Les 30 juin et 1er juillet, l’association française Thinkers and Doers (« ceux qui pensent et ceux qui agissent ») a réuni à Essaouira environ 150 personnalités, issues du public et du privé, pour réfléchir à la définition et à la mise en place d’un nouveau contrat social entre institutions, entreprises et citoyens.
S’il est indéniable de souligner le rôle crucial du secteur privé dans la transformation des économies du continent africain, n’oublions pas les institutions publiques. Jean Monnet, l’un des pères de l’Europe, disait ainsi :« Rien n’est possible sans les hommes, mais rien n’est durable sans les institutions. » Ce sont elles les garantes du futur de l’Afrique, qui doivent être en première ligne dans la bataille pour la transformation sociale et la prospérité dans un Etat de droit.
Utopies créatrices
Parler de l’Afrique et de son « émergence » dans un forum en ne cédant pas à la facilité de saluer l’entrepreneur tout en pourfendant les institutions publiques, est devenu rare. La mode dans les discours actuels sur l’Afrique est de saluer le créateur de start-up et d’en faire le sauveur du continent.
Il y a des utopies créatrices à faire émerger du potentiel de la jeunesse africaine. Mais souvent la créativité et le besoin de construction d’un nouveau rêve africain sont pris en otage par le mythe de l’entrepreneuriat.
A Essaouira, il n’était pas question d’intimer à la jeunesse africaine de créerdes start-up. Au contraire, un discours complexe était décliné, notamment sur le lien nécessaire entre une puissance publique forte, des entreprises responsables et des citoyens impliqués au cœur des politiques publiques.
Le mythe de l’entrepreneur dans des pays faibles, corrompus, incapables de mettre en place des politiques publiques orientées vers la transformation sociale et sociétale, est un leurre. Il ne fait que retarder l’échéance d’une explosion sociale dans nos villes surpeuplées, où la précarité côtoie l’absence d’espoir de notre jeunesse.
Discours simpliste
Les états généraux d’Essaouira ont appelé à une transposition politique de la vitalité citoyenne et entrepreneuriale. L’extrême pauvreté, le terrorisme, le défi de l’éducation, les inégalités sociales, doivent trouver des réponses autrement plus complexes que la simple injonction aux jeunes « Créez des start-up ! ». Ce discours simpliste et faux est dangereux car il donne l’impression qu’on s’amuse avec le destin de millions de jeunes hommes et femmes dont on ne se sait pas quoi faire dans nos pays.
Les changements en Afrique n’adviendront pas en dehors d’institutions publiques qui doivent être les garantes de l’intérêt général et de l’égalité des citoyens, là où l’entreprise cherche d’abord à générer du profit.
En Afrique, les choses bougent : par la jeunesse, les avancées démocratiques et le potentiel économique. Le continent attire les convoitises d’une Europe qui cherche à maintenir son influence et ses parts de marché.
La sémantique du réveil de l’Afrique rejoint le regard nouveau que de nombreux jeunes africains, épargnés par le complexe colonial, portent sur le continent et sur eux-mêmes. Ce regard moins misérabiliste est le fait d’une dignité qu’ils ont et les pousse à être imaginatifs, innovants et entreprenants.
Mais, malgré cet optimisme, les institutions publiques comme les politiques font toujours face à une défiance en raison de leur incapacité à améliorer la vie des gens. Les déceptions succèdent aux alternances politiques – quand celles-ci adviennent. Les mêmes accèdent au pouvoir avec les mêmes méthodes qui conduisent aux mêmes impasses.
Un changement de leadership devient urgent pour faire émerger un « Etat plateforme », socle d’un nouveau contrat social avec le secteur privé et le citoyen. Ce pacte entre trois acteurs sera le laboratoire du futur africain, permettant l’éclosion des idées qui changeront le continent et mettront au service des politiques publiques l’innovation, la créativité et l’inventivité qui foisonnent au sein de la jeunesse.