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Ces Victoires À La Pyrrhus De Macky Sall

Ces Victoires À La Pyrrhus De Macky Sall

« Pyrrhus, roi d’épire, se prépare à la guerre et en 280, soit trois siècles avant Jésus-Christ, il débarque dans le sud de la péninsule italienne avec ses troupes composées de plus de 30 000 hommes et d’une dizaine d’éléphants de guerre. Le chemin vers Rome est long et périlleux. Pyrrhus y rencontre de multiples légions romaines et les combats s’enchaînent à un rythme effarant. Il sort laborieusement victorieux de chaque bataille, et son armée avec des pertes innombrables s’affaiblit dangereusement. Lui restera-t-il suffisamment d’hommes pour mener le combat final ? Pyrrhus commence sérieusement à en douter… Conscient de ses énormes pertes face à l’armée romaine, le roi d’epire lance cette phrase laconique mais célèbre à l’un de ses conseillers : «encore une victoire comme celle-là, et nous sommes perdus ! ».

Hélas pour lui, sa prédiction se réalise… après plus de cinq années de confrontations avec l’armée romaine, l’ultime bataille se déroule en 276 avant JC. Une fois encore, l’issue des combats est dramatique et avec une armée réduite à peu de choses, Pyrrhus est vaincu par les Romains laissant derrière lui ses rêves de gloire et de conquête ».

Si nous avons évoqué ce chapitre important de l’histoire romaine, c’est pour la mettre en parallèle avec le drame politique que le Sénégal est en train de vivre sous le magistère du président Macky Sall. Un Président dont les résultats électoraux s’effritent à un rythme effarant depuis son triomphe à l’élection de 2012. Des locales de 2014, passant par le référendum de 2016 jusqu’aux législatives de 2017, l’analyse des résultats montre que le candidat de Bennoo Bokk Yaakaar s’éloigne de plus en plus de ses 65 % engrangés en 2012 devant abdoulaye Wade. Quand bien même il serait sorti difficilement vainqueur de ces batailles électorales, l’on constate qu’il ne doit la victoire qu’à l’ampleur des moyens engagés et dégagés. Finalement le coût de ses victoires devient dévastateur et laisse le goût d’une défaite électorale. aujourd’hui, la « victoire » préfabriquée du parrainage au parfum d’illégitimité interdit au Prince et sa majorité toute ostentation jubilatoire.

Karim Wade exilé et éliminé par le code électoral, Khalifa Sall embastillé pour cinq ans, il reste une dernière manoeuvre darwiniste pour sacquer les derniers adversaires qui pourraient compromettre l’obsession du président sortant pour un deuxième mandat. La victoire à la Pyrrhus ayant été obtenue, Macky Sall aura les coudées franches pour se choisir ses propres adversaires. Al Sissi et Poutine font bien des émules au Sénégal.

Toutes les raisons invoquées pour faire passer cette loi scélérate et inopportune ne sont que des pseudo-justificatifs pour avaliser une loi politiquement mortifère pour les opposants du président. Dire que les dernières législatives ont drainé 47 listes ingérables financièrement et organisationnellement, c’est verser dans la mauvaise foi ou faire preuve d’un manque d’ingénierie électorale pour organiser un scrutin. D’abord, il convient de souligner que les dernières législatives ne constituent pas un baromètre pour l’élection présidentielle qui a une spécificité. Si les législatives ont enregistré 47 listes, c’est parce qu’il y a plusieurs postes de députés en jeu et les chances d’être députés même avec un fort reste sont multiples contrairement à l’élection présidentielle où il n’y a qu’un seul poste en jeu. Les élections présidentielles au Sénégal ont toujours évolué en dents de scie. En 1978, il y a eu deux candidats, en 1983, 5 candidats, 1988, 4 candidats, 1993, 8 candidats, 2000, 8 candidats, 2007, 15 candidats et 2012, 14 candidats. Dès lors, le meilleur baromètre pour faire des projections ou conjectures sur le nombre de candidats à la prochaine présidentielle, c’est de se référer aux précédentes élections présidentielles précédentes. Et non à des législatives ! Donc c’est faire preuve de mauvaise foi que de dire que le parrainage est institué pour éviter de se retrouver avec plus de 200 candidatures.

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Le bulletin unique : la panacée à la floraison des candidatures

En sus, l’inflation des candidatures est réglée par le bulletin unique. Si le Bénin est parvenu à organiser une élection présidentielle (2016) avec 33 candidats, c’est parce que le bulletin unique a été une panacée pour éviter à l’électeur le calvaire de la prise des bulletins individuels. Le Bénin dispose-t-il d’une ingénierie électorale plus développée que celle du Sénégal au point de pouvoir organiser un scrutin où 33 candidats étaient en compétition à sa dernière présidentielle ? Si tel était le cas, il y aurait de quoi douter sur l’expertise de ces agents du ministère de l’Intérieur rompus à la tâche et dont on nous chante quotidiennement la science en matière électorale.

Le système du bulletin unique est adopté en Mauritanie, guinée, Bénin, Sierra Léone, ghana, afrique du Sud, RDC, Congo, Kenya, Libéria pour ne citer que ces pays africains. En europe aussi, le bulletin unique est la règle et le bulletin individuel l’exception. En allemagne, en espagne, au Royaume uni, en Hollande, en Belgique et dans plusieurs autres pays de l’Union européenne, c’est le bulletin unique qui est à la mode. Seule la France, qui laisse le coût de l’impression à la charge du candidat, adopte encore le bulletin individuel au grand étonnement des autres pays démocratiques de l’UE. Non seulement le bulletin unique coûterait moins cher au contribuable sénégalais s’il était adopté mais encore il permettrait de réduire les risques de fraudes ainsi que la complexité de l’organisation du vote et la durée des opérations électorales.

