Le 30 août, jeudi noir, restera dans l’histoire du Sénégal comme la journée tragique des guillotines durant laquelle Macky Sall a tenté impitoyablement d’éliminer des adversaires potentiels aux élections de 2019. C’est ce qui nous réconforte dans notre conviction que Macky Sall est inquiet et affaibli !
Néanmoins, je suis lassé par tant de trahisons, fatigué par cet abaissement de l’intelligence et de la dignité, déçu par tant d’ignominies. Je dis ma colère devant la férocité des responsables politiques de ce pays, ma hantise devant les tyrannies qui renaissent, mon effroi devant la fachosphère qui s’installe et ma tristesse devant les carrières brisées. En lisant la déclaration de Khalifa Sall, j’ai été émerveillé par tant de grâce, subjugué par tant d’allure, d’allant et d’élan, ébloui par tant de classe, de dignité, de hauteur et de grandeur.
L’image de notre pays a été inexorablement abimée par ce qui vient de se passer. Quand dans un pays les critiques les plus acerbes sur l’indépendance de la magistrature viennent des magistrats eux-mêmes au niveau le plus élevé entrainant leurs démissions des instances dirigées par le Président de la République lui-même pour déficit de transparence. Cette justice-là, perd toute crédibilité non seulement en politique mais également dans l’environnement des affaires où les investissements étrangers trouveront le pays peu attrayant parce que trop risqué. Quand l’organisation Amnesty international fustige la justice du Sénégal pour son absence d’indépendance et de transparence, lorsque les décisions de nos tribunaux sont rejetées par un arrêté de la CEDEAO pour vices de procédure, cette justice doit faire son introspection pour la dignité de la profession.
Je voudrais à ce propos partagé avec vous la réflexion de l’éminent académicien et avocat français, Maurice GARÇON (avocat des procès de l’après-guerre Petain et Laval de la guerre d’Algérie, Salan et Jouhaud, et attentat du petit-clamart), qui disait : « Les politiciens sont abjects, leurs intérêts électoraux ou d’argent leur font faire des ignominies ».
Maurice GARÇON est encore sans appel quand il parle des magistrats :
« Pour les magistrats, c’est autre chose. La décoration et l’avancement en font des valets. Ils sont lâches, trembleurs et pusillanimes. Ils ont peur de leur ombre dès que se manifeste une intervention un peu puissante. Toutes leurs palinodies leurs sont bonnes lorsqu’il s’agit de flatter le pouvoir. Leur prétendue indépendance dont ils parlent est une plaisanterie. Plus ils gravissent les échelons des honneurs, plus ils sont serviles. Pour faire la grande carrière, il faut avoir accumulé tant de platitudes qu’on peut dire que leur bassesse est proportionnelle à leur élévation. Voilà pourquoi Paris est pire que tout. Pour en arriver là, il faut avoir tant de fois courber l’échine et servir les maitres diverses que toute moralité est absente. Ils sont d’ailleurs ingrats si le gouvernement change, ils se mettront au service de celui qui tient présentement le pouvoir et jetteront impitoyablement en prison ceux dont quinze (15) jours avant ils léchaient encore les bottes et auxquels ils doivent ce qu’ils sont devenus. Vivre quotidiennement avec des gens qu’on méprise, passer des journées dans une maison sale et respirer dans un air plein de miasmes, voilà pourtant ma destinée ».
Maurice GARÇON, (journal de 1939 -1945) dit dans ce texte que Paris est pire que tout. C’était la situation de la France de 1939. C’est cet affaissement de la justice française devant ses responsabilités trainant une corruption cancéreuse qui a été à la base de la débâcle de la France durant la guerre 39-45. Quand l’éthique déserte l’Etat, le désastre pointe à l’horizon. Et Hitler a fait de la France une bouchée. Je n’irais pas jusqu’à dire que Dakar de 2018 est pire que tout et je crois en l’avenir de la justice de mon pays et à ses magistrats dont certains, la majorité, sont d’une intégrité sans faille.
Surtout, je ne souhaite pas à la justice de mon pays l’état de putréfaction de la France de 39-45 parce que c’est le même corps qui a le dernier mot sur les élections présidentielles de 2019. Si la justice n’est pas neutre et transparente, bonjour les dégâts. Dès lors quand l’essentiel est en danger, est-il possible de ne pas s’engager ?
Mansour SY Djamil
Président BES DU NAKK