Dans la prosopopée d’Idrissa Seck, figure de rhétorique dans laquelle il fait parler sa défunte maman, preuve d’humilité, pour répondre à ses pourfendeurs, il fait référence à la sourate 68 : « N’obéis pas à ceux qui crient au mensonge, ils aimeraient bien que tu transiges avec eux afin qu’ils transigent avec toi…V8-9». Des références coraniques, comme d’habitude, pour expliquer la problématique d’une situation. En outre, il révélait dans cette même lettre : « …Le plan devait commencer en Septembre. Informé par ses services, Mara a perturbé leur timing, en leur imposant le débat en Mai pour le vider proprement… ».
Un aveu passé inaperçu mais non sans susciter ma curiosité. Le tollé déclenché par la fausse affaire Bakka-Makka, si c’était comploté, devrait donc avoir des soubassements politiques. Perplexité et interrogations nous conduisirent à quelques investigations feutrées mais perspicaces.
Il faut se souvenir que le Président de la République Mr Macky Sall, s’était engagé lors du Conseil des Ministres décentralisé du 15 Juin 2012 à Kaolack, puis devant le Khalife général des mourides le 22 décembre 2012, à accorder un statut spécial à Touba.Un engagement comme tant d’autres, non tenu et jeté à la poubelle des serments d’ivrogne. Malgré le référendum du 20 mars 2016, où cette promesse fut proprement ignorée. Avec Macky, c’est bien connu maintenant : Demain on rase gratis ! Mais pour Idrissa Seck, ce reniement constitue un véritable affront qu’il va falloir laver. Il avait déjà vertement admonesté le Président Sall en ces termes : « C’est Macky Sall qui à deux reprises s’est formellement engagé…à accorder à Touba un statut spécial…mais il s’est assis dessus…Un Président de la République doit honorer sa parole et ses engagements mais ce qui a été fait est fait, donc il ne faut pas négliger cette question et j’attends qu’il se prononce sur la question mais en tout état de cause la volonté du marabout doit primer sur tout ». Position sans équivoque sur les intentions et prétentions d’Idrissa Seck quant à la problématique de la question du statut spécial de Touba. Celle de Abdoul Aziz Mbacké Majalis, Marabout mouride et brillant exégète de SerigneTouba, traitant ce reniement de grave forfaiture, explique le ressentiment ferme des milieux mourides sur la légèreté irrémissible de Macky.
Les dignitaires religieux qui se sont soulevés contre Idy, ne s’y trompent pas. Ils savent que le candidat IDY 19 prendra en charge cette question du statut spécial de Touba. Cherchent-ils alors à « transiger » avec lui, en le discréditant, que dis-je, en le maudissant ? Ils ne se trompent pas non plus de cible, IDY19 apparaît aujourd’hui, loin de l’outsider qu’il était, comme le grand favori face au sortant Macky. Sa sortie controversée sur Bakka ou Makka que d’aucuns ont considéré comme une bourde ou un dérapage, apparaît de plus en plus comme un stratagème savamment prémédité pour dit-il : « perturber leur timing en leur imposant le débat en Mai pour le vider proprement ». Erreur de com ou opération de com, disions-nous ? Un véritable génie de la com, mieux que Séguéla ! Pourquoi éventrer leur plan avant Septembre ? Faut-il s’attendre à des annonces fracassantes en octobre au moment du Malgal de Touba ?
En bon architecte politique, il faut tenir en considération la « République Sénégalaise » d’Idrissa Seck. C’est au cœur de cette République que pourrait s’inscrire l’imposante question du statut spécial de Touba. La posture d’Idy sur cette question délicate n’est ni populiste ni clientéliste. Sa culture religieuse et politique le prédispose à une hauteur d’esprit éloignée de tout sectarisme et toute injustice : Mara nous livre sa philosophie sur les confréries en empruntant la sagesse de Serigne Cheikh qui,interpellé sur la façon de reconnaître au Sénégal un talibé Mouride d’un talibé Tidjane , Khadre ou Layène, répondit : « celui d’entre eux qui se conforme à la droiture devient les quatre ». Dixit Idy.Le candidat IDY19 devra donc réparer ce « déni de la parole donnée ».
Mais Touba occupant de fait un statut quasi spécial, son officialisation ne saurait se formaliser en laissant en rade les autres foyers religieux. Il ne saurait être question également de susciter des rivalités et frustrations légitimes ou non. La spécificité sénégalaise de la coexistence des confréries religieuses est un gage de stabilité politique et sociale pour le pays. Donc toute démarche communautariste, partisane ou clientéliste est à exclure pour adopter un processus global conférant un statut spécial à tous les foyers religieux, selon des conditions et contours à définir et à établir, vue la complexité et la sensibilité de cette grande affaire. C’est sur cette grande querelle qu’est attendue Mara qui devra concilier les diversités dans l’unité et dans la cohérence de la République Sénégalaise. Je ne doute point qu’il sera au rendez-vous et à l’heure des horloges de nos mollahs à convaincre et à rassurer. Damer le point à Macky le sortant et supplanter la mystification de sa « modernisation des cités religieuses », est à ce prix.