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Dixième Anniversaire Des Assises Nationales : À La Recherche Du Temps Perdu

Dixième Anniversaire Des Assises Nationales : À La Recherche Du Temps Perdu

Curieux fait du hasard ! C’est à la veille du dixième anniversaire des Assises nationales, que le Président de la République a solennellement déclaré que les conclusions de cet important forum n’étaient ni la Thora, ni la Bible, ni le Coran. Pas étonnant qu’après cela, le Comité national de pilotage se soit vu refuser l’accès à un amphithéâtre de l’Ucad, pour la commémoration de ce dixième anniversaire, qui a dû finalement se tenir dans une salle relativement exiguë, au quatrième étage d’une université privée, ne disposant pas encore d’ascenseur.

Il faut néanmoins se féliciter du fait que d’éminentes personnalités de Benno bokk yaakaar aient daigné honorer de leur présence la cérémonie, même s’ils semblaient plus y être pour dédouaner leur mentor des accusations de renoncement, de reniement voire de trahison, qui étaient portées contre lui, que pour autre chose.

Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis le 1er juin 2008, date de lancement des Assises nationales du Sénégal, qui furent initiées au lendemain du boycott des élections législatives de juin 2007 par les principaux partis d’opposition d’alors. Le contexte de l’époque était marqué par de vives polémiques, suite à la réélection contestée de Me Abdoulaye Wade au premier tour de l’élection présidentielle survenue quelques mois plus tôt. Mais la crise politique allait au-delà de ces aspects contentieux post-électoraux et reposait certes, sur des faits objectifs mais également sur les rapports exécrables entre acteurs politiques. Sept ans après une alternance décevante, il y avait, de plus en plus, la prise de conscience que la résolution de la crise multidimensionnelle qui affectait notre pays, devait nécessairement passer par une refondation institutionnelle bien comprise et une émergence citoyenne.

Patriotes vertueux, démocrates sincères, membres de partis politiques progressistes et d’organisations de la Sciété civile ressentaient la nécessité de procéder à une rupture avec les  systèmes politiques et les modes de gouvernance qui avaient existé  depuis 1962, sous Senghor, Abdou Diouf, caractérisés par l’hyper-présidentialisme, la vassalisation du Parlement et l’instrumentalisation de la Justice.

Ces dysfonctionnements institutionnels à l’origine d’une  gouvernance désastreuse et d’une corruption endémique, ont survécu à l’alternance démocratique de 2000, mais surtout à celle de 2012, ce qui est d’autant plus incompréhensible et impardonnable que plusieurs des acteurs des Assises nationales occupent des positions centrales dans le pouvoir de Benno bokk yaakaar.

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Si le précédent régime libéral avait totalement désapprouvé la tenue des Assises nationales, il n’en est pas de même des principaux ténors de Benno bokk yaakaar, qui ont tous signé la Charte de gouvernance démocratique et dont certains ont été parmi les fondateurs de cette remarquable initiative visant l’approfondissement de la démocratie, la refondation institutionnelle et l’émergence citoyenne.

Or, beaucoup de problématiques essentielles des Assises nationales reprises par la Commission nationale de réforme des institutions restent intactes.

La consolidation/institutionnalisation de la démocratie participative se fait encore désirer. L’atmosphère politique est viciée par une gestion calamiteuse du processus électoral, marquée par l’absence de concertation et par la stratégie du fait accompli de la part de ministres de l’Intérieur militants du parti présidentiel. Le mode de scrutin inique privilégiant la composante majoritaire aux élections locales et législatives reste de mise. La nécessité de mise sur pied d’une Autorité de régulation de la démocratie est occultée. La récente loi sur le parrainage a fini d’installer un contentieux pré-électoral annonciateur d’une crise politique inéluctable au lendemain des élections.

Sur le plan des libertés, de graves régressions sont notées, avec l’interdiction tous azimuts de marches politiques et citoyennes ainsi que l’embastillement d’adversaires politiques comme conséquences de l’instrumentalisation de la Justice. Il y a aussi la persistance de longues détentions préventives arbitraires et le refus d’appliquer une recommandation, maintes fois rappelée par la Cnri, d’instituer un Juge des libertés.

Le pouvoir judiciaire est plus que jamais sous la coupe de l’Exécutif, comme l’a d’ailleurs confirmé l’Union des magistrats du Sénégal, qui compte se battre pour conquérir l’indépendance de la Justice. La réforme de la Justice, à travers un projet de loi organique portant Statut de la magistrature et celui sur le Conseil supérieur de la magistrature, a fait l’objet de vives contestations de la part des jeunes magistrats.

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Le Parlement est resté la caisse de résonnance qu’il n’a jamais cessé d’être. L’adoption de la loi sur le parrainage sans débat, en avril dernier, en est la dernière illustration. Pire, le règlement intérieur a fait l’objet de tripatouillages pour empêcher toute expression plurielle au sein de l’Hémicycle.

Quant à la présidence de la République censée représenter la clé de voûte des Institutions, elle est dévalorisée, étant devenue le terrain de jeu des étudiants et autres transhumants. Elle ne doit ce qui reste de son autorité, qu’à son pouvoir de nomination aux fonctions civiles et militaires, à ses redoutables corps de contrôle et à ses fonds spéciaux considérables. De plus, elle semble constituer la plaque tournante des innombrables complots dirigés contre les hommes politiques aussi bien du pouvoir que de l’opposition. C’est également le repaire de conseillers machiavéliques en tous genres. C’est justement, l’un d’entre eux, récemment promu ministre, qui amènera le Président à se dédire sur la réduction de son mandat et à rejeter le projet de Constitution de la Cnri en prétextant de la solidité de «l’assise démocratique de notre système politique» au niveau duquel, il se refuse de provoquer une rupture normative, se contentant de préconiser quelques «changements consensuels appropriés».

Ces quelques exemples, loin d’être exhaustifs, montrent bien que la Charte des Assises nationales est loin d’avoir été la boussole de Benno bokk yaakaar durant cet interminable mandat, qui heureusement tire à sa fin.

Regroupant plusieurs parties prenantes issues d’horizons divers, les Assises nationales et, à sa suite, la Cnri, ont réussi à trouver des consensus forts résultant d’un processus participatif pour sortir notre pays de la crise structurelle dans laquelle il végète, depuis son accession à la souveraineté internationale.

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L’application de ces judicieuses conclusions et recommandations va, par la faute de nos gouvernants actuels, être différée d’au moins 7 ans.

Il faut cependant reconnaître que les militants de la refondation institutionnelle et de l’émergence citoyenne portent eux aussi une part de responsabilité, en ce qu’ils rechignent à appliquer les préceptes qu’ils prônent dans les espaces politiques qu’ils contrôlent (collectivités locales). S’ils veulent une réelle prise en compte de leurs propositions par l’Etat central, ils devront se montrer un peu plus offensifs, en n’hésitant pas à jouer le rôle de sentinelle vigilante, par rapport à toutes les problématiques citoyennes, institutionnelles, sociales et culturelles.

La création d’un institut pourra également y contribuer, en évitant de sacraliser ou d’idolâtrer les Assises nationales.

En perspective des prochaines joutes électorales, il est clair que le candidat de Benno bokk yaakaar, devenu de fait un obstacle dans la mise en œuvre des principes de la refondation institutionnelle, s’est lui-même disqualifié pour bénéficier d’un soutien des Assises nationales, que ce soit au premier ou au deuxième tour.

Nioxor TINE

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