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Lamine Diack, Cas Typique De Candidature FantÔme

Lamine Diack, Cas Typique De Candidature FantÔme

Le projet de loi, instituant un parrainage dans une fourchette de 0,8- 1% du corps électoral pour les candidats à tous types d’élections a été voté jeudi à l’Assemblée nationale. Une loi qui est passée comme lettre à la poste pendant qu’une frange de l’opposition tentait de freiner sa trajectoire vers la « boite aux lettres » mécanique de Bennoo Bokk Yaakar (BBY). Pourtant, malgré la levée de boucliers qui l’a accueillie, cette loi sur le parrainage est un mal nécessaire. Car, en dehors de toute volonté machiavélique d’écarter de potentiels sérieux candidats de la présidentielle 2019, elle va contribuer à assainir l’espace politique sénégalais à bien des égards. Une scène politique donnant une impression de végétation infestée de candidats fantômes et virtuels à l’image d’insectes, mange-mil, criquets et sauterelles qui s’adaptent à la diversité des régimes politiquement alimentaires ou des coalitions de rente viagère. Et dès que sonne l’ouverture du corps électoral en vue d’une présidentielle, surtout, des candidats-charançons de l’arrière-saison reprennent du service en multipliant les voyages d’affaires et audiences de racket à l’échelle internationale.

En effet, nombreux sont des chefs d’etat voisins, riches et discrets mécènes politiques, souverains arabes, bailleurs internationaux, grands investisseurs qui y vont de leurs contributions aux campagnes électorales de ces candidats fantômes. a la clé, de drôles d’ordres de missions du genre : « Monsieur le Président, je suis candidat à la présidentielle de mon pays. Billahi… je suis l’espoir de tout un peuple ! D’ailleurs ces journaux sénégalais que j’ai avec moi attestent cela (et nos candidats de produire des exemplaires ou coupures de journaux à l’appui de leurs dires). Face aux sollicitations populaires, je suis obligé de répondre positivement à l’appel de la patrie et faire dont de ma personne à mon pays. Je me vois donc contraint de battre campagne et solliciter les suffrages que les Sénégalais sont prêts à m’accorder pourvu que je sois candidat… hélas, vous n’ignorez pas que dans nos pays, une campagne électorale demande beaucoup de moyens financiers. D’où la démarche que j’entreprends auprès de vous… tout en vous assurant que tout geste que vous ferez à mon endroit ne sera pas oublié ! Comme vous le savez, mon pays regorge d’opportunités… »

D’autres sérials-racketteurs procèdent par des quêtes voilées du genre « Vous savez, excellence, en matière de campagne électorale, on ne peut que compter financièrement sur des amis et partenaires comme vous ! Ndeysan, et madame la Première dame ? Vous avez une grande dame vraiment généreuse, n’oubliez surtout pas de lui dire que je sollicite ses prières ! Nianu djiguène lou bakhlaa ! ». Tels sont quelques modus operandi de certains « leaders » politiques « frappeurs de marteaux » à la veille de chaque campagne électorale d’élection présidentielle pour collecter des fonds occultes ou illicites sur le dos des Sénégalais. Les plus rusés d’entre eux, une fois assis sur un solide matelas financier, et sachant qu’ils n’ont aucune chance de gagner, voire d’avoir ne serait-ce qu’un pour cent de l’électorat, se désistent la veille du dépôt des candidatures ou alors cherchent par tous les moyens à se faire recaler.

D’autres, plus fins, une fois les fonds rassemblés et sécurisés, battent « champagne » avec les membres de leur famille à moindre frais. Les apparences sont sauves vis-à-vis des généreux donateurs et le tour est joué ! D’autres encore, après avoir fait mousser leur candidature et rassemblé quelques foules moyennant finances, annoncent subitement, avant ou pendant la campagne, se désistent au profit d’un candidat ayant des chances de gagner. Contre remboursement des frais déjà engagés majorés d’un dédommagement substantiel, bien sûr !

Les dérives d’une candidature fantôme non parrainée

À ce niveau, on ne peut s’empêcher d’évoquer l’affaire Lamine Diack. Car, il a fallu l’éclatement de cette affaire de corruption russe pour que les Sénégalais connaissent les véritables dessous de la candidature virtuelle de l’ancien patron de l’athlétisme mondial à la présidentielle de 2012. Selon les révélations du journal « Le Monde », en effet, l’ancien président de l’association internationale des Fédérations d’athlétisme (Iaaf) s’enrichissait au nom du peuple sénégalais. Ce en utilisant les coupures de journaux de la presse sénégalaise et les manchettes « Lamine Diack président ! » afin de mieux gagner la confiance de ses bailleurs russes. Sans oublier une partie de la presse sénégalaise qui avait été « intoxiquée » par sa fausse candidature à laquelle les amis, compagnons et sympathisants ont cru jusqu’au dernier jour de dépôt des listes. en effet, personne n’aurait imaginé que les coupures de journaux évoquant une éventuelle candidature de Lamine Diack en 2012 allaient servir d’arguments pour convaincre des bailleurs russes à passer à la caisse. Un véritable fonds de commerce au détriment des Sénégalais !