D’ailleurs l’ancien Premier ministre, aminata Touré, en mission d’observation à la dernière élection présidentielle du Libéria, avait déclaré que « le Sénégal devrait faire comme les autres pays de l’afrique à l’image du Libéria en adoptant le bulletin unique ». Selon elle, « le bulletin unique est en train de se généraliser en afrique. Le taux d’alphabétisation du Libéria est beaucoup plus faible qu’au Sénégal. Néanmoins, les électeurs comprennent parfaitement le système du bulletin unique. Cela fonctionne, cela a un coût moins élevé et nous devrions étudier la question très sérieusement. Le bulletin unique est adopté en Côte d’Ivoire, au Kenya et dans beaucoup de pays ». Hélas aujourd’hui, chargée du pôle « Mobilisation et parrainage » de l’alliance pour la République (APR), la même Aminata Touré voue aux gémonies le bulletin unique au profit du parrainage qu’elle considère, à l’instar de son mentor Macky Sall, comme le seul moyen pour endiguer la floraison des candidatures. Mais aucun Sénégalais ne se méprend sur cette volonté tenace et obsessionnelle des tenants du pouvoir de procéder à un darwinisme électoral. Ce n’est pas un filtrage de soi-disant candidats fantaisistes que veut le pouvoir de Macky Sall mais une élimination sournoise des candidatures compromettantes.

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Le Sénégal et le syndrome malgache

Aujourd’hui le Sénégal est comparé à Madagascar où une loi électorale est en train d’embraser le pays. Il s’agit du projet de loi organique n° 06/2018 du 21 février 2018 relative à l’élection du Président de la République et du projet de loi organique n° 07/2018 du 21 février 2018 relative à l’élection des députés à l’Assemblée nationale.

Selon l’article 7 alinéa 1 du projet de Loi organique n° 06/2018 du 21 février 2018 relative à l’élection du président de la République : « Toute candidature à l’élection présidentielle doit être investie par un parti politique légalement constitué ou par une coalition de partis politiques légalement constituée, ou parrainée par une liste de cent cinquante (150) élus membres du Sénat, de l’Assemblée nationale, des conseils communaux, municipaux, régionaux et provinciaux, maires, chefs de Région et chefs de Province provenant au moins de trois Provinces ».

Le principe est également le même pour le projet de loi organique n° 07/2018 du 21 février 2018 relative à l’élection des députés à l’Assemblée nationale. Selon l’article 18 de ce projet de loi : « Toute candidature à l’élection de député à l’Assemblée nationale, et celle de son suppléant, doivent être investies par un parti politique légalement constitué ou une coalition de partis politiques légalement constituée, ou parrainées par une liste de dix élus membres des conseils communaux, municipaux, maires, issus de la circonscription électorale concernée ». Ces lois malgaches sont jugées discriminatoires vis-à-vis des indépendants. et dès qu’elles ont été votées sans débat comme au Sénégal, les opposants ont manifesté ce 21 avril contre l’interdiction administrative : bilan quatre morts et plusieurs blessés. En dépit de ce bilan funeste, les opposants promettent d’investir encore la rue jusqu’à annulation de ces lois dont ils considèrent qu’elles favorisent le pouvoir.

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Niasse tue le débat parlementaire

Comme à Madagascar, on peut dire que Moustapha Niasse, le président de l’Assemblée nationale, et ses députés de Bennoo ont tué le débat parlementaire. Se réfugiant derrière le travail de la commission des lois, les députés de sa Majesté ont jugé ne pas devoir engager le débat public en séance plénière. Il y a un chainon manquant dans la procédure législative qui a abouti au vote de la loi sur le parrainage : le temps de la séance publique après le travail de la commission technique. Les Sénégalais dans leur grande majorité attendaient le débat d’idées contradictoires qui allait les édifier sur la pertinence et la recevabilité — ou l’impertinence ou l’irrecevabilité — d’une loi très controversée. Mais par la violation et la manipulation de l’article 14 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse et les députés de sa Majesté, qui n’avaient pas d’arguments pour convaincre le peuple sur l’opportunité d’une telle loi, ont préféré imposer leur majorité et la voter sans débat. Dès lors qu’il n’y a pas eu de débats, comment peut-on proposer des amendements qui permettent de supprimer, reformuler, remplacer ou enrichir le contenu de ladite loi ? Cette loi sur le parrainage portera à jamais la balafre congénitale odieuse que lui ont estampillée les députés de la majorité.

La séance plénière de l’Assemblée met en valeur la publicité des débats, pierre angulaire de la démocratie parlementaire. Par conséquent, elle est un moment essentiel de la vie parlementaire car c’est au sein l’hémicycle que sont adoptées les lois émanant de l’exécutif ou du pouvoir législatif. La publicité des débats de la séance plénière permet à tout citoyen, loin des commissions techniques auxquelles il n’a pas le droit d’assister, de connaître et de mieux appréhender les décisions des élus prises en son nom. en France, la publicité des débats parlementaires des Chambres basse et haute est tellement importante qu’elle est constitutionnalisée à l’article 33, alinéa 1. Par voie de conséquence, il est prévu l’établissement pour chaque séance d’un compte-rendu qui doit être publié au Journal officiel. au Sénégal, après le congrès politique sans débat d’Ousmane Tanor Dieng, on assiste à l’ère de la séance publique parlementaire sans débat de Moustapha Niasse. Décidément, la rivalité sauvage entre ces deux éléphants de notre vie politique continue toujours de faire rage. Jusqu’à l’absurde ou au ridicule ?

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