Il me semble évident que les pourfendeurs et les défenseurs du franc CFA ne s’entendront jamais. Pourquoi ? Tout simplement parce que les premiers sont persuadés que la légitimité de leur démarche, vue comme une quête de souveraineté, ne peut qu’être victorieuse et constructive. Les pro-CFA, eux, se fondent sur les statistiques mondiales et les expériences diverses et variées vécues sur l’ensemble des continents pour dire que, dans les réformes monétaires, il y a eu plus d’échecs que de réussites et qu’il serait plus prudent d’en rester au statu quo en ce qui concerne les monnaies en franc CFA de la Cemac et de l’Umoa.
Deux monnaies de réserve : le dollar et l’euro
Il existe une dizaine de monnaies de par le monde qui sont utilisées dans leur pays d’émission mais aussi dans d’autres pays. Le rand sud-africain sert aussi au Swaziland ou en Namibie, la roupie indienne sert au Népal et au Bhoutan. Mais en réalité, même si l’on reconnaît l’influence de grandes monnaies comme le yen, la livre sterling ou le franc suisse, seules deux d’entre elles sont incontestablement considérées comme monnaies de réserve : le dollar et l’euro. L’un étant plus répandu que l’autre, on parle plus souvent de dollarisation que d’euroïsation d’une économie.
Personnellement, j’ai compté une douzaine de pays dont le dollar américain est la monnaie officielle, parmi lesquels l’Équateur ou le Panama. D’autres pays comme Hong Kong, Djibouti, Bahreïn ou les Émirats arabes unis utilisent une monnaie qui entretient une parité fixe avec le dollar. Le problème ici, c’est que les États-Unis ne sont pas concernés par la gestion monétaire de ces pays, même si c’est leur devise qui est en jeu.
Le seul cas où la monnaie du pays tiers est garantie en parité est la zone franc. Or je peux vous affirmer que la plupart des pays qui ont arrimé leur monnaie à une monnaie de référence rêvent de bénéficier du soutien du pays émetteur. Il est vrai que notre système monétaire est issu de l’ère coloniale, comme beaucoup d’infrastructures matérielles ou immatérielles de nos pays, telles que le cadastre, le système d’assainissement, le système scolaire, etc. La liste ne tiendrait pas dans cette tribune.
Alors la question est de savoir si, du fait que le système est d’origine coloniale, on doit « jeter le bébé avec l’eau du bain ». Mon opinion personnelle est que, dans le cadre de la mondialisation, bénéficier de l’énorme avantage d’une garantie à première demande du Trésor français ou de celle d’un ou plusieurs pays notés AAA n’a pas de prix. Or il n’y a pas de raison intelligente de laisser tomber cet avantage aussi considérable sans une compensation équivalente (c’est une règle de base de la diplomatie mondiale).
Fonds monétaire africain
Ce qui est gênant, dans le système de la zone franc, c’est qu’un seul pays, qui plus est l’ancien colonisateur, soit à la manœuvre ! Comme il n’est pas question d’abandonner une si précieuse garantie – qui a protégé pendant soixante-dix ans nos populations des affres de l’inflation, voire de l’hyperinflation –, il est indispensable de mettre en place un système de remplacement, plus moderne et au moins aussi efficace que le système de la zone franc.
Le FMI est mal nommé car il est en réalité un fonds d’appui budgétaire. Pourquoi ne pas créer un véritable Fonds monétaire africain (FMA) avec un cahier des charges sévère, un peu sur le modèle de la BAD, avec des membres régionaux, apportant tout ou partie de leurs réserves de change ; mais aussi des membres non régionaux, nationaux ou multilatéraux qui apporteraient du capital, de la régulation et de la rigueur ?
Le rôle de cette institution serait de garantir les parités des différentes monnaies membres, de mutualiser les réserves de change et de contrôler strictement l’inflation. Mais aussi de « dégarantir » la monnaie et de suspendre les États qui ne respecteraient pas les règles.
Avec la crise grecque, nous avons vu que la solidarité financière européenne n’était pas automatique. Pourquoi la nôtre le serait-elle ? Nous devrons faire la même chose avec les États récalcitrants qui fragilisent le système. Il y va de notre crédibilité et de l’avenir de nos enfants.
Comme vous l’avez compris, le plus important consiste à protéger les populations de l’inflation, que les pays de la zone franc ne connaissent pas et ne veulent pas connaître.
Gabriel Fal
Fondateur de CGF Bourse et de CGF Gestion