La démission est considérée comme » un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de manière claire et univoque sa volonté de mettre fin à son contrat de travail ».
A l’échelle de notre République, il n’est pas très courant de voir un tel acte posé par nos concitoyens, qu’ils soient simples fonctionnaires, directeurs généraux ou ministres, même si leurs responsabilités se trouvent engagés dans des scandales qui entament la crédibilité de nos institutions.
Ce qui fait dire à certains que la démission n’est pas inscrite dans les traditions de notre pays où on est très loin de la très forte tradition républicaine en Grande Bretagne où un ministre avait démissionné « avec effet immédiat » récemment se sentant coupable d’avoir manqué à ses obligations pour avoir accusé, tenez-vous bien, une minute de retard à une séance d’explication avec les parlementaires à qui il pense, pour ce retard, avoir manqué de respect et de courtoisie.
Toutefois, on a enregistré quelques démissions de ministres du gouvernement du Sénégal.
Le ministre Mamadou SECK, nommé ministre de l’Economie et des Finances sous le régime du Président Abdoulaye Wade, avait par la suite démissionné du fait d’accusations de détournement de deniers publics lors de son passage à la SOMICOVA. Les enquêtes menées par la suite l’ont blanchi et il fut réhabilité.
Toujours sous le magistère du Président Abdoulaye Wade, le ministre Moustapha Guirassy, pour des problèmes de principe, avait démissionné avant d’être reconduit dans ses fonctions.
Sous l’ère du Président Macky SALL, des démissions ont été également enregistrées:
– D’abord celle du ministre El Hadji Malick Gackou qui, après quelques mois passés dans le gouvernement du Premier ministre Abdoul Mbaye avait démissionné pour convenances personnelles et suite à un différend qui l’avait opposé au Premier ministre. Sa démission fut présentée non au Premier ministre Abdoul Mbaye mais au Président Macky Sall lui-même. – Ensuite le ministre Youssou Touré qui, au soir du 01er mars 2016, avait estimé n’avoir pas bénéficié de l’estime et de la considération du Président et avait, ab irato, craché sur son poste de Secrétaire à l’Alphabétisation et à la Promotion des Langues nationales.
Le branle bas de la première dame et de l’ancien président du groupe parlementaire de la majorité de l’époque le convainquit pour qu’il revienne sur sa décision.
Après son éviction du gouvernement le 07 septembre 2017, il démissionna de son poste de Président du Réseau des Enseignants de l’APR le 08 mai, après avoir perdu tous les privilèges que lui conférait son statut de ministre;
– Après celle controversée de Thierno Alassane Sall, ministre de l’Energie et des mines qui avoue avoir démissionné parce que ne voulant pas signer le contrat avec Total qui compromettait les intérêts de notre pays par rapport à d’autres contrats beaucoup mieux disants alors que le Premier ministre lui affirme que Thierno Alassane SALL a été limogé » pas pour des questions de valeurs mais de performances ».
En tout état de cause les contre performances alléguées par le Premier ministre surprennent plus d’un quand elles concernent un ministre réputé être l’un des meilleurs de l’attelage gouvernemental de l’époque.
Qui plus est, elles ne concernent que l’affaire Total où si on se réfère à l’argumentaire même du Premier Ministre, le ministre Thierno Alassane SALL ne voulait résolument pas signer le contrat en demandant encore un délai de quinze jours et de soumettre le dossier en question à un autre ministre pour observation;
– Enfin la récente démission du ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang continue de soulever encore une vague d’interrogations après qu’il a été cité sur une affaire de détournement dans la gestion du PRODAC.
En effet, un rapport de l’inspection générale des finances avait fini de mettre le doigt sur une mauvaise gestion du PRODAC avec des investissements tournant autour de vingt-neuf milliards dont les bénéficiaires tardent encore à voir les effets.
Cette démission n’était-elle pas un simple effet d’annonce?
Que cherchait Mame Mbaye Niang en présentant sa démission?
Y’a t-il eu des éléments nouveaux dans ce dossier pour qu’il puisse reconsidérer sa position?
N’avait-il pas exigé un audit « indépendant » de l’OFNAC, de l’IGE ou de la Cour des Comptes avant de réintégrer le gouvernement?
Toujours est-il que Mame Mbaye Niang demeure toujours le ministre du Tourisme dans le gouvernement du Sénégal malgré le rapport accablant sur la gestion du PRODAC dont il était le ministre de tutelle.
En tout cas la République en a subi un sacré coup avec l’affront fait au Premier des ministres qui, malgré son déplacement chez le ministre Mame Mbaye Niang, avec tout son protocole, ce qui semble défier tout protocole et fouler aux pieds la préséance républicaine, n’est pas parvenu à infléchir sa position.
Rentré du Canada, après le sommet du G7, le Président lui a accordé dans la même soirée une audience de quatre tours d’horloge, semble-t-il, pour essayer d’arrondir les angles.
Last but no least, le rapport de l’IGF s’est retrouvé, comme par enchantement, dans les réseaux sociaux, accréditant la thèse du complot contre le mis en cause ourdi par des bras armés du Ministre de l’Economie et des Finances.
Tous ces éléments conjugués ne militent pas en faveur de la sacralité de la République qui doit transcender toutes les contingences et qui, face à toutes ces spéculations qui sont loin de lui être favorables, suite aux affaires de Karim Wade et Khalifa Sall, doit faire preuve de moins de parti pris, saisir cette opportunité pour invalider la thèse du « kumba am ndéy ak kumba amul ndéy » et écarter les forts soupçons du PRODAC assimilable pour certains à une bourse pour financer une force politique comme l’ APR ou la coalition Benno Bokk Yaakaar aux dernières élections législatives.
Sa démission-reconduction, la place prépondérante qu’il occupe au sein de l’APR, sa proximité avérée avec la première dame, sa loyauté envers le Président Macky Sall sont autant d’atouts qui nous douter de sanctions à son endroit.
A moins que, pour une première fois, le procureur de la République prenne son courage à deux mains et s’autosaisisse de cette affaire qui, par l’ampleur qu’elle suscite et le traitement qui en sera fait pourrait peser sur la balance électorale à huit mois de la présidentielle.
Dieu est grand mais Mame
El Hadji Abdou Wade dit Mara.