Un système de filtrage ou de pré-sélection est le bienvenu pour des élections dont le processus coûte cher aux contribuables, des élections qui voient parfois apparaître des aventuriers aux raisons inavouables.
Cependant la mise en place d’une procédure de parrainage ne doit pas être improvisée, ni réalisée de façon suspecte, et constituer ainsi une usine à gaz qui peut faire péter le pays.
Notons que ce projet d’instituer le parrainage n’a pas fait l’objet d’un large dialogue entre les acteurs politiques majeurs. Il faut aussi reprocher à cette opposition dite significative d’adopter exagérément la politique de la chaise vide lorsqu’il s’agit de dialoguer, et de venir ensuite pleurnicher contre les décisions prises en son absence.
Ensuite, les modalités pratiques et techniques de mise en œuvre d’un nouveau mode de parrainage, devraient faire l’objet d’études approfondies, et d’un nouvel accord entre les parties prenantes.
Le type de parrainage qui se prépare consisterait donc pour chaque candidat indépendant ou investi par un parti politique, de se faire parrainer par 65.000 (1%) sénégalais inscrits, dont 14.000 doivent provenir de 7 régions différentes à raison de 2000 par région. Chaque parrain doit être identifié, et n’avoir parrainé qu’un seul et unique candidat. Chacun des critères ci-avant pose problème à plusieurs titres, dont certains repris ci-dessous.
1° Un parrain identifié pour un seul candidat, c’est voter sans isoloir et sans enveloppe
Ce critère est insensé parce qu’il donne à ce système de parrainage, tous les contours d’un 1er Tour d’élection présidentielle, tout en violant au passage le principe sacré de secret de vote. Des Sénégalais lambda peuvent hésiter à se dévoiler aux yeux du pouvoir, sachant que ce dernier aura la liste détaillée des parrains ayant choisi de les dégager. Des artistes, des personnalités, des religieux, des hommes d’affaires, des fonctionnaires, … peuvent hésiter à se faire identifier comme opposants, ou comme partisans du régime en place, ou comme partisans d’une 3e voie. Ce n’est absolument pas acceptable.
Ce seul principe devrait suffire à faire annuler ce système de parrainage pour ces joutes électorales-ci, le temps de mieux le repenser
La solution, en cas d’entêtement, serait de laisser à chaque électeur le choix de parrainer le nombre de candidats qu’il souhaite. Ainsi il n’aura pas le sentiment de s’être clairement identifié, mais ce sera plutôt comme le jour du vote lorsque l’électeur choisit devant toute une assistance, les 15 ou 20 bulletins de vote, avant de s’enfermer seul dans l’isoloir et jeter en toute discrétion son dévolu sur son candidat final.
2° Le nombre de 65 000 parrains, c’est plus de 2 % du record de votants au Sénégal
Ce chiffre de 65 000 est énorme quoi qu’on en dise, que ce soit pour les candidats indépendants comme pour les partis politiques. N’oublions pas que nous sommes dans un pays dont le nombre de votants n’a jamais atteint 3.000.000, au lieu de comparer les 1 % à la taille du fichier électoral. En moyenne 40 % des inscrits souhaitent régulièrement ne pas exprimer leur suffrage, parfois bien plus.
Obtenir 65.000 signatures demande beaucoup de moyens techniques, et surtout financiers. On ne peut donc pas prétexter que l’on veut réduire la caution afin ne pas faire des élections présidentielles une affaire de fric, et de l’autre côté, imposer un système de collecte de données et de signatures qui peut coûter encore plus que cette caution qui est d’autant plus remboursable pour certains. Il faudra peut-être approcher 100 000 ou 200 000 ou 300 000 Sénégalais, peut-être bien plus, pour espérer obtenir que 65 000 d’entre eux acceptent de voter pour vous, et c’est bien de voter avant l’élection qu’il s’agit, puisqu’on impose qu’il ne pourra plus parrainer un autre après vous.
La solution si l’on tient à imposer un sacrifice de principe aux aventuriers surgis de nulle part, serait de porter ce chiffre de 10 000 actuellement, à 15 000 ou 20 000 au grand maximum. De maintenir le parrainage obligatoire aux candidatures indépendantes uniquement. En effet, les partis politiques légalement constitués, quoi qu’on puisse penser de certains d’entre eux, ont au moins franchi le pas de se signaler ouvertement aux autorités et aux Sénégalais.
Il ne serait pas compliqué de discuter et trouver une solution permettant d’éviter que certains candidats indépendants puissent louer des récépissés de partis, le temps d’une élection.
3° Trop de questions sans réponse et de scénarios catastrophes
** Qui va expliquer, et sous quels délais, les principes et règles du parrainage aux Sénégalais de tous les coins et recoins du Sénégal,?
** Si 1 électeur signe pour 5 candidats différents, par ignorance, ou en connaissance de cause, comment sera sélectionné la signature valable ?
** Qu’est-ce qui empêcherait un candidat ayant eu accès à la liste des parrains d’un autre candidat, d’aller ensuite les voir pour les intimider, ou les corrompre, ou leur faire changer d’avis ?
** Combien de temps va prendre l’analyse des données de parrainage ?
** Comment va se dérouler l’authentification des électeurs ou des signatures quand on sait que les banquiers rejettent souvent les signatures d’un titulaire de compte ?
** Si un candidat a pu disposer ou avoir accès à la copie de dizaines ou centaines ou milliers de cartes d’identité, ou aux données de celles-ci, qu’est-ce qui l’empêche de remplir des centaines ou milliers de formulaires, et d’imiter les signatures ?
** Sachant que le nombre maximum de votants jamais atteint pour des élections présidentielles au Sénégal est inférieur à 3.000.000, donc si 25 candidats considérés comme opposants arrivent à recueillir les 65.000 parrains, soit plus de 50 % des futurs votants, cela ne risque-t-il pas de démontrer bien avant la date des élections, quel risque d’en être le résultat, dans un pays qui interdit les sondages politiques pour éviter les mauvaises manipulations ?
** Et tellement d’autres questions qui se posent, dont certaines entendues çà et là par des sceptiques
4° Non il faut suspendre ce parrainage-là, et mieux le repenser pour d’autres joutes électorales
L’idée de rationaliser, d’assainir, de filtrer, est louable. Mais il faut le faire de la manière la moins suspecte possible, sans improvisation, en ayant réponse aux nombreuses questions qui se posent.
Macky Sall ne devrait pas s’aliéner les Sénégalais qui le préfèrent encore à ces candidats virtuels, à ces candidats du Centre-Ville, à ces candidats par frustration, à ces candidats tortueux qui dégringolent d’élection en élection, à ces candidats dont le programme de société tient sur une feuille A4.
Le 19 Avril 2018, je serai devant l’Assemblée Nationale pour surveiller de près ce que les parlementaires feront ressortir de cette plénière, et pour protéger notre Sénégal.
MARVEL
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