Ce titre allégorique emprunté à l’argot ivoirien n’est pas fortuit. L’actualité politique qui défile depuis un certain temps sous nos cieux, est un amoncellement de faits graves, lourds de menaces à l’horizon, sur la stabilité et l’unité nationales. A tel point et avec une telle analogie, que j’ose affirmer que le syndrome ivoirien guette le pays de la téranga.
Après le décès du Président Félix Houphouët-Boigny en 1993, ses trois héritiers présomptifs se sont disputés le pouvoir dans une guerre fratricide irrépressible.
Bédié l’enfant gâté, Ouattara l’enfant prodigue et Gbagbo l’enfant rebelle sont entrés dans une guerre de succession qui a causé des drames humains et des catastrophes socio-politiques pendant une dizaine d’années. Le processus ayant conduit à la déchirure du pays est l’instrumentalisation de la justice et de la Constitution en particulier. Mr Bédié inventa le concept d’ « ivoirité » pour écarter constitutionnellement son rival Ouattara qui fut disqualifié pour non appartenance à la communauté nationale ivoirienne. Sans nationalité ivoirienne, pas de candidature aux élections présidentielles. L’ « ivoirité » a instillé un poison qui a contaminé la Cote d’Ivoire tombée malade pendant longtemps. Un concept qui était un simple stratagème politique de conservation du pouvoir mais qui fut une maladie chronique meurtrière.
Les clivages politiques qu’il induira ont fini par produire des dissensions ethniques. La parenthèse du Général Robert GUEÏ au pouvoir utilisera également ce monstre pour écarter de nouveau Ouattara et avec d’autres artifices juridiques, il éliminera Mr Bédié, pour pouvoir se retrouver seul face à Gagbo qu’il pensait vaincre sans péril. La suite fut terriblement dramatique pour le « balayeur balayé ». Avec Gbagbo arrivé au pouvoir dans des conditions « calamiteuses », La partition du pays fut établie par les divisions ethniques qui recoupaient les conflits territoriaux, conséquences des tripatouillages électoraux par les manipulations sans cesse lois électorales. Par la suite, la situation politique apparaît comme un reflet inversé du jeu des alliances. Ouattara- Gbagbo pour combattre Bédié et après Ouattara- Bédié pour Battre Gbagbo.
Au cœur de ces combats de chefs politico-militaristes, le Conseil constitutionnel ivoirien devenu le bras armé du pouvoir en place et chambre d’enregistrement des décisions avisées du Président. D’Invalidations intempestives non fondées en invalidations tonitruantes et tortueuses, son président Paul Yao N’dré finit par perdre le sens du droit et sa dignité définitivement. Il fallut la lutte armée pour déloger Gbagbo de son palais après qu’il eut perdu les élections. La folie du pouvoir et l’instrumentalisation des lois pour s’y maintenir ont provoqué une crise sans précédent et encore latente en Côte d’Ivoire.
Comparaison n’est pas raison mais les mêmes causes produisent souvent les mêmes effets. Ne nous abritons pas toujours derrière la bénédiction de nos illustres « Waliw » spirituels pour croire que la paix régnera toujours (qu’Allah nous préserve !) au Sénégal. Le conflit contre les maures et la catastrophe maritime du diola (record mondial) se sont bien produits dans ce pays. Mame Abdou n’est plus là pour alerter, Senghor et Cheikh Anta doivent se retourner dans leurs tombes, car Macky est atteint de la folie aigüe de 2eme mandat. Après l’alibi-ruse des cartes électorales numérisées pour organiser leur rétention et leur distribution sélective afin de gagner les législatives, il instille le poison du parrainage pour éliminer des candidats et pour tenter de passer au « un coup KO ! » dans les présidentielles. Entre temps il manipule les lois électorales et instrumentalise la justice pour écarter des candidats de grands partis à fort potentiel d’électeurs : Khalifa Sall et Karim Wade.
En prime il instaure le musellement systématique des opposants les plus récalcitrants. Comble d’injustice il protège outrancièrement ses partisans auteurs de prévarications manifestes, des affres de la justice. Il foule du pied tout ce qui contraire à sa volonté de briguer un second mandat, transformant sans vergogne l’Etat de droit en Etat de passe-droit. Avec ses 8 à 10 milliards de fonds politiques, il monnaye à tour de bras les transhumances politiques, les ralliements maraboutiques et achète les consciences des « bourses familiales » appauvries. Mais attention danger ! Le point d’orgue de ses turpitudes sera bientôt atteint avec la vague d’invalidations de candidatures par le Conseil constitutionnel Yao N’dré sénégalais. Les modalités et les critères pour accepter ou non les parrainages seront dévolus in fine au C.C qui pourtant s’est déclaré incompétent pour apprécier la constitutionnalité de la loi sur le parrainage. Il sera pourtant compétent pour invalider des parrainages.
Les prémices de conflits sont ainsi en gestation, car chaque invalidation sera contestée, vigoureusement et peut-être violemment, parce que non fondée en droit et en pratique. La technicité et l’opérationnalité ainsi que la transparence du processus du parrainage ne seront pas assurées. Donc la confiance ne sera pas de mise et la porte sera ouverte à tous les ouragans. Et comme le seigneur Sall a pris goût de réprimer les contestations et les manifestations, les élections risquent d’être des sources de conflits et de confrontations. Le 23 juin 2011, Abdoulaye Wade a eu la sagesse de retirer sa loi dynastique de réforme constitutionnelle et d’éviter de compter les morts. Macky aura- t-il la même veine ou franchira-t-il le Rubicon fatal ? Auquel cas le syndrome ivoirien fera plus que nous guetter, il passera au cauchemar du grand soir du mackyssalisme agonisant.
Chérif Ben Amar Ndiaye