Qu’est ce qui définit un pays pauvre?
En fonction du PIB (Produit Intérieur Brut). J’éviterai de rentrer dans les détails techniques, mais pour faire simple, il désigne simplement la totalité de ce qu’un pays a produit durant un certain temps (1 an en général). Exemple : ce qu’ont produit les entreprises, communément appelé aussi création de richesse.
La question : est-ce réellement juste et pertinent pour nous autres Sénégalais, africains en général ?
Chez-nous, des « mères » se lèvent fièrement de bonne heure et parcourent des kilomètres pour vendre du poisson en porte à porte. Est-ce pris en compte?
Nous avons des familles d’agriculteurs qui se nourrissent de la production de leurs propres champs et revendent le surplus. Là encore en a-t-on tenu compte dans le calcul de notre PIB ?
Les femmes de ménages (domestiques) produisent bel et bien un service. Est-ce pris en compte?
Le vendeur de café touba ? De « beignets Douguoup » (beignet à base de mil)? De kourouss (chapelet)? On pourrait en citer des centaines.
Pourquoi le PIB devrait définir notre niveau de richesse? Quelle est sa pertinence lorsqu’on sait que les réalités culturelles des pays qui composent notre planète sont très différentes les unes des autres, voire même contradictoires ?
La richesse est un paramètre tout bonnement relatif.
Elle devrait être mesurée relativement en fonction de la personne qui la détient. Ses besoins, ses croyances, son état d’esprit, ses réalités personnelles. Je m’explique.
Mon niveau de salaire ne définit pas forcément mon niveau de richesse. J’ai des revenus de 100.000 Francs par mois (que j’ai produit pour mon foyer), mais j’en dépense 50.000. Mon voisin gagne 700.000 Francs par mois, mais a besoin de 850.000 pour vivre. Selon le PIB, ce dernier est plus riche. Est-ce sensé ? Dans tous les cas c’est très discutable.
Qui accepterait d’être considéré comme pauvre? A partir de la seconde où ce statut est accepté, les individus perdent toute aptitude à agir. Il dessine un cadre et neutralise la majeure partie des initiatives éventuelles.
Le PIB est paradoxal.
Saviez-vous que le Sénégal est la 4eme économie la plus stable d’Afrique selon l’agence de notation Standard and poor’s? Ce, derrière l’Afrique du Sud, le Maroc et la Namibie.
Etes-vous également au courant que le Nigeria devrait passer 9e économie mondiale en 2050 devant l’Allemagne, l’Angleterre et la France?
Autre exemple: le Rwanda qui connait une avancée fulgurante tant sur le plan économique que de ses infrastructures, est classé dans le top 25 des pays les plus pauvres au monde? Plus exactement 17e tout juste devant le Tadjikistan.
Oui, il faut reconnaître que la misère existe chez nous. Nous avons des endroits sales. On n’en disconvient pas. Comme partout d’ailleurs. Il y a de la misère aux Etats Unis. Il y a des parisiens SDF. Il y a aussi des gens qui ne mangent pas à leur faim à Tokyo. Il y a des analphabètes au Brésil. L’Inde est un pays submergé par ses déchets et pourtant ils sont 7e au classement mondial des pays les plus riches.
On ne prête qu’au riche. Cet adage est aussi populaire que notre Tiebbou Dieune national (riz au poisson). Comment concevez-vous alors que les pays soit-disant riches continuent de nous prêter de l’argent ? La réponse est dans la question.
Par ces passages qui précèdent, je tente simplement de démontrer que le statut de pays pauvre que nous nous attribuons n’est pas du tout justifié en mon sens. Nous avons été formatés et conditionnés à voir l’avenir sous cet angle. Or, la richesse c’est de l’actif ! C’est tout ce que nous possédons.
Nous ne sommes pas pauvres !
