que la finalité de la politique est de changer la vie des hommes et non de conspirer frauduleusement contre le peuple pour préserver un précaire pouvoir de domination. La jeune génération doit s’inspirer de Senghor et de Nyerere qui ont choisi volontairement de renoncer au pouvoir politique pour honorer leur peuple.
Refonder la politique est le seul moyen de créer la société nouvelle dont nous rêvons. Il s’agit de dépasser le realpolitik paresseux et sans ambition qui nous confine dans un horizon bouché pour construire la société future. Le cycle de la politique comme un enjeu de pouvoir doit être fermée définitivement dans notre pays. Nous devons inaugurer un nouveau cycle plus beau, parce que plus humain: la politique comme un enjeu de transformation. Notre action est de faire que le royaume des cieux soit une réalité ici sur terre sénégalaise et africaine. C’est la pleine justice qui renouvellera jusqu’au fond notre société. Contre l’usurpation et l’oppression, notre peuple se réveillera !
Dr Babacar DIOP
SG de la JDS
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