Quand des personnes vous rapportent plus de leur mort que de leur vivant, il convient d’évoquer la veulerie qui parcourt notre corps social, que pourtant on badigeonne allègrement et hypocritement de supposées valeurs ancestrales, lesquelles nous garantiraient, toute insouciance bue, d’être « les mecs plus ultras » de la Planète.
Il est fréquent de noter en parcourant les pages nécrologiques de nos journaux, que lorsque qu’un quidam perd un parent plus ou moins lointain, il s’évertue souvent à d’abord citer « Son Excellence Macky Sall et son épouse » en haut de l’avis de décès, avant de daigner aligner loin derrière, ses propres géniteurs, oncles, tantes et cousins, dans l’espoir fiévreux de se voir gratifier d’un confortable « Diaxal » présidentiel, seul apte à consoler son chagrin. Navrant de rance vulgarité. Mais aujourd’hui la mode est aux cérémonies de condoléances politisées, qui donnent à voir, sous couvert de respect de nos « valeurs », le spectacle affligeant des « hommes politiques » s’adonnant à une honteuse transhumance et assumant sans vergogne les reniements les plus visqueux. Mais bon, tant que c’est au nom de nos valeurs… on peut détourner le regard et se boucher le nez.
Le spectacle offert aux sénégalais par Bamba Fall, qui « fêtait en grandes pompes » le décès de son oncle, six semaines après sa disparition avait quelque chose d’indécent et de saugrenu. D’abord dans le timing de la cérémonie, qui tombait pile le jour du réquisitoire du procureur à l’encontre de son « camarade » Khalifa Sall, mais surtout dans le faste déroulé, avec tentes et fauteuils clinquants évoquant plus un grand mariage qu’un deuil peuplé de parents éplorés. Que Bamba Fall soit à cette occasion débauché, est secondaire et anecdotique. Après tout, que les écervelés qui se sont mangés des lames de coupecoupes lors de la dernière campagne des législatives ne s’en prennent qu’à eux-mêmes, eux qui œillères au vent et civisme en berne, auraient selon ses nouveaux amis obéi à ses ordres d’aller vandaliser la demeure de la maman de Cheikh Ba, DG des Impôts et Domaines à la Médina. Et si ce dernier pour aussi célébrer le retrait de la plainte que l’APR avait alors déposée contre le converti républicain, réclamait comme dot l’indemnisation des dégâts causés dans la maison familiale ? Juste pour de rire…
Quel manque de respect et d’égards pour les défunts, que de profiter de « nos coutumes » pour offrir à l’endeuillé la carotte du retour à la table du banquet ou la sucette du profit des ors partagés du pouvoir. Devant les portes closes et les bannissements revanchards, ils seraient capables de trucider leurs parents pour s’offrir, réjouis, le privilège de recevoir une délégation présidentielle, porteuse d’enveloppes kraft rebondies et de promesses de stations juteuses.
Mais là où les dents du fond commencent à baigner dans le vomi, c’est quand Bamba Fall évoque, comme dans une hallucination, ce grand honneur qui lui est fait, selon ses propres dires, le plus grand de son chaotique chemin politique, que d’avoir reçu les condoléances du chef de l’état. Foulant aux pieds justement nos valeurs qui indiquent que ce n’aurait été là, de la part du Président, que son devoir. Les condoléances de ses voisins et amis d’enfance le rempliraient-elles d’un honneur moins grand et moins important ? La fatigue des femmes ayant cuisiné au soleil des marmites de nourritures, provoquerait-elle moins d’émois à Bamba Fall que la composition hautement relevée de la délégation présidentielle venue cyniquement exposer devant un peuple dégoûté son absence de colonne vertébrale et son allégeance à une caste politicienne avec laquelle il partage avec fierté le métier avilissant de sangsues assoiffées, vivant du sang et de la sueur de leurs compatriotes pétrifiés de misère et de désespoirs. Mais bon, tant que c’est conforme à nos valeurs ancestrales, et que Youssou Ndour et Waly Seck continuent à nous divertir, après tout, que demande le peuple ? Tant que nos morts nous rapportent de la thune….
Jean Pierre Corréa