Avril 2012, Macky Sall s’adressant à la Nation d’une voix tremblante déclarait: “Déjà, comme vous le savez, j’ai décidé de ramener à 5 ans le mandat de 7 ans pour lequel je suis élu sous l’emprise de l’actuelle Constitution. Je tiens également à ce que les dispositions constitutionnelles limitant l’élection du président de la République à un mandat de 5 ans, renouvelable une seule fois, soient verrouillées, sans possibilité de modifications.”
Quelques mois plus tard il amplifiait sa voix : “C’était un choix personnel de baisser la durée de mon mandat présidentiel. J’ai été élu pour un septennat. J’ai engagé les réformes à travers une commission de réflexion sur la Constitution que j’ai confiée au président Ahmadou Makhtar Mbow. Cette commission me soumettra ses propositions parmi lesquelles la première mesure sera la réduction du mandat en cours de 7 à 5 ans. Ce sera fait soit par référendum le moment venu, [ou bien] par un vote à l’Assemblée nationale. Mais c’est un choix définitif, je réduirai mon mandat de deux ans.”
Quel génie! Disait-on à travers le monde. Martin Schulz, Barak Obama, François Hollande étaient dans l’expectative. Les chefs d’Etat africains le narguaient gentiment. Malgré le rejet du projet par son propre camp, l’embonpoint confortait son propos de la sorte: “Vous savez je suis un homme qui ne s’engage pas à la légère. Lorsque je prends un engagement, j’entends le respecter. Il n’y a absolument rien qui est changé depuis que j’ai fait cette déclaration. Maintenant, les gens voudraient que tout de suite je fasse le changement. Je ne le ferai pas tout de suite. Pour ça, je suis responsable de l’agenda. C’est à moi à savoir à quelle période j’entends faire cette réforme. Mais, je n’ai fait que deux ans et demi sur un mandat de 7 ans que je compte réduire. Donc, il n’y a pas de quoi fouetter un chat. C’est un débat qui n’a pas de sens, je ne le comprends pas.”
C’est l’instant du doute sur le respect de la parole donnée, la trahison sentait à plein nez. Le débat n’aurait jamais dû être posé, tout était calibré pour secouer une promesse impossible à tenir (Madiambal Diagne, Jeune Afrique, 19 février 2016).
Dans d’autres contrées le langage courant s’arrêterait au dicton : les promesses de la nuit sont faites de beurre, et fondent au soleil. Sur un ton méprisant il nous demande d’oublier tout cela; il y’a pas de quoi fouetter un chat sauf un PSE rébarbatif, inégalable en terme de programmes, de projets et de chiffres. Or, le mensonge d’un virtuose de la tricherie fausse les règles du jeu, un jeu nauséabond qui mélange le meilleur niveau de satisfaction des gouvernants et le pire niveau de souffrance des populations. La gouvernance est à l’ère du pessimisme sociologique après l’optimisme rationalisateur du début de la “deuxième alternance”. En effet l’impression de la réussite n’absout pas les crises sectorielles.
La population rurale avoisinant la moitié de la population globale croule encore sous la famine malgré la continuation d’une approche ciblée à travers le PUDC. Sous un autre angle, quand est-il de ce nouveau plan de développement amorcé depuis 2014? Un plan conçu pour aider le Sénégal à sortir du cycle de faible croissance et de progrès insuffisants en matière de réduction de la pauvreté. Ce plan dont le scénario optimiste évalué à 9685,6 milliards FCFA, aurait pu trouver financement si Macky Sall avait clarifié la nébuleuse des “fonds taïwanais”.
Au premier abord, il serait convenant de répéter le discours officiel uniquement par coquetterie intellectuelle. Sur ce, relisons l’analyse selon laquelle la croissance économique ne subit nullement les contrecoups de l’économie mondiale, atteignant environ 6,5 % en 2016 et 2017, faisant du Sénégal l’une des économies les plus performantes de l’Afrique subsaharienne… Cette croissance économique devrait atteindre 6,8 % en 2017 et 6,9 % en 2018, même si le pays vise un taux de 8,3% en 2018 pour accéder au statut d’économie à revenu intermédiaire.
Toujours dans cette robotisation de l’analyse économique, les institutions annoncent que cette vitalité est conjuguée à de bonnes saisons agricoles et à l’amélioration des termes de l’échange. Pour prouver les bons points du PSE elles expliquent vaguement que d’autres indicateurs macroéconomiques montrent également des signes positifs malgré une dette publique qui semblerait être à la hausse. Etant donné qu’il leur est impossible de fonder uniquement l’analyse sur le scénario tendanciel, ils concèdent difficilement que les perspectives escomptées ne sont réalisables qu’à condition que les réformes structurelles soient soutenues et que la conjoncture internationale continue d’être favorable.
