Dans le cadre de cette réflexion, nous allons essayer de démontrer à travers des arguments persuasifs, que l’Etat du Sénégal doit institutionnaliser entièrement l’ensemble des langues nationales, dans le but de les formaliser intégralement pour mieux les valoriser.
Cette question nous taraudait depuis plusieurs années, car nous avons constaté une formalisation partielle de ces langues, ce qui nous a poussé à mener des recherches dans ce domaine afin de collecter des informations sur le processus de codification dans notre pays. Ainsi, nous avons pu relever des insuffisances dans ce secteur, qui mériteraient d’être résolues pour une meilleure gestion de notre politique linguistique.
Par conséquent, nous avons décidé de proposer au Sénégal en général et particulièrement au Président de la République « un projet d’une grande envergure », qui nous permettra de mieux consolider nos acquis dans le domaine de la codification de nos langues.
Ce projet est, selon nous, le fondement le plus essentiel et le plus solide pour institutionnaliser intégralement nos langues nationales puisque cette institutionnalisation constitue un impératif pour pouvoir assurer la pérennité et la vulgarisation de la culture sénégalaise à travers les générations et les époques.
En effet, la création d’une institution (institut ou académie des langues nationales), qui serait à l’instar de l’Académie française (à quelques différences près), chargée de valider l’ensemble des composantes de nos langues, est plus que raisonnée car nous devons œuvrer pour la revalorisation et la pérennisation de notre patrimoine linguistique.
Ainsi, pour promouvoir notre culture linguistique à travers le monde, il nous faut inéluctablement formaliser l’ensemble des langues existantes au Sénégal pour les regrouper dans des dictionnaires (Firikays) officiels permettant une meilleure compréhension des termes et concepts qui sont employés dans le pays.
En réalité, la création de cette Assemblée (DaarayPençum Lak Yi) qui sera composée des représentants les plus qualifiés des différents groupes sociaux utilisant ces langues, mais aussi des chercheurs et praticiens évoluant dans le domaine de la linguistique, permettra la production de nombreux ouvrages didactiques destinés à mieux valoriser notre patrimoine culturel tout en créant de la valeur ajoutée.
Ce sera également l’occasion de lister, de nommer et de faire l’inventaire des concepts, termes et notions qui sont employés pour désigner les êtres vivants de notre écosystème.
Il faut préciser que cette structure pourra utiliser l’alphabet du français et de l’arabe pour l’adapter à nos réalités afin de transcrire l’ensemble des éléments de la vie en société.
A cet égard, il convient de préciser, que la communauté mouride a déjà des productions allant dans ce sens notamment avec les œuvres de certains disciples de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, en l’occurrence Serigne Moussa Ka, entre autres, qui ont introduit des nouveautés dans l’écriture de l’arabe pour le « wolofiser » dans le but d’y incorporer des sons et phonèmes que l’arabe n’avait pas prévu[[1]]url:#_ftn1 .Toutefois, il importe de signaler qu’actuellement au Sénégal, la législation (ensemble des textes juridiques) relative aux langues nationales n’est pas très exhaustive, dans la mesure où il existe qu’une dizaine de documents officiels dont la Constitution de 2001, qui traduisent la politique linguistique de notre Etat.
Cependant, les efforts fournis par nos autorités sont à saluer, en ce sens que l’article 1er de notre charte fondamentale réaffirme les statuts de nos langues en ces termes : « La langue officielle de la République du Sénégal est le français. Les langues nationales sont le diola, le malinké, le pulaar, le sérère, le soninké et le wolof et toute autre langue nationale qui sera codifiée. ».
Dans la littérature sénégalaise, on a dénombré plusieurs ouvrages didactiques en français ou dans une des langues codifiées, qui viennent pour apporter leur contribution au développement de nos langues nationales[[2]]url:#_ftn2 .
Nous pouvons citer, entre autres, les œuvres de Cheikh Anta DIOP (BaatukaayuXam-Xam ci ñarrilammiñ, etc.), Cheikh Aliou NDAW (Teggin), Aram FALL (NewuLammiñu wolof), qui nous rappellent que nos idiomes peuvent et doivent servir de vecteur de développement pour notre pays.
Tout compte fait, nous pouvons affirmer que ce projet pourra permettre aux citoyens sénégalais mais également aux autres personnes intéressées de mieux comprendre avec l’outil adéquat (Dictionnaire ou Firikay officiel) les différentes langues nationales. A terme, si ce projet atteint les résultats escomptés, nous pensons que cela pourra être reproduit par les autres Etats africains.
Certainement, l’avenir nous édifiera sur le sort de ce projet, mais une chose est sûre, l’institutionnalisation de nos langues nationales semble être la meilleure des solutions pour préserver, promouvoir et pérenniser notre patrimoine linguistique et par ricochet notre richesse culturelle.
Bassirou KOUME
Citoyen
bassiroukoum.bk@gmail.com
[[1]]url:#_ftnref1 Voire à ce sujet les nombreux écrits de Cheikh Moussa KA ou de Serigne Mbaye DIAKHATE, entre autres, qui sont disponibles au niveau de la Bibliothèque centrale de Touba (DaareyKamil) ou sur le net.
[[2]]url:#_ftnref2 En réalité, une étude a recensé pas moins de 2269 ouvrages sur les Langues nationales répartis en 2 catégories : 1930 manuels et 339 études générales. Pour plus d’informations voir à ce sujet les travaux de M. Modou NDIAYE et M. Mamadou DIAKITE UCAD, « LES LANGUES DE SCOLARISATION DANS L’ENSEIGNEMENT
FONDAMENTAL EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE FRANCOPHONE (LASCOLAF) LE CAS DU SENEGAL » p.286, document disponible sur www.bibliotheque.auf.org/doc_num.php?explnum_id=828, consulté le 22/06/18 à 17h49