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Quel Système éducatif Pour Faciliter L’insertion Professionnelle Des Jeunes En Afrique ?

Quel Système éducatif Pour Faciliter L’insertion Professionnelle Des Jeunes En Afrique ?

INTRODUCTION

Le système éducatif africain fait, aujourd’hui, face à des exigences, à des défis et à des potentialités immenses. Les marchés de l’emploi évoluent rapidement et le chômage des jeunes, des adultes et le désengagement social font partie des préoccupations pressantes auxquelles sont confrontés presque tous les pays africains. Dans presque tous nos pays, les Etats et les différents acteurs attendent du système éducatif qu’il réponde aux multiples priorités du développement social et économique, qu’il s’agisse de l’insertion professionnelle ou de la réduction de la pauvreté, de la sécurité alimentaire ou de la cohésion sociale, de la croissance économique ou de la compétitivité.

Dans des contextes de chômage et de sous-emploi chroniques, les jeunes, eux-mêmes, exigent davantage de possibilités d’éducation et de formation qualifiante et une plus grande pertinence de l’enseignement et de la formation face au monde du travail. Les employeurs demandent une gamme et un niveau croissants de qualifications et de compétences combinant des compétences techniques et interpersonnelles.

Malgré les efforts réalisés, depuis plusieurs décennies, au sein du système éducatif, trop peu de jeunes et d’adultes sont, aujourd’hui, en mesure d’acquérir les compétences, les savoirs et les attitudes dont ils ont besoin face aux transformations actuelles du monde du travail. En outre, une grande part du système éducatif actuel s’articule mal avec les exigences du marché du travail et le système éducatif ne contribue pas autant qu’on pourrait l’attendre aux besoins du développement socioéconomique. Bien que conçus pour soutenir la mobilité sociale, certaines politiques, certains systèmes de management et certains programmes du système éducatif limitent les perspectives des apprenants et renforcent les inégalités sociales.

Evidemment, le niveau d’éducation, de formation et de qualification de la population active conditionne le potentiel de croissance et de développement d’un pays. Cette affirmation, qui ne fait l’objet d’aucune remise en cause, confère au financement du système éducatif une forte légitimité.

Cet aspect du système éducatif est actuellement d’autant plus crucial que les mutations du marché du travail, dans un contexte d’évolution rapide des techniques de production, de management, des technologies de l’information et de la communication et de renouvellement démographique, lancent un défi majeur au système éducatif, appelé à fournir, à court et moyen termes, à l’économie les compétences nécessaires au dynamisme de la croissance et de l’emploi. Le défi n’est pas nécessairement relevé à l’heure actuelle au niveau de notre continent et dans de nombreux pays en développement.

L’Afrique est donc en plein questionnement sur l’intégration optimale de son système éducatif dans une économie concurrentielle, en recherche d’efficacité, de modernité et de mise à niveau, et qui souhaite apporter des réponses durables aux crises actuelles.

Le système éducatif et l’employabilité, le financement de l’appareil éducatif ainsi que la gouvernance sont les trois principaux défis persistants de notre système global éducatif par rapport à la problématique de l’insertion professionnelle et de la citoyenneté.

Notre système éducatif apparaît encore insuffisamment attentif aux besoins des entreprises. Et même si les mentalités évoluent, le monde éducatif et le monde professionnel se présentent bien souvent comme deux univers séparés.

En effet, le système éducatif africain ne parvient pas à conduire tous les jeunes qui lui sont confiés à l’acquisition des compétences de base indispensables pour évoluer et se former tout au long de la vie et un diplôme ou une qualification leur assurant une transition aisée vers l’emploi.

Les approches visant à renforcer un financement pérenne, efficace et efficient sont notamment les suivantes :

• D’abord, procéder à un ciblage stratégique des publics apprenants, car les ressources financières sont structurellement limitées ;

• Ensuite, trouver des moyens permettant de mobiliser les meilleures ressources financières possibles pour le système éducatif, y compris les contributions des donateurs internationaux et des bénéficiaires de l’éducation ;

• Enfin, optimiser, dans des contextes particuliers, le pilotage et la capacité à rendre compte des mécanismes de financement du système éducatif.

La question fondamentale de la gouvernance du système éducatif mérite d’être posée.

Les États, les collectivités locales, les établissements publics, les centres d’enseignement public et privé, les associations, les organisations professionnelles, syndicales et familiales ainsi que les entreprises concourent à l’assurer. En effet, le système éducatif est régi par une pluralité d’acteurs sans réelle hiérarchisation de leurs responsabilités respectives. Le problème majeur reste désormais celui de la bonne articulation entre les différents acteurs. Et cette conjonction doit, d’une part, corriger le manque de lisibilité, car de nombreux sujets sont partagés entre plusieurs intervenants, et, d’autre part, les disparités dans la prise en charge.

Aussi, les régions sont confrontées à la logique des statuts et des financements et, d’une manière générale, au manque de porosité du système.

Pour faciliter l’insertion professionnelle, la conceptualisation du système éducatif pourrait y inclure : l’« apprendre à être », l’« apprendre à vivre ensemble » ainsi que, plus traditionnellement, l’« apprendre à connaître » et l’« apprendre à faire ».

