Les lampions viennent de s’éteindre et les rideaux tirés sur la troisième édition de la Conférence nationale sur le développement durable dont le thème porte sur l’exploitation durable et saine de nos ressources pétrolières et gazières. A la clôture des travaux, M. le Premier ministre a réaffirmé la volonté irréversible de l’Etat «d’assurer une gestion transparente des ressources issues des industries extractives au mieux des intérêts de la Nation et au bénéfice exclusif de notre Peuple». Il poursuivit en soulignant que l’exploitation de ces ressources pouvait «générer aussi des externalités négatives telles que la perte de la biodiversité, due au possible déversement et aux fuites au niveau des points de forage, la pollution de l’air entre autres». Et qu’il nous fallait «bien prendre conscience de ces risques et développer ensemble des mécanismes de mitigation appropriés afin de mieux protéger l’environnement marin et les populations».
Incontestablement, les champs pétrolifères ou gaziers, qu’ils soient onshore (sur terre) ou offshore (en mer), impactent négativement leurs environnements et influent ainsi sur la qualité de vie des populations voisines. Cela peut s’agir de pollutions environnementales qui agressent la biodiversité avec ses implications sanitaires désastreuses sur la faune et la flore, mais aussi d’effets néfastes sur les activités économiques comme l’élevage, l’agriculture ou la pêche (émission de gaz à effet de serre, pollution marine, etc.).
Notre Code pétrolier comporte des dispositions sur la protection de l’environnement, renforcées par les pratiques internationales en vigueur en la matière et qui sont intégrées dans les plans de développement des découvertes. A toutes les étapes d’un projet pétrolier (exploration, développement, exploitation, fermeture et abandon), des études d’impacts sur l’environnement sont exigées avant toute opération par notre loi (article 17, 22, 28 ; 29, 33, et suivants).
Cette dimension environnementale si pertinemment décrite s’inscrit dans un cadre plus global d’une sauvegarde des intérêts et préoccupations de la multitude d’acteurs en présence dans l’écosystème de l’exploitation de ces ressources ; d’où l’urgente nécessité d’entamer la réflexion sur la mise en place d’une véritable structure de régulation de ce sous-secteur de l’amont pétrolier. Petrosen, instrument d’application de la politique pétrolière de l’Etat et créé en 1981, doit, aujourd’hui que la donne a changé, subir sa mue pour devenir une véritable société nationale de pétrole. Les missions à elle confiées jusqu’ici doivent être changées pour lui permettre de pleinement se consacrer à ce qui doit dorénavant être son cœur de métier, qui est l’exploration, la production et la commercialisation de pétrole et de gaz.
Nécessité d’une régulation
Comme on le voit, l’amont pétrolier (upstream), au-delà du fait qu’il comporte des risques dommageables sur l’environnement, implique une diversité d’acteurs aux engagements contractuels si divergents qu’il faille nécessairement mettre sur pied une autorité autonome forte, équidistante des parties-prenantes. Cela, pour garantir le strict respect des engagements souscrits afin d’assurer la préservation des intérêts des uns et des autres (Etat, compagnies privées, Petrosen, populations) dans la rigoureuse application des dispositions légales et l’observance des diligences et normes en vigueur au plan national et international.
La création de cette autorité de régulation parachèverait notre armature institutionnelle de gouvernance de ce sous-secteur à côté du ministère en charge du secteur qui réglemente le Cos-Petrogaz, censé concevoir la stratégie nationale de gestion des ressources pétrolières et gazières, l’Itie pour la transparence, et Petrosen, le bras technique de l’Etat et son œil au sein des associations mises sur pied avec les compagnies pétrolières dans les différents contrats signés au Sénégal.
Cet important maillon de notre chaîne institutionnelle de gouvernance devra prendre en charge la gestion des relations contractuelles entre l’Etat et les compagnies pétrolières transnationales, mais aussi entre compagnies elles-mêmes dans le cadre de leurs accords d’association ou des éventuels accords d’«unitisation» (gisement à cheval sur deux blocs différents) qu’elles signeraient éventuellement. Ces relations, du fait des énormes enjeux financiers qu’elles comportent, constituent des sources de conflits qui souvent atterrissent sur la table du Tribunal arbitral international (droit de péremption en cas de cession, différends sur les choix techniques ou d’investissement, etc.).
Il s’y ajoute un problème de fond : l’investisseur international contracte avec un agent très particulier (Etat) qui, plus ou moins directement, élabore les règles juridiques régulant le contrat et a les possibilités souveraines de les changer par voie référendaire ou parlementaire.
Il faut donc une autorité indépendante dotée d’un environnement juridique suffisamment fort, tel que l’Etat soit effectivement obligé par les contrats qu’il a signés et par les engagements législatifs qu’il a pris à l’égard des investisseurs étrangers. Cela éviterait que les dispositions inscrites dans les lois (ou la Constitution) ne soient abrogées ou modifiées à tout bout de champ, remettant ainsi en cause les engagements pris.
Enfin, les populations habitant simplement dans les voisinages des champs pétrolifères ou y exerçant des activités économiques auront, à travers l’autorité de régulation, une structure qui prendrait en charge leurs préoccupations prioritaires : préservation de l’environnement immédiat et la sauvegarde de leurs sources de subsistance.
Cette structure tirerait ses ressources budgétaires essentiellement d’une redevance de régulation à instituer et que paieraient les compagnies exerçant des opérations pétrolières sur notre territoire.
Mor Ndiaye MBAYE
Ex. DirCab Ministère de l’Energie
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