« Si nous voulons donner un contenu historique à ce que nous disons ou faisons, chérissons la vérité ; défendons la vérité. Prêt pour la Révolution ! » Sékou TOURE
Au Sénégal, deux groupes d’hommes tiennent le pays en otage par une entente tacite depuis l’accession à l’indépendance. Il s’agit de la caste politique et de la caste religieuse. La première domine le peuple économiquement et la seconde mystifie et maintient le peuple dans l’ignorance. Les deux se partagent les dividendes dans une totale impunité et de manière éhontée.
« La langue et les dents sont appelées à cohabiter éternellement et parfois se querellent » nous enseignait Seydou BADIAN dans son « sous l’orage ». Ainsi, il arrive que les deux alliés de fortune croisent le fer pour la lutte de territoire, le combat de pouvoir. Chaque entité doit rester exclusivement dans son domaine de prédilection sous peine d’être discréditée voire immolée par l’autre et ce, de manière impitoyable.
Le « mara » de la politique sénégalaise a soulevé cette semaine un débat dont l’objectif fut de provoquer la réunion des deux protagonistes autour d’une table afin d’arrêter le massacre contre le peuple palestinien.
A partir de cette volonté une stratégie est peaufinée pour arriver à la fin. Aussi mauvaise soit cette stratégie, doit-elle être tenue au détriment du but poursuivi ?
En tout cas, certains politiques « mara » ont donné du tort au « mara » de la politique en l’accusant d’avoir des abouchements lubriques avec des lobbies maçonniques à tort ou à raison.
En tout cas, ils ont porté un débat national et international sur la personne et ses propos. Certains l’ont même apostasié contre toutes les règles de l’Islam, car dans notre religion, il n’y a pas de clergé qui peut faire office de délégué de Dieu et décider à sa place. Malheureusement c’est ce qui commence à apparaître au Sénégal ; un véritable processus de christianisation de l’Islam.
Le parti REWMI doit porter ce débat jusqu’au bout, il y va du salut national et du recouvrement de la dépossession subie par les sénégalais : dépossession de leur parole, de leur liberté au nom d’une croyance qu’on n’hésite pas à utiliser pour ses intérêts personnels.
Au-delà de ce rideau de fumée étendu par le controversé dirigeant de Walf, est-ce que la question soulevée par le Président de Rewmi est pertinente en dépit de son « erreur de communication » ? Je dis bien erreur de communication car son « Dieu ne parle de Makka mais de Bakka » il fallait juste qu’il ajoute « à propos du pèlerinage » pour que ses contempteurs puissent pas lui reprocher que le coran mentionne le nom de la Mecque à plusieurs endroits.
Une fois ce correctif opéré, le vrai débat doit être posé sur le plan religieux (I) et sur le plan politique (II).
I. Sur le plan religieux
Cette contradiction est nécessaire au Sénégal pour rompre avec la dictature du clan maraboutique qui s’arroge le monopole de la connaissance religieuse au point de prendre en otage tout le Sénégal et pire, de diviser le peuple qui est au bord de l’implosion. Contre tout unilatéralisme, le coran ne dit-il pas « et si ton Seigneur avait voulu, Il aurait fait des gens une seule communauté. Or, ils ne cessent d’être en désaccord entre eux sauf ceux à qui ton Seigneur a accordé miséricorde. C’est pour cela qu’il les a créés.
Même si Idy avait tort – ce qui n’est pas le cas et on y reviendra – la volonté de concilier l’absout (A). Par ailleurs, il y a une multitude d’entendement du sens de bakka (B) même chez les spécialistes. Ce qui corrobore le président de Rewmi nonobstant le lynchage médiatique.
A. La volonté de concilier des belliqueux en conflit
Le prophète (SAW) dit que Dieu m’a ordonné de lutter contre les humains jusqu’à ce qu’ils expriment la profession de foi et à partir de là, ils ont protégé leur personne, leur sang, et leur avoir. Celui qui est véridique, l’est auprès de son seigneur et vice versa. Comment se fait-il que des gens comme Sidy Lamine se permettent d’excommunier un musulman même qui fait « une erreur » ?
En plus, le meilleur des hommes a dit que le mensonge est permis, entre autres, quand on veut réconcilier deux êtres en conflit, en tant de guerre. Ici, la Palestine et l’Israël en guerre depuis des lustres dans l’indifférence du pouvoir sénégalais qui devaient pourtant jouer un rôle important. Tenter de les réconcilier, même par le mensonge aussi grave que les propos prêtés à Idrissa Seck, n’est point un péché. Au contraire, c’est un bienfait auprès de Dieu de vouloir sauver un musulman même par des moyens peu orthodoxes.
