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La Triste Lettre D’un étudiant à Fallou Sène: « tu Ne Nous Mérites Point ».

La Triste Lettre D’un étudiant à Fallou Sène: « tu Ne Nous Mérites Point ».

– « Je me retiens de dire que tu es mort pour rien. Il ne nous aura fallu que 14 jours, moins de 2 semaines à nous tes camarades pour montrer toutes nos limites, toute notre solidarité feinte et notre engagement simulé dans la vague émotionnelle qui a suivi ton décès.

La carence de nombre de nos leaders, la lâcheté de ceux comme toi qui ne se sont jamais souciés de la suite accordée à ton meurtre. Pardonne-nous la « danse » que se sont permis sur ta tombe les vautours humains à l’affut de leurs intérêts personnels, la duplicité de ceux qui cherchent à assouvir leurs visées dirigeantes au moment où leur traîtrise est la moins sollicitée. Il était question de justice.

De responsabilités sanctionnées au plan moral, gouvernemental et juridique. Nous estimions certaines démissions de l’ordre de l’évidence et pourtant ce préalable si logique se retrouve point d’achoppement. Notre point focal c’était comment engager la longue bataille judiciaire. Le dossier te concernant, uniquement le dossier de ton meurtrier direct d’ailleurs bien identifié est sous le coude du Procureur connu pourtant pour son dynamisme dans certains contextes. Depuis ta mort, « ton propre Ministre, maintenu de lui-même et par son Chef n’a osé se prononcer » et on nous a taxé de politiciens pour avoir osé réclamer son départ.

La politique, on la voit partout, on se cache tout grâce à la partisannerie. Incompétence perpétuelle, faute grave perpétuée de même. On nous a servi que le Ministère avait très tôt décaissé l’argent de ta bourse, comme si depuis 2014 le retard du paiement ne date que de ce dernier mois et qu’ils n’ont jamais pu en être prévenus par nos grèves sporadiques, nos accès de violence provoqués. La même autorité n’a pourtant que trop souvent reçu tes représentants pour un problème qui ne serait pas subitement de son ressort.

Pour être un brin fidèle à pareil raisonnement, si ce n’est pas Jean, Paul Bâ honni au même titre doit donc sauter. Mais, Pire, lui est plébiscité par tous comme indéboulonnable, lui et ses projets plus importants que ta vie à toi considérée par Dieu comme ayant valeur de l’humanité entière.

Ce qui nous prouve que nous avions raison c’est cette posture du Président devenu interlocuteur attitré, obligé de sermonner en aparté ses 2 Ministres tels de vulgaires petits étudiants à un Plateau de Jakarloo pour taire leurs querelles de positionnements. Leur faute ? Nulle pour lui sans doute ou du moins il a osé le soutenir devant nous. Il y a eu aussi l’audit commandité de l’IGE. Les résultats ? Une parodie de constat qui révèle des failles de gestion (graves que sous d’autres cieux) que nous, étudiants incultes et infantilisés à longueur de journée, avons toujours soupçonné.

Ton Président lui-même ne l’ignorait pas car claironnant il y a quelques années avoir réglé autant que l’affaire des bénéficiaires fictifs la question des bourses promises à cette date mais presque jamais vues avant le 05 du Mois sauf, par exemple, lorsqu’elles ont été payées juste avant les Législatives tout comme elles furent payées automatiquement quand ta dépouille gisait à la morgue.

Il y a tellement de choses à dire mais dans toute cette histoire, ma principale déception est sans doute nos camarades étudiants que d’aucuns reconnaitront dans leur entourage, qui eux-mêmes se reconnaitront, pressés d’en finir depuis le début, nous rappelant encore et encore que cette lutte échouera, que ses leaders rompront les rangs et laisseront les étudiants désabusés comme toujours. Ce sont encore eux qui se réjouissent aujourd’hui, forts de leur position de devins ayant prédit pareille issue.

Ils t’auraient tué si tu ressuscitais. Ni expérience malheureuse, ni appréhension pessimiste, ni connaissance prétendue de l’histoire de la lutte estudiantine ne peuvent justifier leur passivité. Ils ont choisi de ne pas agir, de se taire, d’attendre notre échec et le moment où nos dirigeants se rendraient coupables de corruption.

