Sous le président Macky Sall, les décrets pleuvent en abondance mais ne font pas toujours que des heureux. Au nom des prérogatives que lui confèrent la constitution, le chef de l’Etat sabre ses ennemis/adversaires sans aucun état d’âme. Mais pour ce qui est de Khalifa Sall, le tollé et le choc émotionnel engendrés n’ont d’égal que gravité de l’acte posé par le gardien de la constitution qui semble, selon certains experts, avoir violé la charte fondamentale du pays. Le constat général est qu’il y a vraiment un point noir dans cette affaire.
Eu égard à la condamnation en appel du maire de Dakar, le chef de l’Etat signe le décret mettant fin au mandat du maire de la capitale. Non satisfait de son emprisonnement depuis plus d’un an, le pouvoir en place le voit toujours comme l’ennemi public numéro 1 si l’on en juge l’acharnement et la persécution dont Khalifa Sall et ses partisans font l’objet. Loin du débat sur la légalité ou non du décret, le constat que nous pouvons faire de cette décision inopportune est que l’empressement du président, qui prend le décret un jour après le procès en appel, est symptomatique de son plus vieux désir : éliminer le maire Khalifa Sall à tout prix.
Pourquoi tant de détestation donc ? Le président Macky Sall n’est pas à son premier coup d’essai. Après avoir radié Ousmane Sonko, démis Nafissatou Ngom, mis au placard Thierno Alassane Sall (selon le premier ministre), il en vient à son obsession de toujours qui se trouve être la mairie de Dakar. Le décret de révocation du maire cache mal l’intention du président de Bennoo Bokk Yaakaar qui a toujours nourri le désir de s’emparer de Dakar. Les revers subis en 2014 (élections locales) et 2017 (le Haut Conseil des Collectivités Territoriales) ont dû toucher au plus profond de son âme Macky Sall au point qu’il fait de la bataille de Dakar son combat à lui. Les gros moyens déployés pour gagner les législatives passées, dans la contestation et l’irrégularité, démontrent à suffisance que Macky Sall est «khalifaphobe » jusqu’à la moelle.
La révocation n’est que le nœud de l’action pour la chute du maire
De toute l’histoire politique du Sénégal, Khalifa Sall serait sans doute, peut-être avec Mamadou Dia, l’homme politique le plus injustement combattu. Depuis 2012, l’édile de Dakar fait face à d’innombrables obstacles, à des embûches posées par l’Etat du Sénégal contre sa personne ou sa mairie. Juste après les élections locales de 2014 où sa liste a malmené celle de la coalition Bennoo Bokk Yaakaar, le conseil municipal de Dakar a autorisé au maire d’émettre un emprunt obligataire de 20 milliards de francs CFA.
Mais l’Etat du Sénégal y opposera un niet catégorique après avoir servi à moult reprises, selon le maire, un avis de non-objection. La mairie perdra ainsi le budget qui devrait restructurer Dakar parce que son patron aurait refusé des propositions à lui faites par le ministre des finances. On se rappelle la déclaration de Khalifa Sall à ce sujet lors du procès de la caisse d’avance : « J’étais outré par ce qu’on m’avait proposé ».
Au mois de Février 2016, la ville de Dakar a dû s’engager rudement dans un bras de de fer intense contre le ministre du Renouveau urbain, Diène Farba Sarr qui voulait empiéter sur ses prérogatives que lui a conférées l’Acte III de la décentralisation. In fine, l’Etat se ressaisit en reconnaissant à la mairie de Khalifa Sall la responsabilité de réaliser les travaux d’aménagement de la Place de l’Indépendance.
Auparavant, en octobre 2015, le président de la république reprend de Khalifa Sall la gestion des ordures pour le confier à l’UCG. Un autre bras de fer qui démontre encore une fois la détermination des uns et des autres de venir à bout d’un opposant qui jouit d’une sympathie sans faille de la part de ses administrés. Dans l’émission YOON WI de la RFM, juste avant son emprisonnement, le maire expliquait d’ailleurs tout ce bruit autour de la gestion des ordures par cette phrase : « l’ordure c’est maintenant de l’or dur ». Voilà ce qui justifiait toute la peine et l’énergie que l’Etat a déployée pour se l’accaparer avec le décret 2015/17/03 du 26 octobre 2015.
Sur le plan judiciaire, l’acharnement et la haine se révèleront sans limites. De son interpellation à sa révocation qui est la suite logique, aucun répit n’a été donné à Khalifa Sall. Ses droits sont parfois bafoués à telle enseigne que la Cour de justice de la CEDEAO a dû constater sa détention arbitraire. On ne peut pas écarter la haine contre le maire si ses prédécesseurs en l’occurrence Mamadou Diop et Pape Diop ont confessé avoir procédé de la même manière sous leurs magistères. On ne peut pas écarter la détestation parce que tout simplement, la mairie ne s’est jamais plainte contre sa gestion. Et du début du procès jusqu’à la fin, l’affaire dite de la caisse d’avance a été un vrai embrouillamini d’où seule la voix du plus fort a été la dominante.
Ababacar GAYE