Pour accélérer la croissance, le Sénégal devra booster simultanément et durablement les secteurs clés de la croissance. Il faudra ainsi continuer et approfondir le programme de réformes structurelles pour lutter contre les goulots d’étranglement les plus critiques qui handicapent la productivité et la compétitivité, tout en soutenant une politique budgétaire crédible et en évitant de trop surévaluer sa monnaie.
Dès lors, sortons des éléments de langage qui ne servent qu’au mensonge et au maquillage de la dure réalité. Nous constatons facilement que les projections récentes indiquent que les progrès dans la réduction de la pauvreté ont été plutôt modestes et que le Sénégal, qui recensait 46,7 % de pauvres en 2010, continue d’afficher des taux élevés de pauvreté. Dans le même temps, les données non monétaires suggèrent une stagnation des inégalités.
Nonobstant les aides sociales, la réalité macro-économique demeure une série de difficultés liées à l’accès à l’emploi, l’accès à l’éducation et la formation, l’accès à la santé, l’accès à la propriété, etc. Les 190 actions prioritaires du PAP 2014-2018 évaluées à un an de la fin du mandat présidentiel n’ont pas produit les résultats attendus. Sans trop caricaturer les faits, l’Etat et ses opérateurs sont encore dans le colmatage de “Gnitt” et “Keur Momar Sarr” pour fournir de l’eau potable aux populations.
La grande alliance entre des communistes fourbes, des socialistes fielleux, des libéraux pusillanimes et du Macky Sall impotent, n’a pas réussi à pousser une vision disruptive pour réinventer le logiciel sénégalais. Même si nous faisons l’effort de reconnaitre les réalisations en matière énergétique, nous savons que les centrales solaires inaugurées ça et là ne suffiront pas à irradier les voies de l’émergence étant entendu que les politiques publiques d’alors sont copiées à la lettre par les alliés d’aujourd’hui.
Dans cet état de fait rien ne choque lorsque les études démontrent que “ce pays a réformé 68 fois son administration publique depuis son indépendance… Des réformes qui, dans 14 cas, visaient spécifiquement la qualité des services à la population. De leur côté, les bailleurs de fonds ont financé 27 projets ayant une composante « réforme du secteur public » entre 1988 et 2008, pour une enveloppe globale de plus de 11 milliards de dollars. Pour autant depuis 1996, le pays ne cesse de reculer dans le classement des indicateurs de la gouvernance dans le monde, plombé par une fonction publique apathique et de moins en moins équipée pour offrir des services publics modernes…” (On n’a rien sans rien — ou comment nous avons compris ce qui empêche l’administration sénégalaise de se réformer, Dickinson & Grieve 19 décembre 2017).
Les gouvernants sont toujours dans l’auto-glorification, les militants politiques dans l’adulation alors que notre pays à besoin de rédempteurs. Nous comptions sur la dextérité de l’ancien maire de Fatick pour réparer le Sénégal alors que son petit frère est un agent actif de transactions frauduleuses en matière de pétrole et de gaz; un Aliou Sall devenu subitement puissant au point de trouver son confort à la Caisse des Dépôts et Consignations. Reconnaissons que nous nous sommes trompés!
Malgré deux ans de BONUS PRESIDENTIEL dont l’équivalence réelle est le mensonge, le président Macky Sall est resté tel un culbuto au sommet de l’Etat. Il tangue, nous fait vaciller, il stagne, il fait semblant, il pique ses colères épidermiques, il menace le peuple en corps, il bombe le torse, il se venge, il écrit son histoire et ses chiffres avec toutes les aberrations d’un adulte qui ment.
Non! Macky Sall n’est pas un génie au sommet de l’Etat sinon ça se saurait. Quelle que soit la volonté de conserver le pouvoir, un bon dirigeant ne trahit pas le peuple. Il l’aime plus que tout, il le galvanise et le dirige vers de réelles perspectives de développement, il se bat pour le bien être collectif, il protège l’égalité des citoyens ainsi que leurs libertés, il met la patrie avant le parti, il s’applique les modalités de la gouvernance sobre et vertueuse, il éradique l’impunité en s’appuyant sur une justice indépendante, il ne se laisse pas manipuler par des clans familiaux et politiciens.
L’ingénieur géologue ne nous fait pas rêver tout autant qu’il ne fait pas briller notre pays. Il est parvenu à fissurer les fondements d’un modèle démocratique par la seule obsession d’un deuxième mandat. Tous ses slogans, toutes ses consultations, ses appels au dialogue ne sont que des déviations pouvant permettre la résurgence du Parti-Etat. Or un tel système pernicieux est banni par le peuple. Tenter de le remettre en place est le signe d’une inintelligence que seule la peur peut expliquer. Peur d’être rattrapé par les sales affaires et la mauvaise gestion d’un pouvoir qu’il suce depuis près de 20 ans.
Au sommet de l’Etat il se préoccupe essentiellement de la tactique des habiletés, un jeu d’équilibriste qui le passionne. Il croit diviser pour mieux régner en maitre absolu, le voilà dépourvu de moyens pour gérer la poussière de contestations internes aux partis et syndicats qu’il a facilement fragmenté. Un chamboulement qui a certainement provoqué l’effritement de son électorat. Le PS, L’AFP, La LD/MPT, le PIT, etc. ont produit une aile dissidente qui va renforcer l’opposition.
