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Mise En Oeuvre Du Parrainage : Le Plan Machiavélique Du Régime

Mise En Oeuvre Du Parrainage : Le Plan Machiavélique Du Régime

« Macky Sall le sait mieux que quiconque : une défaite en 2019 le contraindra à l’exil »

Après avoir planifié l’élimination de potentiels candidats par voie judiciaire, et déployé massivement les forces publiques sur tous les artères de la capitale (Dakar) le 19 avril 2018, pour faire voter par les députés godillots de la majorité présidentielle, la loi scélérate N°14-2018 instituant le parrainage Intégral, Macky Sall déroule une nouvelle phase de son plan machiavélique pour les présidentielles de 2019. Comme pour le scrutin du 30 juillet 2017 qui s’est soldé par un « chaos électoral organisé », une stratégie de « sabotage » a été élaborée par le régime pour entraver la mise en œuvre du parrainage. Elle se décline en 3 phases :

  1. Le régime organise la rétention des fiches de collecte destinées aux parrains

Alors que le régime a fait preuve d’une extraordinaire célérité pour voter, promulguer et publier au journal officiel la loi instituant le parrainage Intégral (loi N°21-2018), et celle matérialisant sa traduction dans le code électoral (loi N°21-2018), il retarde au maximum la mise à disposition des fiches de collecte. Au 13 aout 2018, la fiche de collecte (formulaire officiel) permettant de recueillir les signatures des parrains est « indisponible ». Officiellement, le formulaire sera disponible à partir de la publication d’un arrêté du Ministre de l’Intérieur fixant le montant de la caution pour la présidentielle de 2019 (soit 180 jours avant le scrutin).

Ne nous y trompons pas : la computation des délais (concordance entre la fixation de la caution et la mise à disposition de la fiche de collecte) prévue dans la loi électorale a été pensée et calibrée par le régime pour raccourcir les délais liés à la collecte des signatures ; l’objectif étant de priver certains candidats de la possibilité d’obtenir, dans le délai imparti, les parrainages requis, dont le pourcentage oscille entre 0,8 et 1% du corps électoral.

A cela, s’ajoute un fait extrêmement grave, inédit dans l’histoire politique du Sénégal qui ne s’est jamais produit lors de la tenue de scrutins : l’introduction en catimini, par Aly N’Gouille N’diaye, militant de l’APR « d’un discriminant tenu secret ». Depuis quand un élément lié au processus électoral revêt un caractère secret ? A quoi joue le Ministre de l’Intérieur dont la partialité ne fait plus l’ombre d’un doute ? Disons-le sans détour : l’introduction d’un discriminant est un aveu de taille. Il permettra au Ministre de l’Intérieur de s’adonner à toutes sortes de manipulations illicites sur le fichier électoral (l’administration ne dispose pas à ce jour des outils techniques pour authentifier les signatures et n’est pas en mesure de gérer le dispositif de parrainage).

  1. Des méthodes illégales seront utilisées pour saboter la précampagne de l’opposition

Lorsque le fantasque griot du Président, Farba N’gom déclare que tous les moyens seront mis en œuvre pour que les candidats de l’opposition ne puissent pas disposer des signatures exigées, il ne fait que relayer la voix de son maître, Macky Sall. Cette déclaration d’une extrême gravité constitue une violation manifeste du Préambule de la Constitution qui énonce clairement « la volonté du Sénégal d’être un Etat moderne qui fonctionne selon le jeu loyal et équitable entre une majorité qui gouverne et une opposition qui représente un pilier fondamental de la démocratie ».

De fait, la déclaration publique de Farba N’gom est assimilable à un attentat démocratique, et doit valoir à son auteur des poursuites judiciaires. Soyons clairs : cet énergumène dont le passe-temps favori est d’amuser la galerie, peut battre campagne pour que son candidat obtienne« 4 millions de parrains ». En revanche, il enfreint la loi électorale et s’expose à des sanctions pénales lorsqu’il manifeste la volonté d’entraver par des méthodes déloyales le recueil des signatures de partis politiques légalement constitués, mettant en cause « le droit constitutionnel pour chaque électeur de parrainer, en toute liberté, le candidat de son choix ».

Au fait, comment Farba N’gom compte t’il s’y prendre ? Par la corruption de parrains, en espèces sonnantes et trébuchantes ? Par la menace ou la dissuasion, des actes sévèrement punis par la loi ? Qu’attend le Procureur de la République, Serigne Bassirou Gueye (si prompt à s’autosaisir) pour s’autosaisir face à ce flagrant délit, cette obstruction, cette volonté de compromettre le jeu démocratique à la veille d’un scrutin capital pour les Sénégalais ?