Les objectifs suivants doivent être poursuivis pour promouvoir :

• L’accroissement du taux de qualification professionnelle au sein de la population ;

• La mise sur le marché du travail de ressources humaines qualifiées correspondant aux besoins du secteur productif et de service ;

• Le savoir-agir, l’employabilité, l’adaptabilité et la créativité chez les jeunes.

Sur ce, nous faisons les huit propositions ci-après :

Proposition 1 : Passer d’une orientation subie à une orientation choisie, condition d’un parcours réussi en généralisant la découverte des métiers au collège et même au primaire, en « professionnalisant » les acteurs de l’orientation en vue de renforcer leur ouverture sur le monde professionnel ; en informant sur les débouchés; un devoir de transparence et de vérité (vers quel secteur il vaut mieux que les apprenants se dirigent pour être le plus en adéquation avec les demandes du marché du travail ?).

Proposition 2 : Réduire le nombre de jeunes sortants sans « bagage » de formation initiale : un « enjeu d’intérêt universel » :

Proposition 3 : Offrir une « deuxième chance » d’accès à la qualification : ouvrir les frontières de la formation initiale vers la mise en place d’une « formation qualifiante différée ».

Proposition 4 : Renforcer l’attractivité des filières professionnelles

Nous devons, enfin, comprendre que l’alternance est la « forme naturelle » de la formation professionnelle initiale.

Proposition 5 : « Imbriquer » le système éducatif- volet enseignement général- et le monde de la formation professionnelle.

Les établissements scolaires et universitaires : un potentiel à valoriser pour initier, réformer ou développer, selon le cas, l’apprentissage.

Professionnaliser les études universitaires

Articuler l’offre de certification aux besoins de l’économie : clarifier et évaluer.

Proposition 6 : Centrer plus efficacement l’Etat sur la mission d’assurer, sur l’ensemble du territoire, l’équité du système éducatif.

Proposition 7 : Au niveau de la région ou du département, selon le cas, mettre en cohérence avec la politique de décentralisation.

La région ou le département pourrait être le chef de file de l’ensemble des acteurs de la formation.

Définir des orientations claires, précises et cohérentes

La mise en œuvre dans un espace pertinent, par exemple le bassin d’emploi.

Proposition 8 : Lever les freins matériels à l’accès à l’éducation en dynamisant l’appareil de formation initiale et continue des services public et privé en diffusant les bonnes pratiques et les expérimentations réussies.

CONCLUSION

La question de la gouvernance et du pilotage doit être au centre de nos politiques éducatives. Il est également nécessaire de mobiliser la communauté éducative (familles, élèves, enseignants, personnels administratifs), afin de mieux informer les élèves et les familles sur les métiers qui recrutent et les différentes filières de formation. A ce titre, la généralisation de « l’orientation concertée », réunissant l’ensemble des acteurs précités, permettra de choisir en connaissance de cause. La structuration et la mise en réseau des services d’orientation doivent être entreprises. Au-delà de la professionnalisation des acteurs de l’orientation, il est indispensable qu’une coordination existe entre les différentes structures, pour une meilleure information conseil aux personnes.

La décentralisation vers les régions de l’ensemble des services d’orientation devra être entreprise afin d’assurer un service global d’orientation décentralisé. Des réformes doivent être entreprises pour rationaliser et optimiser les financements de l’éducation et de la formation. Il faut poursuivre le paritarisme, le dialogue social et la négociation.

Enfin, le rôle des États doit être centré plus efficacement sur leur mission d’assurer, sur l’ensemble de leur territoire, l’équité du système éducatif. Ils doivent assurer l’équité sur les principaux axes de réforme de la politique éducative et de formation, à savoir le lien avec l’emploi et la formation, l’accès à l’éducation et à la formation, l’efficacité de l’appareil éducatif et de formation et la rationalisation des circuits financiers.

Un État doit être garant de l’équité sur le plan national en lançant et en animant les débats concernant les objectifs de la politique éducative, en mobilisant les instruments normatifs et de contrôle qu’il possède, en contractualisant des objectifs et des moyens avec les régions.

L’évaluation annuelle des politiques éducatives doit être une nécessité.

Enfin, bien que les perspectives liées à l’économie et à l’équité soient toujours valides, une perspective liée aux transformations semble, aujourd’hui, indispensable pour que l’éducation et la formation ne privilégient plus les besoins à court terme de certains groupes, mais répondent désormais aux besoins de compétences à long terme de tous les jeunes et de tous les adultes, ainsi qu’à ceux des générations suivantes.

La perspective liée aux transformations peut aider à concevoir des mesures politiques adaptées au contexte. Les individus des sociétés et des économies d’aujourd’hui et de demain ont le droit d’être préparés au changement, de bénéficier équitablement de l’apprentissage relevant de l’éducation et de la formation et de voir cet apprentissage reconnu par les autres. La conceptualisation du système éducatif doit, par conséquent, évoluer. L’« apprendre à être » et l’« apprendre à vivre ensemble », de même que l’« apprendre à connaître » et l’« apprendre à faire » doivent constituer le nouveau socle de tout système éducatif, pour que tous les jeunes puissent bénéficier, aujourd’hui et demain, de compétences pour leur travail et pour leur vie.

 

El Hadji Ibrahima MBOW

Membre du Cese

Professeur des Grandes Ecoles

Chercheur à la Faculté des Sciences économiques et de gestion

Laboratoire Focs Faseg Ucad

ibrahimambow24@gmail.com

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