L’amateurisme de cet apprenti président nous coûte vraiment cher. Du populisme endémique, des décisions prises à la hâte et sans étude préalable (nous attendons toujours que l’enseignement de la philosophie soit élargi aux classes de Première et l’année scolaire tire à sa fin), de la générosité hypocrite et, par conséquent sélective… Macky Sall, président de la redondance, des effets d’annonce et de l’onanisme politique, avait promis la baisse du loyer aux locataires, mais le bonheur induit par cette trouvaille n’a duré que le temps d’une rose. La déception des locataires se conjugue désormais à l’angoisse liée à la précarité des contrats de location. En prétendant sauver les locataires des griffes des courtiers et autres agents immobiliers, Macky Sall les a tout bonnement transformés en proies fragiles et sans défense. Sur l’autel de la politique-spectacle, des milliers de familles ont été sacrifiées et offertes en offrande à des bailleurs rapaces, parfois sans scrupule et sans pitié.
Un gouvernement sérieux peut-il se permettre de voter une loi pareille, de la promulguer, sans jamais entreprendre la plus petite étude sur son application et son effectivité ? En amont, une étude sérieuse de son applicabilité aurait permis d’encadrer la loi par des mesures ponctuelles pour éviter son contournement. Les prix de la location ont flambé sans que cela n’émeuve personne. Les organisations des consommateurs peinent à se faire entendre à cause de leur proximité suspecte avec le régime ; et la presse a majoritairement choisi le camp du journalisme «participation-responsable» pour parodier un certain syndicalisme sous le régime socialiste. Les locataires souffrent dans l’anonymat et le simple fait de l’existence d’une loi sur la baisse du loyer étouffe et noie leurs voix. C’est de cette façon que la tyrannie opère en démocratie : la critique, l’opposition et la clairvoyance du citoyen sont prises en otage par un système de mensonges et de manipulations.
Dans ce pays où il est plus facile à un petit politicien d’avoir une maison qu’au travailleur de la hiérarchie A1, lutter contre la spéculation dans le domaine de la location est une nécessité. Ce n’est pas acceptable que des travailleurs qui rendent des services éminents à la communauté, soient spoliés dans leur salaire par une économie de la location débridée et sans aucun contrôle. Des rapaces paresseux exploitent des laborieux en revendiquant le statut de courtier sans jamais payer des impôts à l’Etat. Comment peut-on abandonner ses citoyens à des prédateurs de ce genre ? Aucune réglementation dans le domaine du courtage : chacun est comme un roi tyrannique dans sa cour. C’est à se demander si les agences immobilières régulières (qui normalement s’acquittent de leurs impôts) ont encore un sens dans notre pays ! Des oisifs incontrôlés ont investi le secteur et font subir des exactions de toute sorte aux pauvres locataires
L’ignorance étant la mère de toutes les infortunes, les locataires sont expulsés de maison en maison par des contrats de location scélérats. Chaque fois qu’un bailleur ou un courtier veut augmenter le prix de la location, il trouve un prétexte pour récupérer la maison, et ça l’Etat le sait. L’Etat sait parfaitement que la loi qu’il a fait voter n’est pas respectée, mais à cause de son populisme incurable, il fait preuve de faiblesse. Il fait semblant d’avoir réglé un problème alors qu’en réalité, il en a créé plusieurs.
La solution, ce n’est pas une loi, c’est plutôt que le ciment du Sénégal serve les Sénégalais d’abord. Le prix du ciment est anormalement cher dans ce pays qui en produit pourtant beaucoup. On nous avait produit une baisse substantielle du ciment avec l’arrivée de nouvelles cimenteries, mais il n’en a été rien. Dangoté voulait effectivement faire baisser le prix du ciment, mais personne ne sait ce qui l’en a empêché. On a libéralisé (démultiplié les producteurs de ciment), mais les Sénégalais dont le phosphate est exploité par ces producteurs, n’ont pas senti un impact réel de cette richesse sur leur accès au logement. C’est quand même surréaliste ! Le prix du ciment est un levier sur lequel le gouvernement pouvait appuyer pour permettre aux Sénégalais de construire, mais il n’a rien fait. Il a préféré faire du bricolage et mettre en péril les rapports déjà précaires entre bailleurs et locataires.
La solution, c’est que l’intérieur du pays soit développé par une véritable politique d’urbanisation et qu’il y ait de véritables pôles économiques dans les régions. Désengorger Dakar par une nouvelle ville à Diamniadio, c’est une aberration : tous ces milliards et ces édifices auraient au moins permis de modifier le visage désolé de certaines villes comme Kaolack, Diourbel, Kolda Fatick, Bambey, etc. Les locataires souffrent énormément et parfois, c’est leur dignité qui est bafouée sans que leurs cris de détresse soient audibles. En ce mois de ramadan, ce ne serait pas inutile de poser encore le débat sur l’effectivité de la baisse des loyers et, de manière plus générale, sur la question de l’habitat au Sénégal. Les Sénégalais souffrent abondamment !
Alassane K. KITANE
Professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès
Président du Mouvement citoyen LABEL-Sénégal.
Locataire et bailleurs : La loi de la jungle ? (Par Alassane K. KITANE) | .