De même Macky 2012 et les “géniteurs de l’APR” se sentent marginalisés à tel point qu’ils ressassent leur colère en attendant leur moment. Passons sur les “marabouts opposants” qui découvrent les vices cachés du candidat qui venait supplier la force de leur chapelet…
Voyons! Hormis ses prouesses en matière de fraude électorale et de rabatteur de politiciens de trottoirs, que pouvons nous lui reconnaitre? Qu’est ce qu’il y’a d’ingénieux à tenir en laisse des politiciens arrivés au terme de leur carrière et qui n’ont plus d’ambition réelle? Qu’est ce qu’il y’a d’ingénieux à fragmenter les partis politiques qui n’ont plus de soupape idéologique? Qu’est ce qu’il y’a d’ingénieux à favoriser l’instrumentalisation de la violence institutionnelle à des fins personnelles? Qu’est ce qu’il y’a d’ingénieux à déplacer le portique des valeurs par la force des enveloppes du palais?
Tout est permis dans une société où les individus ont un prix. Un système dangereux et propagandiste où les dames de pouvoir sont utilisées en mascotte pour vendre le Plan Sénégal Emergent. Braves épouses qui essaient de jouer leur rôle avec dévotion; elles ne sont pas au courant que l’émergence ne se limite pas à l’installation de petits coins. Elle est tributaire d’une économie dynamique et conquérante que leurs époux n’ont pu infléchir. Comment voulez-vous que nous soyons d’accord alors que le principe est galvaudé, truqué et banalisé. Aujourd’hui l’émergence « est devenue une épice, un condiment pour être dans toutes les sauces » selon l’analyse de Pathé Gueye ( L’amateurisme politique des enfirouapeurs de la République).
Drôle de génie qui ne connait pas grand chose de l’économie à part les synthèses qu’il reçoit sur sa table. Macky Sall pense que la simple énonciation de grands chiffres et de grandes sommes d’argent suffit à réduire la pauvreté. Pour lui, l’octroi de la dette est synonyme de solvabilité alors qu’elle peut provoquer la faillite d’un Etat. Il n’en a cure des inquiétudes des institutions internationales. Il sait qu’il ne subira pas les conséquences dramatiques du paiement de la dette. Il a choisi le statut quo concernant le franc CFA, il a choisi la facilité par ignorance de la question monétaire, il n’aime pas jouer sur ce terrain alors que nous croyions en son génie.
Quelle indignité de penser à sa réélection alors qu’il n’est pas tenu de nous projeter vers une souveraineté économique, tout au moins en commençant par la régularisation de la dette intérieure (qui atteint 1597,7 milliards FCFA) et le recours au secteur privé national dans le cadre de son PSE redondant. Bien entendu certains diront que le propos est « politisé » alors que le constat est simple, c’est une question de compétence et tout le monde le sait. Au bout de son mandat Macky Sall ne chante plus son cri de guerre sérére « Ko fagni fagn fagn ko wathia thia ». Il se rend compte de la menace, un match à deux tours se profil en février 2019.
Pauvre culbuto! Il se redresse toujours dans le mauvais sens. La nomenklatura le tient dans ses bras lorsqu’il oscille entre la patrie et le parti, entre sa famille et le Sénégal. Désormais nous faisons face à un Macky Sall qui, ravalant sa fierté légendaire, adresse ses craintes d’une voix doucement trompeuse « Si nous perdons le pouvoir vous tombez tous, vous allez disparaître! » tel est le slogan qui résonne dans les murs de la République; celui « d’un Sénégal de tous, Sénégal pour tous » n’est pas sorti de l’Assemblée nationale le 5 décembre 2017. Les atermoiements d’un premier ministre formaté à la « Menterie d’Etat » ainsi que le parrainage de l’ancien président Abdou Diouf ne suffiront pas à rétablir l’affection qui nous liait au patron de l’APR.
A l’ère de l’Etat stratège notre Sénégal a besoin d’hommes et de femmes capables de le redresser et de le transformer. Les Sénégalais sont épuisés par les politiciens assimilés à des menteurs invétérés mais ils ne doivent pas oublier que c’est à eux d’exiger les rigueurs de la bonne gouvernance et de la préservation de nos acquis. Chaque électeur à la capacité d’apporter le changement et ensemble nous pouvons veiller à la protection de notre destin commun sans approche partisane. Notre Sénégal a les moyens de son émergence si tant est que nous parvenions à redéfinir son rôle en terme de performances économiques, de gouvernance, de justice, de management des services, de révisions générales des politiques publiques, de suppression des moyens de la corruption par la suppression de la ligne “fonds politiques” de toute nomenclature budgétaire.
Abdoul Moutalib DIOUF