En outre, le livre saint nous dit : « ceux qui pratiquent la piété, lorsqu’une suggestion du Diable les touche, se rappelle et les voilà devenus clairvoyants ». N’est-ce pas ce qui caractérise l’attitude de Idrissa Seck. Dès le lendemain des contradictions que lui ont opposé ses deux contempteurs, il est amené à résipiscence et a demandé pardon à Dieu et à l’ensemble de musulmans du Sénégal et d’ailleurs. Quelle prétention pour ceux qui se mettent à la place de Dieu pour décider la repentance acceptée ou non !
Une fois cette disculpation faite, peut-on avoir une multitude de lecture de « Bakka » ?
B. Une pluralité d’entendement de « Bakka » ?
Il faut d’emblée procéder à une précision : c’est que le pèlerinage musulman, en tant qu’obligation dernière des cinq piliers, ne peut se faire qu’à la Mecque et je présume fermement que Idrissa SECK le sait et le croit mieux et plus que moi. C’est tout simplement que tu veux amener à discuter de manière intéressante et intéressée, la première impression de ton interlocuteur est importante. Il est sûr que l’exemple de l’Égypte ou du Sénégal serait pris si le conflit se déroulait dans ses contrées. On comprend alors que l’intention sioniste n’est qu’une manœuvre pour mystifier davantage le peuple croyant sénégalais et jouer sur leur foi en plus de leur ignorance pour mieux les endormir.
« Bakka » certes est un des noms de la Mecque (Makka). Mais cela exclut-il un autre entendement ? La réponse est certes négative et pour la démontrer, je vais évoquer des auteurs reconnus quasi unanimement par les musulmans sur le plan international et national.
Sur le plan international, IBN KATHIR, dans son exégèse nous renseigne que Bakka est un des noms de Makka. On l’appelle ainsi parce que « c’est le lieu qui lénifie la vigueur des orgueilleux ». J’ai essayé de trouver la racine de ce mot qui peut être dérivé du verbe pleurer en arabe. La position de IBN KATHIR serait « Makka est appelé Bakka parce que c’est le lieu qui fait pleurer ceux qui s’enflent d’orgueil quand ils se rendent compte qu’ils ne sont pas si différents des autres nonobstant leur position sociale ou économique ».
Plus près de nous au Sénégal, l’exégèse de Cheikh Ibrahim NIASS nous dit que « Bakka est langagièrement un nom de « Makka » ou bien « Bakka est spécifiquement la place de la KA’BA » pour faire la différence la maison de la cité. Dakar est le palais de République mais le contraire n’est pas forcément vrai. « Ou bien Makka est la cité et Bakka est le sous-sol de la KA’BA » et il conclut que « cette dernière exégèse est la plus appropriée car la maison est toujours antérieure à la cité ». (Tafsir cheikh al Islam, Tome 1, pp 296 – 297).
C’est dire que les différents jugements sont nés avec l’Islam et Dieu nous incite même à réfléchir sur les versets tant que nos poitrines ne sont pas cadenassées et n’y réfléchissent que ceux qui sont doués d’intelligence. Si idy voulait jouer sur cette pluralité – les « ou bien » le confirment – pour les amener autour de la table de discussion, peut-on lui en tenir rigueur ? Le prophète de l’Islam ne dit-il pas que « l’intention du croyant vaut mieux que son action » ?
Ainsi, on peut conclure sans risque de nous tromper que le soubassement de cet enlisement verbal – M. Sidy Lamine NIASS et M. Bamba Ndiaye sont plus avertis que moi en la matière – est purement politique et qu’il faut mener sur ce terrain.
II. Sur la plan politique :
Il est temps de repenser le hold-up religieux (A) et mener une véritable diplomatie active (B) en vue d’une libération de nos frères palestiniens qui meurent comme des mouches dans ce bourbier.
A. Le hold-up religieux
J’ai toujours compris depuis toujours que Idrissa Seck ne sera jamais Président du Sénégal parce qu’il jongle sur un terrain qui constitue une chasse gardée pour certain et qu’il surveille jalousement : c’est le terrain religieux ou plutôt la voie – ou la voix – du Coran. Sinon il le deviendra par le biais d’une lutte acharnée contre la féodalité et la chefferie religieuse.
Cette chefferie a compris que Idrissa sait le verset qui nous dit « suivez Dieu, suivez son prophète et ceux qui sont élu parmi vous ». Et il a l’intention de l’appliquer. Il est déjà vu à l’œuvre en tant qu’autorité étatique et il déclare explicitement que sa démarche est coranique.
