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El Hadj Kassé A Raison : « L’enjeu Du Débat électoral Est que ceux Qui Ont Une Offre Politique S’expliquent Sur La Nature De Leur Offre »

El Hadj Kassé A Raison : « L’enjeu Du Débat électoral Est que ceux Qui Ont Une Offre Politique S’expliquent Sur La Nature De Leur Offre »

Quand il dit : « L’enjeu du débat démocratique et électoral est  que  ceux qui ont une offre politique à présenter doivent s’expliquer sur la nature de leur offre… » aux citoyens électeurs et qu’il accuse les candidats à la Présidentielle contre le président Macky Sall de ne pouvoir ou de ne savoir se conformer à cette exigence catégorique élémentaire. J’en conviens avec lui.

Qui connaît en effet  le programme de gouvernement de M. Idrissa Seck, de M. Gakou, de M. Karim Wade, de M. Abdoul Mbaye,  de Mame Adama Gueye ou de M. Hadjibou Soumaré pour ne citer ici que les présidentiables les plus connus ?

On  se réfère tout au plus vaguement aux « conclusions des Assises Nationales », sans même les reprendre et les mettre à jour. Sans indiquer comment on les appliquerait. Ou ce que cela coûterait. Comment on mobiliserait les ressources requises. Il n’y a à ma connaissance qu’Ousmane Sonko qui se préoccupe de la question puisqu’il s’engage à publier un livre sur son programme de gouvernement. Pourtant il serait nécessaire que les Sénégalais soient informés au moins sur le type de  régime que chacun de nos candidats préconise.

Quel type de République ?

La même, avec un président tout puissant, monarque constitutionnel, tel qu’établi par la Constitution actuelle ? Une nouvelle Constitution établissant une 3ème République ? Un régime parlementaire ? Tous les partis et les personnalités de l’opposition semblent d’accord sur le déséquilibre actuel entre les pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires ! Mais on ne nous dit pas comment on établirait un équilibre entre ces pouvoirs.

De même, tout le monde s’accorde sur l’indigence de l’Assemblée nationale, institution godillot s’il en est,  se complaisant depuis toujours à donner force de loi aux désirs et caprices du Prince. Comment propose-t-on donc d’en faire un législateur perspicace qui élabore et vote les lois en considération des intérêts bien compris du peuple et qui contrôle effectivement l’action du pouvoir exécutif ? Pour ce qui est du pouvoir judiciaire, on semble s’accorder avec l’Union des Magistrats du Sénégal (UMS)  pour estimer que son indépendance du pouvoir exécutif doit être affirmée  très nettement.

Quelle est exactement la position de nos candidats sur cette question ? Qui est d’accord avec l’UMS et s’engage à établir l’indépendance du Conseil supérieur de la magistrature en la libérant de  la tutelle du président de la République et du garde des Sceaux ? La question de l’indépendance de la justice est particulièrement préoccupante parce qu’elle conditionne en fin de compte la démocratie c’est-à-dire la liberté et la sécurité des citoyens. Qui connait les réformes du système politique que nos différents candidats  proposeraient, concernant notamment le processus électoral, la durée des mandats, le financement des partis politiques et des syndicats ? Quid du pluralisme médiatique : comment faire de la RTS, du Soleil et de l’APS de véritables médias de service publics, comment réguler démocratiquement les médias y compris l’Internet et les médias sociaux ? Comment attribuer et gérer désormais les fréquences de radio télécommunications ? Comment impulser sérieusement la révolution du numérique ?

L’administration publique est un autre sujet sur lequel  tout candidat sérieux à la magistrature suprême devrait se prononcer. Ne devrait-on pas réformer ce mammouth aux procédures kafkaïennes, indifférente aux impératifs de performance, répondant aux seuls impératifs politiques du pouvoir ? La restructurer de fond en comble et lui imposer, service par service, des contrats de performance ?

Si oui, comment s’y prendrait-on ? Avec quelles ressources ? Comment assurer une gestion vertueuse et transparente des sociétés nationales et des agences de l’Etat ? De même pour l’accès aux services publics de la santé, de l’éducation, du logement, des transports. On devrait nous faire un diagnostic de chacun de ces secteurs et nous indiquer la politique qu’on mettrait en œuvre pour en assurer un meilleur accès et une meilleure qualité de service. Tout en en indiquant le coût et comment on le financerait.

Quid de la décentralisation ?

Je n’ai pas connaissance d’une seule déclaration d’un seul de nos candidats présidents sur le sujet. Pourtant une critique radicale de l’Acte 3 de la décentralisation s’impose. Pas seulement  parce qu’il s’agit d’une pâle copie des réformes des collectivités territoriales françaises introduites à partir de 2013 sous le même nom par François Hollande. Surtout parce que dans le sillage des soit disant lois de décentralisation introduites à dose homéopathiques depuis 1972, cette énième réforme ne touche qu’à la forme des collectivités territoriales. Elle se garde bien  de toucher au cœur du sujet, c’est-à-dire le transfert véritable du pouvoir politique et financier au niveau local : régions, communes et communautés de base.

