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Non Au Néocolonialisme Du Président Macron

Non Au Néocolonialisme Du Président Macron

Je voudrais adresser ces mots au président Macron en sa double qualité de chef de l’un des Etats aux desseins géostratégiques, militaires, économiques, financiers et culturels les plus directement opposés à ceux du Sénégal et de l’Afrique et de l’artisan zélé d’un néo-gaullisme sur les fronts de la monnaie coloniale de la françafrique, des accords d’un prétendu partenariat économique qui permet à la fratrie européenne et à l’empire français de piller ouvertement les ressources naturelles et le commerce africains. Depuis votre installation à l’Elysée, la ligne de mire géopolitique de la France s’illustre dans la continuité du contrôle militaire et politique du continent africain et de la main mise sur nos abondantes ressources minières, pétrolières et halieutiques. La France est directement impliquée dans au moins 30 coups d’Etat militaires en Afrique et de l’installation de chefs d’Etat africains dont la plupart sont des dictateurs ou des pions placés sur l’échiquier des intérêts français, prêts à retourner abattre le glaive de la répression souvent sanglante contre leurs propres peuples.

Nous n’en finirions pas de faire le bilan macabre de tueries et de destructions dont vos gouvernements antérieurs se sont rendus coupables à travers l’histoire. On se rappelle que la France a réprimé, dans des bains de sang effroyables, des dizaines de milliers d’Algériens, plus de 100 000 Malgaches durant leur longue résistance, plus de 50 000 Camerounais dont les dirigeants upécistes ont été affreusement mutilés avant d’être lâchement exécutés, etc. Or, vous avez commencé votre magistère par dissiper votre responsabilité propre quant à la gestion de cet héritage encombrant. Cette posture n’est ni courageuse ni porteuse d’espoir pour les jeunes générations d’Africains que vous expulsez à un rythme plus accéléré que celui de vos prédécesseurs. Vous avez déjà fait preuve d’une arrogance sans bornes tout récemment à Calais, devant des migrants africains désemparés, en leur adressant des propos à la fois durs mais surtout racistes et condescendants. Votre projet d’immigration choisie n’est pas plus recevable compte tenu de la politique migratoire de la France de la période d’après-guerre aux années 80 qui favorisait l’entrée en France de travailleurs immigrés parqués dans des «foyers» insalubres pour balayer les rues de vos villes et garnir vos lignes de construction automobile de manœuvres bon marché.

Ici même, nous vous avons demandé de rendre toutes les archives du massacre de Thiaroye relatives à l’exécution par vos troupes de plusieurs dizaines, voire des centaines de “tirailleurs” fraichement rentrés du front et dont le seul tort avait été de réclamer leurs pensions de démobilisation, non payées à ce jour. Vous observez le même principe condamnable de discrimination contre nos anciens combattants qui ont vaillamment combattu contre l’invasion nazie en France et ailleurs, en refusant jusqu’ici de leur payer, ou à défaut à leurs descendants, l’entièreté des pensions et indemnisations qui leur sont dues jusqu’ici. Comme votre prédécesseur Mitterrand, vous tenez que «sans l’Afrique il n’y aura pas d’histoire de France au XXIe siècle» parce que convaincu que «la France sait combien l’Afrique lui est nécessaire» et que cette dernière garantit son influence et son aura dans les instances internationales. Instruit par cette maxime mitterrandienne et au lieu d’inverser la tendance de l’extrême appauvrissement des nations africaines que votre pays a naguère réduites à l’esclavage tricentenaire le plus éhonté en dispersant ses fils et ses filles de Saint-Pierre-et-Miquelon aux Antilles et à Saint-Domingue pour disposer d’une main d’œuvre taillable et corvéable à merci dans vos plantations, vous avez, au contraire, poursuivi les mêmes politiques pour construire la prospérité française à travers le contrôle hégémonique des marchés africains. Vous avez également veillé à maintenir, sous votre férule et celle de vos milieux d’affaires de funeste réputation, la plupart des chefs de l’Etat africains et aussi pour arranger des fins de mois difficiles d’Etats faillis, asphyxiés par l’inefficacité et la corruption généralisées.

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Vos états de service rendent compte de votre volonté de ne pas admettre le lourd héritage que représente la responsabilité de la France dans l’existence de charniers au Tchad, au Cameroun, au Gabon, au Congo, au Rwanda et ailleurs. Nous aurions préféré vous entendre regretter sincèrement les crimes contre l’humanité commis par la France en Afrique et vous voir vous atteler à réparer les fâcheux résultats des politiques impitoyables d’oppression et de spoliation de la classe politique française aux affaires toutes tendances confondues, à quelques exceptions près. Ici même au Sénégal, vous avez maintenu comme ambassadeur un ancien directeur de vos services d’espionnage et de contre-espionnage pour assurer la lutte contre le terrorisme en Afrique occidentale et centrale, terrorisme créé par votre politique au Maghreb et au Moyen-Orient. Cet ambassadeur est naturellement chargé de garantir vos parts de marché à travers la présence massive et grandissante de plus de 600 entreprises françaises dans les domaines les plus divers (banques, industries de substitution d’importation, secteur des services vitaux tels l’eau, l’électricité et le téléphone, hydrocarbures, etc). Ces entreprises françaises sont un facteur direct d’appauvrissement de nos petites et moyennes entreprises. Leur omniprésence récemment accélérée est décriée par tout le Sénégal. Nous ne voulons plus de cette ligne politique qui fait de vous un banabana (marchand) par procuration.

