Le Président Macky Sall, dans un de ses discours adressés à la diaspora sénégalaise vivant au Togo, a encore une fois niaisement justifié le parrainage par des maladresses et des contradictions.
La première maladresse, sûrement inconsciente, c’est de croire qu’aux Etats-Unis il n’y a que deux partis politiques qui se disputent l’élection présidentielle américaine. Cette remarque faite par le président de la République du Sénégal, en public et à l’étranger, montre comment la méritocratie a régressé au Sénégal. Le niveau de culture générale de nos chefs d’Etat a drastiquement diminué, de Senghor à Macky Sall, pour atteindre un niveau d’un lycéen de seconde ou de première classe. Pour corriger cette lourde faute et informer surtout nos lycéens qui préparent des examens, il faut retenir que depuis l’avènement du libellé original de la première Constitution américaine en vigueur de 1788 à 1803, la liste des candidats à la Présidentielle ne s’est jamais limitée à deux partis politiques. La première élection présidentielle des Etats-Unis qui a permis à George Washington de devenir Président et à John Adams d’être le vice-président en 1789 avait comme liste de candidats sept (7) partis politiques et indépendants, tous compris. George Washington lui-même était indépendant ainsi que John Adams. Cette culture constitutionnelle se poursuivit jusqu’à nos jours. Pour preuve, la liste de la dernière élection présidentielle de 2016 était composée de dix (10) partis politiques et un seul indépendant inclus, ces candidatures étaient :
Donald Trump– Mike Pence (Républicain)
Hillary Clinton– Tim Kaine (Démocrate)
Gary Johnson – William Weld (Libertaire)
Jill Stein – Ajamu Baraka (Vert)
Evan McMullin – Mindy Finn (Indépendant)
Darrell Castle – Scott Bradley (Constitutionnaliste)
Rocky De La Fuente – Michael Steinberg (American Delta/ Réformiste)
James Hedges – Bill Bayes (Interdictionniste)
Mimi Soltysik – Angela Nicole Walker (Socialiste)
Tom Hoefling – Steve Schulin (Amérique)
La deuxième maladresse, parfaitement consciente, c’est de prendre le parrainage comme une panacée de la démocratie alors que la grande majorité des démocraties modernes n’utilise pas le parrainage comme moyen de promouvoir la méritocratie. C’est pourquoi dans mon premier article sur ce sujet, intitulé «Parrainage citoyen ou patronage» et paru dans le journal Enquête du mardi 10 avril 2018, j’évoquais que ce choix de Macky Sall et de la majorité présidentielle est motivé par une ignorance totale des systèmes politiques des démocraties modernes. Mais le leurre du Peuple sénégalais et même de sa coalition Bby réside dans le souci de leur cacher la vérité qui est qu’aucune démocratie moderne n’a encore expérimenté le parrainage citoyen encore moins le «parrainage électeur» pour plusieurs raisons. Les deux seules raisons suffisantes pour abandonner ce projet du Président Macky Sall et qui rectifient ses contradictions sont tout d’abord que les coûts exorbitants du processus de parrainage électeur diffèrent du parrainage citoyen et ensuite sa faisabilité dans moins de dix mois des élections.
S’agissant du coût, il est aisé de comprendre que si la transparence est adoptée dans le processus de parrainage, à savoir que toute la procédure de parrainage des candidats soit placée sous le contrôle du Conseil constitutionnel, les dépenses de l’Etat seront beaucoup plus importantes que les élections sans parrainage, car les électeurs signataires devront impérativement envoyer par voie postale au Conseil constitutionnel qui est l’organe autonome et qui centralise le système de parrainage, et cela financé de l’Etat central. Celui-ci en vérifie la validité (identité de l’électeur, localité, etc.) et informe chaque candidat du nombre de parrainages valides reçus, fait la publicité des auteurs de parrainage intégral à l’issue du recueil des parrainages, et de façon continue au fur et à mesure de la réception des parrainages. Ces coûts préliminaires additionnés au coût de l’élection présidentielle de février 2019 dépasseront largement les coûts prévisibles des élections sans parrainage. Par contre, si ces coûts sont imputés aux partis politiques et aux indépendants, ils seront considérés comme de l’imposition fiscale des candidats qui ne dit pas son nom et seront vus par l’opinion nationale et internationale comme la plus grosse arnaque électorale de l’histoire de la démocratie des temps modernes.
S’agissant de la faisabilité du processus, statistiquement, une enquête de sondage d’un échantillonnage de 65 mille électeurs ou plus prendrait au minimum douze mois (12) si le choix est aléatoire. A fortiori, faire un sondage sur le parrainage électeur et non citoyen, car un parrainage citoyen c’est se faire parrainer par tout citoyen en âge de voter. Il est donc évident que même avec une logistique équivalente à celle de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd) pour un parrainage électeur, il risque de prendre à chaque parti politique ou indépendant un (1) an de travail d’enquête et de traitement des données. Malheureusement, dans le cas du parrainage électeur tel que présenté dans le projet de loi, la difficulté et l’impossibilité de le réaliser par l’Etat ou les partis politiques résident dans le fait que l’échantillonnage est non aléatoire et que l’électeur inscrit sur le fichier électoral n’est ni localisable ni maîtrisable, car les adresses renseignées dans le fichier électoral ne sont pas complètes ou inexactes dues à la mobilité permanente des électeurs. Par exemple, combien de citoyens électeurs résident à Dakar et par contre votent dans les régions ? Comment le parti politique ou le candidat indépendant pourra localiser l’électeur désireux de le parrainer ? Voilà la véritable supercherie de ce projet de parrainage qui fera des élections présidentielles prochaines les plus incertaines et les plus corrompues de l’histoire de l’Afrique. Quand l’électeur est connu et non localisable par les autorités ou les partis politiques, il y a impossibilité de faire le parrainage électeur, sans compter les difficultés de système d’information que cela nécessite pour le traitement et la sécurisation.
Tout cela montre que le parrainage électeur n’est ni une réforme «consolidante», comme le soutien le ministre de la Justice, et encore moins un moyen de rationaliser les partis politiques, comme l’affirme ou le pense la coalition Bby. Si cette dernière s’évertue à falsifier la collecte de parrainage électeur en imprimant déjà un nombre incertain de cartes d’électeur fictifs et les inscrire dans le fichier électoral, il sera aisé pour elle de fournir plus de 1% du fichier électoral déjà tripatouillé. Seul le Conseil constitutionnel autonome et indépendant peut arrêter cette forfaiture en rendant cette loi anticonstitutionnelle.
PhD Alpha Ousmane AW
Président du Centre pour une
Nouvelle Economie
Structurelle en Afrique
(CNESA)
Deme2016@isscad.pku.edu.cn