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Monsieur Le Maire : Les Geôliers D’aujourd’hui Seront Les Prisonniers De Demain

Monsieur Le Maire : Les Geôliers D’aujourd’hui Seront Les Prisonniers De Demain

«L’Etat est un être énorme, terrible, débile, cyclope, d’une puissance et d’une maladresse insignes» (Paul  VALERY)

Monsieur le Maire et cher ami, l’objet de la présente n’est point de ressasser les conditions et les différentes péripéties qui vous ont valu d’être aujourd’hui pris en otage dans la forteresse de Rebeuss. Il a été suffisamment démontré et prouvé que c’est pour des raisons exclusivement de politique politicienne que vous avez été embastillé. Vous êtes là où vous êtes par la seule volonté du Prince de Sunugal.

En effet, l’incarnation personnifiée de l’Etat, cet Etat si judicieusement décrit par Paul Valéry, a décidé que vous ne serez pas candidat aux prochaines élections présidentielles du 24 février 2019. Et pour ce faire, il a usé de ses pouvoirs et de sa mainmise totale sur les institutions, notamment celles judiciaires, pour vous en exclure. Peut-on trouver et brandir preuve plus éloquente de l’instrumentalisation de la justice que cette déclaration de Macky Sall : «Je ne céderai pas ni à la pression nationale encore moins internationale.» Les tenants du pouvoir actuels mettront tout en œuvre pour qu’il en soit ainsi. Ils ne s’embarrasseront guère de scrupules pour atteindre leurs objectifs.

Monsieur le Maire et cher ami, il ne saurait être question pour moi de me morfondre, encore moins de m’apitoyer sur votre malheureux sort. Vous connaissant et vous ayant pratiqué, je puis témoigner de votre degré d’élévation spirituelle et de la profondeur de votre foi en Dieu, Le Tout Puissant, l’Omniscient, l’Omnipotent, le Maitre de l’Univers, et de nos fragiles destins d’êtres insignifiants et ignorants. Je sais, et en suis persuadé, que votre dignité ne vous autorise pas à solliciter une quelconque pitié. A la limite, vous contenterez-vous d’un soutien moral et d’actes de solidarité agissante comme ne cessent d’en manifester vos parents, proches, amis et sympathisants.

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Monsieur le Maire et cher ami, pour le Prince et ses affidés, séides et autres écornifleurs, la cause est entendue. Vous ne serez jamais l’obstacle à franchir pour l’obtention d’un second mandat ou plutôt, c’est plus prudent, d’un deuxième mandat. Et ce ne sont pas les démarches «républicaines» contentieuses auprès des instances judiciaires, encore moins les cris d’orfraie et d’indignation des hommes politiques qui les feront reculer. Il est du devoir de vos souteneurs et de toutes les personnes éprises de justice de mener le combat et d’intensifier la lutte sous d’autres formes. Il faut littéralement changer d’approche et bannir cet angélisme qui n’est rien de moins que la traduction d’une naïveté ou pire d’une absence manifeste de stratégie conquérante. Les victoires significatives s’arrachent au prix de véritables sacrifices ; et le sacrifice, on le fait ou on le fuit. Il n’y a que la détermination de la masse qui soit à même de s’opposer à la massue du tyran. La mobilisation doit être sans solution de continuité, permanente, constante, massive, généralisée et décentralisée. Quand on affronte une force supposée puissante, on doit d’abord développer une véritable stratégie de résistance et de résilience pour ensuite mener des opérations tactiques de conquête de terrain, en politique on pourrait dire des actions d’occupation de l’espace politique, social, communicationnel, etc.

Monsieur le Maire et cher ami, lors du procès en première instance, il me semble que tout a été dit et que vos très brillants avocats avaient démontré avec pertinence et à suffisance l’iniquité du procès. Malheureusement, la justice s’est soumise à l’Exécutif qui voulait votre condamnation ; et vous avez été condamné. Pour ce procès en appel, je crains fort qu’il n’y ait confirmation de la première sentence. Aussi, insisterai-je pour que vous observiez un mutisme total pendant ce procès. Laissez le soin à vos avocats qui sont excellents, de véritables hommes de l’art et des bretteurs aux talents oratoires admirables et avérés, de s’adresser aux juges, au Procureur général et à vos confrères de la partie civile. Refusez d’alimenter cette parodie de justice, cette tragi-comédie dont le scénario a été imaginé, concocté dans un obscur cabinet sis à l’Avenue Léopold Sédar Senghor. Le tout puissant, Président en puissance et non moins richissime jeune frère du président de la République n’a-t-il pas avoué l’existence d’une officine où sont ourdis les stratagèmes et les complots les plus sordides ? Peut-on avoir voix plus autorisée et confessions plus nettes ? Assurément non.

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Monsieur le Maire et cher ami, au troisième jour de votre procès en appel, les débats ont largement tourné autour de l’arrêt de la Cour de justice de la Cedeao qui a rendu un verdict qui vous est favorable sur les trois points suivants :

1 – l’absence d’un avocat lors de votre interpellation par la Police ;

2 – la violation de votre immunité parlementaire ;

3 – l’absence d’un procès équitable.

Et c’est l’intervention du Procureur général, M. Lansana Diaby, qui a attiré l’attention de l’assistance pour avoir demandé au juge président de la Cour d’appel de bien vouloir se conformer aux décisions de l’instance communautaire et ce, pour être en phase avec les engagements de l’Etat du Sénégal. Cet Etat énorme, terrible, débile et cyclope qui a fait montre d’une maladresse qui aujourd’hui se retourne contre lui. Tout comme il avait commis d’insignes maladresses dans le dossier de la traque des biens supposés mal acquis.

Monsieur le Maire et cher ami, pour beaucoup de personnes, la déclaration du Procureur général apparaît comme un fait exceptionnel, un coup de théâtre dans l’illustre temple de Thémis, comme l’ont titré la plupart des journaux de la place. C’est l’occasion pour moi et pour la gouverne de tout le monde, notamment nos compatriotes, de faire savoir que le magistrat Lansana Diaby a eu une position et une posture similaires il y a 31 ans de cela, précisément à l’époque du régime socialiste. C’était pendant la dure période de la radiation des policiers. Il avait eu à exprimer son opinion contraire à celle du Tout puissant Ministre d’Etat de l’époque. Et pour cet acte courageux et valeureux, il avait été victime d’une mesure qui avait toutes les allures d’une sanction administrative.

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Tout ceci pour simplement dire que le Procureur Lansana Diaby fait partie de ces magistrats intègres, courageux de leurs opinions et surtout impartiaux dans leurs décisions. Ils font la fierté de la Justice et honorent leur corporation. C’est quelqu’un de profondément croyant qui a pour seule référence le Saint Coran, qui s’abreuve à la source du Prophète (PSL) et se sustente de la seule vérité. J’ose fortement espérer qu’il est resté le même.

Monsieur le Maire et cher ami, je ne saurais terminer sans vous demander de méditer mes propos que voici : «Les geôliers d’aujourd’hui seront les prisonniers de demain et les prisonniers d’aujourd’hui seront les geôliers de demain». «Le temps est père de la vérité» (François RABELAIS). Mes salutations à tous vos codétenus.

 

Boubacar SADIO

Commissaire divisionnaire de police de classe exceptionnelle à la retraite

Ancien Directeur général adjoint de la Police nationale

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