Au Mali voisin, l’une des plus vieilles civilisations du monde, que votre prédécesseur a installé dans la précarité sécuritaire en dirigeant l’invasion la plus barbare de la Libye voisine, ce qui a rompu les équilibres fragiles de la zone soudano-saharienne et rendu possible son invasion par des groupes intégristes d’un autre âge, vous nourrissez l’ambition d’en partitionner l’immense territoire pour mieux assurer le contrôle direct de ses ressources minières et pétrolières. La destruction de la Libye grâce à la coordination zélée de la France a eu pour conséquence directe, contrairement à vos arguments de dérobade continue, l’esclavage des Ouest-Africains par des groupes armés incontrôlés en Libye même.

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Au plan financier, vous prétendez laisser à la chefferie d’Etat africaine le choix de conserver ou non cette monnaie asservissante qu’est le franc Cfa, à travers des accords financiers et monétaires pourtant ouvertement et bruyamment récusés par les peuples africains. Un véritable choix présenté aux Africains eut été de démanteler l’Union économique et monétaire ouest africaine qui n’a d’autre propos que de balkaniser davantage l’Afrique d’expression officielle francophone et de la monter contre les intérêts du reste de l’Afrique. Les Accords de partenariat économique que vous défendez et promouvez au nom des intérêts conjugués de la France et de l’Europe, enfoncent durablement les Africains dans la pauvreté extrême (50 à 60 %), la précarité et une misère grandissantes alors que vous prétendez instruire un partenariat «gagnant-gagnant», formule simpliste reprise à l’aveuglette par vos obligés africains. Nous ne voulons pas de ces accords et nous le disons depuis des décennies.

Quant à la francophonie, je l’ai déjà dit durant la période préparatoire du XVe Sommet de la francophonie, elle ne sert que les intérêts de la France. Les Africains sont des Africophones et ont davantage intérêt à perpétuer l’existence de leurs propres langues plutôt que le français qui est encore aujourd’hui parlé, après trois siècles de présence ininterrompue de la France, par une minorité d’Africains instruits, mais non éduqués en tant que vecteurs de leur propre culture au service d’un projet scientifique et technologique durable parce que nourri par la sève culturelle africaine. Je demande donc au président de la République que vous êtes de mettre un terme à tous ces projets prétendument éducatifs qui ne visent en réalité qu’à maintenir les pays africains dans une forme de francophonie frauduleuse puisque vous ne l’appliquez pas à vos propres concitoyens qui ne se sentent ni interpellés ni concernés par elle. L’inauguration d’un centre de promotion de l’éducation n’a en vérité d’autre objet que de maintenir les jeunes générations d’Africains dans un système d’enseignement et de recherche sans lendemain, destiné à produire des chômeurs en masse, incapables de rendre nos sociétés et nos économies performantes. Les mirages de la prétendue «émergence» ou du «miracle économique» auxquels aspirent vos obligés africains, ne nous intéressent pas davantage parce qu’ils participent de ce double langage de duperie et de politique d’appauvrissement de nos pays que nous récusons et combattons.

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S’il y a une certitude, Monsieur le Président de la République française, c’est que vous perdez votre temps en Afrique, en y traînant les bagages encombrants et surannés de la vieille France coloniale et néocoloniale (le franc Cfa, la francophonie, la françafrique, les partenariats à sens unique, les multinationales françaises aux instincts de pillage, etc.). Cet héritage pourrait ne pas être le vôtre parce que vous avez encore la chance innée de pouvoir jeter aux orties le manteau de l’hégémonisme, pour porter celui de la coopération désencombrée des scories du passé et en phase avec nos aspirations à l’indépendance véritable. A une prospérité portée par les forces travailleuses d’une Afrique debout et alerte.

Ne vous y trompez pas. Aujourd’hui comme hier, lorsqu’il y a un demi-siècle, ici même, De Gaulle tournait le dos à l’histoire devant des porteurs de pancartes, l’Afrique reste encore et toujours héritière de la flamme sacrée de la liberté qu’elle entretient et fait briller d’une lueur incandescente, porteuse de fulgurance créatrice et de progrès social. Ces femmes et ces hommes qui avaient accueilli votre mentor à la Place de l’Indépendance, sont toujours ici. Ils ont su rester dignes, fiers et ouverts à un véritable partenariat avec le reste du monde. Vous les trouverez partout attentifs à votre propos. Ne leur servez pas les discours vieillis auxquels nous avaient accoutumés vos prédécesseurs. Faites un effort de construction étatique capable d’une véritable générosité se projetant dans le temps véritable, celui des aspirations populaires les plus fortes.

Un dernier conseil, si je puis me le permettre Monsieur le Président de la République, donnez-nous ici même, par des mesures concrètes, la preuve de votre bonne foi quant à votre intention de tourner le dos à la françafrique.

 

 Jacques Habib SY

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