«Au sein de la mort la vie persiste
«Au sein de l’obscurité la lumière persiste
«Au sein du mensonge la vérité persiste»
Cher ami, le vendredi 30 mars2018, dans la salle 4 du tribunal de Grande instance de Dakar, le juge Lamotte a prononcé le verdict qui vous a condamné à cinq ans de prison ferme assortis d’une amende de cinq millions (5 000 000) de francs. Si la sentence a surpris beaucoup de personnes, elle était prévisible en ce qui me concerne, étant bien informé des raisons et motifs à l’origine du procès. Le déroulement du procès émaillé de diverses péripéties de toutes sortes, quelquefois provoquées délibérément et à dessein, indiquait clairement que son issue ne pouvait être qu’une condamnation ; le dispositif sécuritaire déployé le jour même du prononcé était suffisamment éloquent.
Malgré tout, ce verdict me laisse perplexe en ce sens qu’il pose des problèmes et suscite des interpellations qui dépassent la culture juridique et judiciaire du modeste et ignare citoyen que je suis. J’aimerais vraiment que l’on m’explique comment, pour une accusation aussi grave portant sur deux milliards de francs, il vous inflige une amende de cinq millions de francs. Il faut reconnaître que le hiatus est démentiel entre les deux montants. J’aimerais que l’on me désigne de manière claire et nette les personnes morales ou physiques qui ont été victimes de cette prétendue escroquerie. Le cas échéant, ont-elles porté plainte. Et du peu que je connais en matière de droit spécial, l’escroquerie doit nécessairement comporter des manœuvres frauduleuses antérieurement au gain escompté. Dans le cas de la caisse d’avance, les percepteurs remettaient l’argent pour ultérieurement exiger les justificatifs. Ce n’est pas de l’escroquerie, c’est autre chose. A-t-on établi de manière non équivoque l’intention constitutive de l’élément moral de l’infraction qui vous est imputable.
Cher ami, il est aujourd’hui évident et admis par tous les observateurs épris de justice et soucieux d’une bonne distribution de la justice que le procès intenté à votre encontre est fondamentalement politique ; ses relents politiques et politiciens sentent à mille lieues. En effet, il s’agit d’une simple faute de gestion que l’on a malheureusement et malhonnêtement transformée en délit pénal par des arguties juridiques et des manœuvres procédurales truffées de vices pour uniquement atteindre un seul objectif politique : vous écarter de l’élection présidentielle du 24 février 2018.
Le responsable de cette machination sordide et de ce complot abject n’est personne d’autre que celui que je nomme «l’homme aux promesses mutilées et aux engagements évaporés». Celui-là même qui a fait déserter le rêve de nos chaumières, de nos cases et de nos masures pendant que lui et ses partisans, repus et confortablement installés, rient à gorge déployée et s’esclaffent dans des appartements cossus, fruits de leurs rapines des deniers publics. Ce verdict ne m’a guère surpris et je l’avais dit à un ami commun. Je l’avais mis au fait que vous ne pourriez pas échapper à une condamnation de prison ferme parce que telle est la volonté et la décision du roi républicain qui règne à Ndoumbélane. C’est la même logique qui avait prévalu avec Karim Wade et c’est la même logique qui les avait incités à s’en prendre maladroitement à Abdoul Mbaye.
Les dirigeants de ce pays useront de tous les subterfuges, de toutes les manœuvres, de tous les stratagèmes possibles et imaginables ainsi que de tous les moyens légaux et illégaux, justes comme injustes, conventionnels comme non conventionnels, pour gagner la prochaine élection présidentielle. L’argent coulera à flot, il y aura une débauche financière comme jamais le Sénégal n’en a connu. D’autres moyens que le sens des responsabilités m’empêche de dire publiquement, seront utilisés. Les autorités disposent de plusieurs sondages de sources diverses mais très crédibles qui annoncent des élections très étriquées, indécises et très ouvertes avec une forte probabilité pour l’actuel locataire du palais de ne pas rempiler. Sa réélection est très hypothétique et il le sait. Aussi est-il aisé de comprendre la peur qui les habite, malgré les fanfaronnades et autres promesses de victoire dès le 1er tour qui relèvent plutôt de l’exorcisme intellectuel, mental et psychologique, de l’évacuation d’une peur plus que d’un véritable défi. Ils sont étrillés par l’anxiété, c’est-à-dire cette anticipation négative prégnante et envahissante d’un lendemain plus qu’incertain.