Malheureusement, l’expatron de l’athlétisme mondial n’était pas seul à se livrer à ce petit jeu puisqu’on nous souffle d’autres personnages politiques (hommes et femmes) véreux qui avaient fait le tour de chefs d’etat et de riches investisseurs pour récolter des fonds de campagne électorale. Ce alors que leur candidature à la présidentielle n’était que du toc ! Ou du tape à l’oeil… Car si vous revisitez les différents journaux de l’avant-présidentielle de 2012, on constate que la candidature du président Lamine Diack avait été prise trop au sérieux au point de faire plusieurs fois la Une de certains journaux. et surtout lorsque Lamine Diack avait rencontré des membres de la société civile d’alors venus le solliciter pour qu’il veuille bien accepter de croiser le fer avec le président Wade. Comme leur choix s’était porté sur lui-même, il s’était dit prêt à porter la candidature de la société civile à condition de disposer du soutien massif des partis d’opposition contre le régime d’Abdoulaye Wade. Pour obtenir ce soutien, Lamine Diack avait rencontré la plupart des leaders de l’opposition parmi lesquels certains manoeuvraient secrètement pour sa candidature. « Si la société civile a le soutien des partis politiques, je suis partant » déclarait Lamine Diack dont les propos avaient été repris par les journaux à travers des articles illustrés de la photo de Lamine Diack sous son meilleur jour. Et cette déclaration considérée comme un « oui » à la course pour l’avenue Roume avait été suivie d’une campagne d’affichage avec des posters, des tracts et graffitis partout sur les murs de Dakar et particulièrement ceux de la Médina et Rebeuss : « Lamine Diack président ! ». Ce n’est qu’après l’affaire de la corruption russe, les Sénégalais se sont rendus compte que le slogan « Lamine Diack président » n’était que de la pure manipulation visant à récolter des fonds d’abord, puis à les justifier par un « press-book » comme support de bonne foi.

Mis en examen pour corruption passive et blanchiment aggravé, Lamine Diack avait expliqué comment il a reçu de l’argent de la part de la fédération russe à des fins politiques. « Il fallait à cette période (Présidentielle 2012) gagner la « bataille de Dakar », c’est-à-dire renverser le pouvoir en place » a ainsi déclaré Lamine Diack devant les enquêteurs français. « J’avais donc besoin de financements pour louer les véhicules, des salles de meetings, pour fabriquer des tracts dans tous les villages et tous les quartiers de la ville (et), c’est (Valentin) Balakhnichev (le président de la fédération russe) qui a organisé tout ça » a déclaré de façon détaillée aux enquêteurs l’ex-futur président du Sénégal. Rappelons- le, à l’époque, de nombreux athlètes russes étaient sous la menace de suspensions pour dopage. De plus, l’Iaaf était au même moment en négociation pour ses droits de sponsoring, avec notamment deux entreprises russes, la chaîne de télévision Rtr et la banque publique Vtb. Pour eux, il « fallait reporter la suspension (…) après les championnats du monde de 2013 (organisés à Moscou, Ndrl) (…) Si des athlètes avaient été suspendus, c’était la catastrophe » a expliqué Lamine Diack avant d’ajouter avoir sollicité l’aide de Balakhnichev pour sa campagne. « Je lui ai dit que pour gagner les élections (Ndlr, au Sénégal), il me faudrait environ 1,5 million d’euros. (…) Il m’a dit : « On va essayer de les trouver, il n’y a pas de problème… » a reconnu Lamine Diack face au juge Van Ruymbeke, chargé de l’instruction, selon les procès-verbaux que Le Monde s’est procurés.

Vu sous cet angle, qui osera dire que la loi sur le parrainage n’est pas un mal nécessaire pour assainir l’espace politique de ses hommes et femmes truands qui n’attendent que la présidentielle pour s’enrichir sur le dos du peuple sénégalais ? Si c’est dans ce cadre que le président Macky Sall a fait voter cette loi, nous sommes preneurs ! Mais malheureusement, certains observateurs sont convaincus que derrière cette loi sur le parrainage se cacherait une volonté d’écarter des adversaires politiques pour se faire réélire dans un large boulevard. Le hic !

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