La sortie du griot attitré de Macky Sall a le mérite de révéler les intentions inavouées du régime qui s’apprête à utiliser des méthodes illégales, pour dissuader les électeurs de parrainer des candidats ciblés par le pouvoir. Dans le même registre, il y a lieu de dénoncer avec la plus grande vigueur le dérapage scandaleux d’Aly N’Gouille N’diaye qui « soutient que 3 mois suffisent pour obtenir les parrainages nécessaires ».

Ce grossier mensonge ne repose sur aucun fondement, puisque d’une part, c’est la première fois que le parrainage Intégral sera mis en œuvre lors d’un scrutin présidentiel ; et d’autre part, le régime ne dispose d’aucun retour d’expérience sur les difficultés liées aux modalités de collecte des signatures. Cette sortie inopportune discrédite le Ministre de l’Intérieur (qui outrepasse les prérogatives liées sa fonction), et disqualifie définitivement Aly N’Gouille N’diayedont l’implication au niveau des présidentielles est hautement suspecte.

En multipliant les entraves et les coups tordus dans la mise en œuvre du parrainage, le régime agit dans l’illégalité totale, compromet la sincérité du scrutin présidentiel, et crée les conditions d’un « chaos » dont il espère tirer parti.

  1. La théorie du « million » de parrains : un énorme coup de bluff du régime

En affichant l’objectif de disposer de plus d’un million de parrains, le régime essaie d’accréditer l’idée d’un Président porté par un élan populaire, afin de préparer l’opinion au scénario invraisemblable d’une victoire au 1er tour. La hantise du second tour est si prégnante que la « théorie du 1er tour » est entonnée comme un refrain par les partisans du régime. Une chose est sûre : la faible mobilisation constatée lors de la cérémonie de remise des clés de l’arène nationale à Pikine (entraînant la furie du Président) prouve que cet objectif est fantaisiste.

Celui qui s’est abrité derrière l’avis du Conseil Constitutionnel en 2016, pour ne pas réduire le mandat présidentiel de 7 à 5 ans ; qui a privé des millions de Sénégalais de leurs cartes d’électeurs lors des législatives de 2017 ; qui a pris la poudre d’escampette en avril 2018 (départ en Hexagone) lors du vote de la loi sur le parrainage, laissant son peuple affronter les forces publiques ; qui réprime sauvagement les étudiants et assoiffe les populations est parfaitement conscient que les sénégalais aiguisent leurs cartes électorales et attendent patiemment le moment opportun pour « le bouter » hors du palais.

Evidemment, il est loisible à Aly N’Gouille N’diaye détenteur du fichier des électeurs, de déclarer, le moment venu que son candidat Macky Sall dispose de 1 million et quatre cent trente-sept mille parrains (pour donner l’impression que le chiffre est exact) ! Et pendant qu’on y est, pourquoi pas 4 millions de parrains ? Au fait, qui garantira l’authentification des signatures des 4 millions de parrains « virtuels » du candidat Macky Sall ? Les 7 membres du Conseil Constitutionnel ? Les services du Ministre de l’Intérieur agissant sur ordre? A croire que le ridicule ne tue plus !

Par ailleurs, les sénégalais doivent savoir que le pilotage du scrutin de 2019 est assuré par Macky Sall himself, depuis sa tour de contrôle du palais (Aly Ngouille N’diaye n’étant qu’un piètre exécutant).

A 6 mois « la mère de toutes les batailles », le processus électoral n’est ni transparent (la Commission électorale nationale autonome est mise à l’écart des décisions majeures), ni loyal (le candidat de l’APR décide unilatéralement de fixer les règles du scrutin).

Que les Sénégalais se le tiennent pour dit : Macky Sall dont les convictions évoluent au gré du vent, ne reculera devant aucune forfaiture en 2019. Pour une raison simple, il est allé beaucoup trop loin dans les dérives liées à l’exercice du pouvoir. Arrestations arbitraires, répression aveugle et disproportionnée, emprisonnement à tout va, instrumentalisation de la justice, vassalisation de certains magistrats, neutralisation des corps intermédiaires, vampirisation de l’administration par l’APR, et pillage des deniers publics par le clan FAYE-SALL : en 6 ans et demi, le président de l’APR a détruit les fondements de l’Etat de Droit et transformé le Sénégal en «far west», une jungle où règne la loi du plus fort.

Les Sénégalais sont à bout, et les nerfs à vif. A force de tirer sur la corde raide, Macky Sall risque une fin de règne chaotique. Yaya Jammeh (Gambie) et Blaise Compaoré (Burkina Faso) en exil, sont bien placés pour le savoir : la raison du plus fort n’est pas toujours la meilleure.

 

Seybani SOUGOU

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