Cher ami, pour mieux analyser leurs comportements, il faut savoir comme je l’avais dit dans ma première lettre, que la peur appartient à l’empirisme perceptif et qu’à ce titre, elle développe de puissants mécanismes physiques et cérébraux destinés à permettre de réagir soit dans l’instant, soit de mobiliser les moyens de toute nature pour modifier ou éliminer les éléments à l’origine de la peur. Elle est difficile à combattre, car elle est une affaire de perception, fortement individualisée lorsqu’il s’agit de prescience, d’anticipation ou d’événements à venir comme c’est le cas avec la prochaine élection présidentielle du 24 février 2019. La peur s’efface lorsque l’objet qui en est l’origine, disparaît. Voilà l’explication simple à donner aux comportements de vos adversaires et contempteurs qui pensent qu’en vous condamnant à cinq ans de prison ferme, ils feront disparaître Khalifa Sall potentiel candidat qui constitue l’objet de leur peur.
Cher ami, ils comprendront sur le tard que vous pouvez disparaître de la vue physique de vos concitoyens, mais que votre image devenue icone ainsi que les échos amplifiés de votre discours de vérité s’imposeront dans toutes les contrées du Sénégal et à tout le monde, eux compris et ce, avec une plus grande prégnance et une plus forte intensité. Votre incarcération est à mettre dans le cadre d’une stratégie bien réfléchie, mais mal conçue par vos contempteurs, des minables, des minus habens, de pauvres individus mais riches qui manquent d’épaisseur intellectuelle, de grandeur morale et tout simplement de bon sens dont Blaise Pascal disait «qu’elle est la chose la mieux partagée». C’est une entreprise maléfique, méphitique et méphistophélique pensée et élaborée par le cabinet occulte sis au palais de la République comme l’avait dénoncé Aliou Sall et mise en œuvre par des fonctionnaires peu soucieux de valeurs éthique et déontologique.
Cher ami, ainsi ont-ils osé franchir le Rubicon en vous embastillant sans état d’âme à Rebeuss, cette vieille citadelle, témoin de beaucoup de dénis de justice ayant jalonné l’histoire de notre jeune république. «Rebeuss» comme j’ai eu à le dire, contrairement à ce que l’on voudrait croire au commun des Sénégalais, n’est pas forcément un endroit pestiféré, un lieu maudit. Cependant il n’est point agréable ni souhaitable de s’y trouver. «Rebeuss» est doublement symbolique : il est un purgatoire, un lieu de punition et de rédemption pour ceux-là qui ont réellement et véritablement porté tort, peut-être malgré eux, à la communauté en transgressant les règles communes de la vie sociale. «Rebeuss» constitue aussi un lieu de bonification, d’élévation spirituelle et d’étape nécessaire vers une ascension sociale pour les âmes bénies et bien nées. Et vous appartenez à cette catégorie.
Cher ami vous pouvez toujours compter sur mon soutien et ma grande sympathie pour vous accompagner dans cette douloureuse et injuste épreuve que vous font subir des gens qui oublient qu’ils sont mortels et qu’ils auront à rendre compte à Dieu Le Tout Puissant, Maître de l’univers et de nos destins d’êtres insignifiants et ignorants. «Ad augusta per angusta». La nuit n’est jamais aussi obscure et noire qu’à l’approche de l’aube. Mes salutations fraternelles à Mbaye Touré, Yatma Diaw et Bodian.
Dakar le 06 Avril 2018
Boubacar SADIO
Commissaire divisionnaire de police de classe exceptionnelle
Ancien directeur général adjoint de la police nationale
Lettre ouverte au député-maire de Dakar : A mon cher Khalifa (Par Boubacar SADIO) | .