Au Sénégal, nous avons de l’or, du zircon, du pétrole, du gaz, du cuivre, du zinc, du fer, de l’uranium, du sel, du soleil, de la pluie, des terres supra-fertiles, de l’intelligence, du savoir,…
La richesse c’est aussi les valeurs : le diom, le kersa, le tegguine, la teranga, le respect et yeurmeundé envers nos ainés, …
Nous ne sommes pas pauvres. Nous sommes désunis.
J’ai vu des Sénégalais verser des larmes de déception lorsque le Sénégal a battu la France à la coupe du monde en 2002 : ils supportaient la France!!!
Un proche vivant à l’étranger, a récemment perdu son job à cause d’un de ses collègues sénégalais qui a tout fait pour le mettre en mal avec leur boss, par simple jalousie.
Récemment, le monde a salué l’initiative des supporters sénégalais qui nettoyaient les tribunes du stade après la magnifique victoire du Sénégal contre la Pologne. Hélas, certains (sénégalais bien évidemment) y ont vu de la fumisterie : « vous ne faites pas ça chez vous pourquoi le faire ailleurs ». Quelles que soient les raisons, l’acte est à applaudir. Notre réaction devrait être de rebondir sur cet élan afin que cela puisse être perpétué dans nos propres stades, nos marchés, dans tous nos lieux publics.
Le 20 juin 2018, « des manifestants tués en Gambie, l’effet de voisinage avec le Sénégal », titrait une presse de la toile. Dire que le diable se nomme « Sénégal ». C’est irresponsable ! Vouloir s’opposer à la politique d’un seul homme ne devrait pas pousser à salir son propre peuple.
Nous ne sommes pas pauvres. Nous n’avons juste pas foi en nos capacités.
Les élans de changement ou de rupture sont systématiquement étouffés à toutes les échelles.
Si tu as l’audace d’avoir des initiatives, on te dira que « dou marcher, boul sonnou » (Ne te fatigues pas. Cela ne marchera pas).
Si tu as le malheur d’avoir soif de réussite, de vouloir te battre, on te collera l’étiquette que « da ngua beugg khaaliss » (tu aimes trop l’argent), ou que « gueumo yallah » (tu n’as pas foi en dieu), « da ngua tiite ».
Comment voulez-vous que ça fonctionne?
Comment allons-nous évoluer avec des expressions négatives dans le genre « Sénégal dou dem » (Le Sénégal n’avancera pas) ? Nos enfants sont presque condamnés (par nous même) au formatage psychologique que nous n’y arriverons jamais. C’est faux!
Je pense sincèrement que s’il y a une seule chose à laquelle notre futur Président (ou actuel) devrait s’atteler, c’est de re-booster la fierté Sénégalaise.
Nous devons être fiers d’être Sénégalais. De tout temps. Quelle que soit la situation et non juste lorsque notre équipe de football gagne un match.
Une nation n’a jamais réussi grâce à un seul homme ou un bloc d’individus. Celui ou celle qui nous promettra le contraire nous ment.
J’en appelle donc aux artistes, aux footballers, à la diaspora, … ceux qui ont des moyens intellectuels et financiers. Si vous voulez vraiment être utiles, de grace, arrêtez vos distributions de rations alimentaires. Ce sont des actions louables, mais totalement contre-productives : une fois que ces dons seront consommés, les bénéficiaires retourneront à leurs situations initiales.
Pour aider un proche ou un compatriote, offrez-lui la chance de s’en sortir seul ! Comment? Certainement pas en lui faisant un don. Un prêt pourrait être plus intéressant. Avec un taux à 0% donc sans intérêt, étalé sur 5, 10 voire 15 ans si vous voulez. Eventuellement avec un différé de remboursement sur une voire plusieurs années. C’est ainsi qu’il se responsabilisera et se sentira digne. Par là même, vous créez de l’emploi, vous participez à la progression de la situation économique de son foyer et du pays en entier.
Je finirai cette réflexion sur cette citation de Maya ANGELOU: « le succès c’est vous aimer vous même, c’est aimer ce que vous faites et c’est aimer comment vous le faites. »
Alioune SECK
citoyen sénégalais et fier.