Les religieux les plus conformistes vont persuader la communauté que « les élus dont parlent le Coran » sont spirituels. Ce qui peut être vrai mais en attendant de voir un élu spirituel reconnu par tous, on doit se contenter de l’élu temporel doublé de spiritualité pour mener un Sénégal prospère dans une organisation rationnelle.
Les plus zélés vont essayer de l’abattre purement et simplement. Par la prison, ensuite ils vont saisir des occasions impropres, mesquine pour le discréditer, l’excommunier et le mettre à mal avec le prophète (SAW). Tous leurs arguments consistent à dire : « c’est faux, il est sorti de l’Islam et surtout ce n’est pas son domaine ».
Si réfléchir sur le Coran n’est du domaine d’un musulman, quel doit être le sien ? Traduisez « il doit rester dans le domaine politique et nous celui religieux et on partage le peuple-mouton du Sénégal ». Cela montre leur limite et leur extrême limite pour des raisons crypto personnelles qu’ils essaient de présenter sous le vernis de la religion.
La religion n’appartient à personne, la KA’BA, pareille. Baye NIASS disait, en s’adressant à la jeunesse : « ne soyez pas les fous qu’on manipule à tort et à travers ; car celui que Dieu a fait humain, musulman, qu’il octroie le meilleur livre, le meilleur prophète, tu dois faire en sorte d’être parmi les meilleurs. C’est un privilège divin qu’il ne faut pas bazarder ».
Ce que nous voulons en accédant à la magistrature suprême, c’est restaurer l’ordre, l’unité dialectique entre le spirituel et le temporel afin que les Sénégalais puissent emprunter « la qibla » du développement dans la discipline et le travail. Il est temps d’arrêter cette distraction séculaire.
En parlant d’une seule voie, le Sénégal peut véritablement peser sur la diplomatie.
B. Pour une diplomatie active concernant la Palestine
Depuis le retour des Juifs à « leur terre sainte », c’est un véritable génocide qui se crée à l’encontre des palestiniens. Certes, il y a des pertes de vies humaines et des dégâts matériels des deux côtés, mais la partie la plus spectaculairement touchée c’est la Palestine. Comme on dit au Sénégal, « celui qui ne dispose que d’un bâton ne saurait se battre avec celui qui un coupe-coupe » à moins qu’il veuille se suicider. Une fois le constat fait depuis les années quarante, que faut-il faire ?
C’est là où l’idée de Idy de les persuader de leur parenté dans l’histoire est intéressante. Oui, car la famille est sacrée dans toutes les cultures surtout quand elle doublée et complétée par la religion musulmane qui inclut dans les sept grands péchés la manque de respect aux parents.
Nous avons tous des « domou-baye » qu’on aime pas et pourtant on vit avec parce c’est la décision divine et vaut mieux accepter qu’on ne puisse pas changer.
Le Sénégal, nanti de son statut religieux, de son rôle dans le monde islamique en plus de notre mode de vie qu’on présenter dans « ce rendez-vous du donner et du recevoir » a son mot à dire et une mission à accomplir dans conflit qui a trop durer.
Au lieu de se cantonner dans un attentisme qui caractérise le gouvernement actuel et dans des atermoiements entre l’occident et l’orient qui singularisent les gouvernement précédents – de Senghor à Wade – il est temps de définir une attitude claire qui n’a pour seul objectif de résoudre à jamais la crise palestinienne.
Pour ce faire, essayons cette idée de Idrissa Seck, si elle réussit – Dieu merci ! – ce sera la victoire du Sénégal et de l’Humanité. Si elle ne réussit pas, on aura la reconnaissance d’avoir tenté.
Mais qui pourra résister à l’idée d’accepter son frère ?
En conclusion, Rewmi n’a pas peur des débats aussi houleux et aussi sensibles soient-ils. La contradiction étant l’essence de dynamisation de la vie en société, il nous faut la mener pour sortir notre pays de l’ornière et de l’immobilisme qui le gangrènent à cause des tabous et des censures sans censeurs.
La foi est certes sensible mais elle n’est pas à l’abri de la discussion pour quoi « Dieu nous a créé ». Par ailleurs, celui qui dispose de la vérité ne doit avoir point peur de l’échange car la venue de la vérité rend le mensonge inutile et le dépouille de toute sa beauté.
La contradiction est la voie du salut pour toute communauté, menons là de façon civilisée et posée, seul le Sénégal gagne.
Cheikh NIORO
Juriste en droit public