Autres sujets essentiels pour le développement sur lesquels pourtant nos candidats ne nous indiquent pas leurs politiques : l’économie, les finances et la gestion du budget, l’accès aux services publics, le développement rural, l’éducation et la formation. Chaque candidat devrait nous présenter son diagnostic chiffré de la situation économique et financière actuelle du pays, caractériser le système économique et financier en place. Nous indiquer  la stratégie économique qu’il mettrait en place et quels seraient les secteurs dont il ferait la promotion.

Comment lancer l’industrialisation ? 

Comment créer les 150.000 emplois requis chaque année pour assurer du travail aux jeunes ? Quel rôle assigner désormais à notre pays au sein des instances économiques africaines et internationales : UEMOA, CEDEAO et Organisation Mondiale du Commerce en particulier.

Quelle position adopter à l’égard des Accords de Partenariat Economique (APE) que l’Union Européenne veut imposer coûte que coûte à l’Afrique et à propos desquels le gouvernement de M. Macky Sall ruse ?

Concernant le budget, chaque candidat devrait nous dire au moins  comment il établirait l’équilibre budgétaire, quelle est la situation réelle de la dette et indiquer les arbitrages budgétaires qu’il ferait entre les différents postes. Ne devrait-on pas diminuer drastiquement le train de vie de l’Etat ? Comment devrait-on s’y prendre. Supprimer les fameuses Caisses noires et Comptes d’avance à tous les niveaux ? Comment lutter efficacement contre la corruption ?

Concernant les finances, je n’ai pas entendu un seul candidat se prononcer sur la question cruciale du F CFA qui fait rage pourtant dans notre pays depuis longtemps. Qui préconise la sortie du F CFA ? Qui est pour le maintien du Sénégal au sein du système monétaire de la BCEAO? On devrait aussi à tout le moins nous faire une esquisse de la stratégie et de la politique qu’on mettrait en place pour assurer le développement rural ?

Quelle réforme foncière ? 

Comment impulser une véritable révolution de l’agriculture ?  La baser résolument sur les petites exploitations familiales plutôt que sur les grands domaines agricoles comme cela semble être la tendance en ce moment ? Proscrire l’attribution de terres à l’exploitation étrangère ? Comment redynamiser la pêche ? Dénoncer tous les accords de pêche et observer un moratoire sur plusieurs années ? Passer de la pêche artisanale à la pêche moderne ?

Sur la question de l’éducation et de la formation, nos candidats prennent souvent fait et cause pour les étudiants et les enseignants en grève mais que proposent ils aux Sénégalais en la matière ? Baser l’enseignement sur les langues nationales du primaire à l’enseignement supérieur ? Introduire la formation professionnelle dès le secondaire ?  Que pense-t-on de la réforme dans ce sens récemment esquissée par le Président Macky Sall ? Comment apaiser l’Université et en faire un véritable lieu de formation supérieure  et de recherche ? Le nouveau plan stratégique de l’UCAD est-il pertinent ? Doit-on continuer à attribuer des bourses à tous les étudiants ?

Nos candidats présidents auraient dû décliner leur politique sur toutes ces questions et sur bien d’autres  encore. Comme la politique étrangère. Maintiendront-ils la France au premier rang de nos alliés stratégiques ? Quelle place à l’Arabie Saoudite aux Etats Unis et à la Chine ? Quelle politique africaine ? Quelles actions en direction de l’Union Africaine ? Comment faire réaliser l’Agenda 2063 ?

Comme le tourisme qui stagne encore. Comme la promotion de la femme, de l’enfant et des personnes vivant avec un handicap dont les droits sont encore loin d’être assurés dans notre pays.

Au nombre de ces questions aussi la promotion du sport pour faire du Sénégal un pays qui gagne à l’image de la Jamaïque ou de Cuba, la gestion de la migration au moins pour empêcher l’émigration clandestine et la gestion de l’environnement  prenant en compte le changement climatique. Il y a évidemment aussi la question de « crise casamançaise » que tout le monde évite soigneusement et qui pourtant constitue depuis 35 ans un frein au développement de ce pays et une menace permanente pour notre sécurité individuelle et collective.

Donc oui, El Hadj Kassé a raison ! Nos candidats présidents au lieu de formuler une offre politique chiffrée, basée sur les grandes questions de gouvernance et de développement, restent dans la critique facile et l’invective circonstancielle et émotionnelle. M. Kassé ne devrait pourtant pas se réjouir de ce constat. Le recours à l’émotion peut se révéler plus  efficace électoralement que l’achat des consciences, le trafic d’influence et les manipulations médiatiques combinés. Même si l’alternance réalisée ainsi risque de trahir les aspirations du peuple à la démocratie et au développement.

 

Alymana Bathily

abathily@seneplus.com

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