Le vieux projet de construction d’un pont sur la transgambienne, longtemps resté un vœu pieu des peuples de la Sénégambie, sera une réalité tangible dans un proche avenir avec l’exécution de la dernière phase des grands travaux. C’est, au demeurant, un dénouement heureux et la satisfaction d’une vieille demande pressante des populations sous l’égide du gouvernement sénégalais, de la Cedeao, de l’Omvg, de la Bad, tout autant que les autres partenaires techniques au développement. Les plus sceptiques avaient fini par être convaincus de l’effectivité de la réalisation de l’ouvrage et du changement du décor, lorsqu’ils se sont aperçus des travaux de fin de période de l’entreprise adjudicataire (consortium d’entreprises Areszki).
Etant donné l’importance stratégique et régionale du projet d’un coût de 75 millions d’euros, son processus d’élaboration a impliqué de nombreuses consultations du Sénégal avec les communautés économiques régionales qui ont abouti à l’engagement de la Gambie à se conformer à la convention Cedeao relative au transit routier inter-Etats des marchandises. A ce titre, le Sénégal a été de tout temps un pionnier et un champion dans les processus d’intégration économique africaine, surtout s’agissant de la gestion des eaux transfrontalières de surface. (Omvs, Omvg).
L’objectif est de mettre en place des modalités optimales de facilitation du transit dans les pays du corridor transgambien (Kaolack, autoroute trangambienne, Ziguinchor) considéré comme une partie de l’importante autoroute trans-ouest africaine du corridor Dakar- Lagos.
Bien entendu, la réalisation du pont sur la transgambienne permet d’avoir des infrastructures de transport fiables, efficaces et ininterrompues qui améliorent la circulation des biens et des personnes dans l’espace Cedeao ; A ce titre, il y a lieu de relever le nouveau programme structurant ‘’zéro bac au Sénégal’’ avec la construction du pont de Marsassoum sur le Soungrougou et du pont de Foudiougne sur le Saloum, qui viendront optimiser la mobilité dans l’espace sénégambien par une inter-connectivité, comme les trois éléments fondamentaux d’un même puzzle. En effet, la construction en même temps de ces trois ponts constitue une avancée assez révolutionnaire vers le développement économique, social et culturel intégral du Sénégal et l’élimination complète de la discontinuité territoriale avec sa partie méridionale.
L’histoire nous a suffisamment montré que lors des grandes guerres, le contrôle et la destruction de ponts rentraient dans les objectifs stratégiques des armées et furent l’occasion d’âpres batailles. Il en va de même pour la lutte contre le sous-développement, afin de vaincre les obstacles de la nature à la mobilité par l’établissement de cordons ombilicaux entre des entités terrestres homogènes pouvant favoriser l’unité territoriale et la cohésion nationale.
Auparavant, la traversée de la Gambie offrait tout un autre décor insolite de blocage de la mobilité sur une distance de moins d’un kilomètre avec le bac moyenâgeux de Faréfégny, comme si le temps devrait s’arrêter à cet endroit précis, après que les routiers eurent bravé des distances importantes. Le comble du malheur de cet anachronisme apparaissait, lorsqu’il était de notoriété que le goulot d’étranglement restait volontairement entretenu pour empêcher aux flux d’échanges entre le Sénégal et sa partie méridionale de s’effectuer et, consécutivement, de mettre en attente l’exploitation des immenses opportunités économiques qu’offre la Casamance naturelle.
La réalisation du pont permet également d’œuvrer efficacement pour la paix en Casamance par une la lutte contre la discontinuité territoriale qui est le terreau fertile de la frustration, de la distanciation entre communautés, vecteurs de la césure. Nul doute, qu’en plus du développement économique et du désenclavement des régions périphériques, cette stratégique et belle réalisation contribuera à la formation d’une conscience collective d’appartenance à un même destin national, antidote à tout préjugé culturel séparatiste. Il se trouve que la paix en Casamance était en partie liée à l’attitude des régimes au pouvoir en Gambie et en Guinée-Bissau, car il est avéré que certains régimes particuliers parvenaient à se maintenir au pouvoir par l’entretien de conflits.
Or, le pont sur la transgambienne viendra rapprocher les populations, raffermir les liens d’un même espace culturel et favoriser la coexistence pacifique. Les gouvernants au pouvoir dans nos Etats devraient suivre les aspirations des peuples au développement en favorisant l’intégration économique et politique de nos Etats, dans la mesure où l’intégration culturelle des populations de la Sénégambie est un fait historique et sociologique indéniable.
Kadialy GASSAMA
Economiste
Rue Faidherbe X Pierre Verger
Rufisque