À force de plastronner sur le caractère naturel de ce processus de dépravation, c’est notre état d’esprit général qu’ils n’ont fait que mettre en lumière et notre prédisposition à trahir nos camarades sauf que malheureusement, l’opportunité ne nous en a jamais été donné. Heureusement pour eux, malheureusement pour ceux qui y croient ils n’ont pas été déçus. Pour preuve, la lutte syndicale peut souffrir d’erreurs dont celle monumentale de la CESL avec cette visite informelle point de départ du ballet à la Présidence de la République. Ce moment de faiblesse ne pouvait entamer une conviction forte et véridique et pourtant il a servi de prétexte en or pour une bousculade de véreux aux grilles du Palais. Ils n’attendaient que le bon moment… du dessert. Je ne t’ai encore pas parlé de ton Peuple, de ta société.

Autant je ne parle pas de son implication, autant elle ne s’est jamais intéressée à ton sort ni au nôtre. Notre antre a été comparée à une garderie d’enfants, nos revendications à des complaintes de gamins choyés, prétentieux et mal éduqués L’info-drame qui a frappé ta famille a viré dans les bas-fonds de l’infotainment ponctué par les vidéos gags sur le bas niveau des étudiants et leurs fautes d’orthographe lorsqu’ils plaidaient ta cause.

Pourtant nous avons passé le filtre du Cem2, du BFEM, du Baccalauréat au fil d’années chaotiques, certains parmi nous sont on ne peut plus brillants en Afrique malgré toutes les difficultés, mais au Sénégal la bonne graine se doit de ressembler à l’ivraie pour se faire remarquer. La crise sur absolument tous les plans, pédagogique comme social, qui couve depuis des années au sein de toutes les Universités publiques et dont nos manifestations violentes ne sont que l’émanation a été quasi-royalement ignorée par les Plateaux de Télévision.

Seule le superficiel intéresse, dont la division installée au sein de tes Représentants. D’ailleurs, chaque peuple n’a que les dirigeants qu’il mérite. Rappeler cette parole divine ne relève pas du fatalisme. Dieu ne se trompe pas, en vrai, chaque citoyen ne voit que les fourberies, médiocrités, manque de courage et de patriotisme sectoriel se répéter au plus haut niveau exacerbé par sa propre passivité et son amour de la facilité illustrée par la volonté d’adhérer à des luttes sans sacrifices comme si une Main divine aiderait ceux qui ne s’aident point à mener leur révolution.

Comme toujours au Sénégal, il y a malgré tout, ces dirigeants minoritaires, intègres que je plains, dignes (le manque de principes est sans doute le père de tous les vices) ne mesurant leur action qu’à l’aune de ce qu’en diront leurs mandataires : la BASE. La base, celle-là même à l’intelligence royalement insultée par des étudiants imposteurs de l’UCAD se réjouissant aujourd’hui de rien d’autre qu’une réduction du prix de tickets Restau en sus de selfies tout souriants avec le Président au moment où ta famille est encore en deuil. Ils n’avaient pour point d’orgue de leur plateforme que cette requête devant ceux qui avaient failli l’augmenter avec fort désir à 500 Fcfa dans un passé récent. Finalement on se compare les uns aux autres. « Ucad, ces ignares ». « Ugb ces dignes représentants » sans se rendre compte que nous faisons ainsi le jeu de ceux qui ont toujours craint l’unité pour une cause collective. Individuellement, les 2 grandes Universités les plus attendues dans cette affaire n’ont pas été autant entendues négativement que Bambey, Ziguinchor et Thiès réunis. Une minorité a réussi à casser à grand renforts médiatiques, la solidarité, notre seul arme de combat depuis le début.

Nous étions seuls sans soutien affirmé d’aucune autre catégorie de la population mais il a encore fallu qu’on se sépare par nous-mêmes. La division, l’inaction, l’amnésie caractérisée, le désengagement, les symptômes du Syndrome de 15 millions de sénégalais. Qu’ils nous regardent nous déchirer car nous ne sommes que le reflet de ce qu’ils sont. Je n’ai une pensée que pour toi car nous ne méritions pas que Tu meures pour notre cause ».

Par Moussa Ngom- Étudiant au Cesti

La rédaction

La triste lettre d’un étudiant à Fallou Sène: « Tu ne nous mérites point ». .

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