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Les Rentiers De La République

Les Rentiers De La République

Pauvre Souleymane Ndéné Ndiaye ! L’ancien premier ministre a subi un bashing mémorable sur Facebook la semaine dernière. Celui qui voulait que «les transhumants soient fusillés » a été mitraillé, poignardé et finalement pendu par des « facebookeurs » qui ne lui pardonnent pas d’avoir… transhumé.

Après la cérémonie de lancement du parrainage en l’honneur de notre salséro de président, Jules Ndéné avait, pourtant, minimisé les critiques : «Quand il choisit, l’être humain exerce une liberté fondamentale, entre le mafé et le ceebu jën. J’ai tout entendu, mais ça m’est égal», avait-il laissé entendre avec l’aplomb d’un moine. On ne sait pas s’il a finalement opté pour le mafé ou pour le ceebu jën, mais après les 6 000 commentaires peu amènes qu’il a reçus sur sa page Facebook, il lui faudrait un estomac solide pour faire passer la sauce.

Comme lui, nombre de personnages sans âme ont peuplé cette cérémonie de cha cha cha et de pachanga pour le parrainage du candidat de l’APR. Tous jouent des rôles de composition pour plaire à Macky Sall, distributeur des privilèges du moment. Il ne faut jamais les interroger sur leurs paroles et actes passés au risque de déterrer des cadavres. Ils n’aiment pas et ne croient pas au président, ils ne supportent pas l’APR.

Que ne feraient-ils, pourtant, pour prendre place au banquet de la République ! Le temps du « Yoonu Yokkulé », ils enterreront leurs amours-propres, leurs ambitions et leurs projets sans fleurs ni couronnes. Ils se déboutonneront dans les médias et les agapes apéristes pour taper à l’œil du boss, mais demain, ils seront toujours là à faire les yeux doux à son successeur. Quand ils lustrent Macky, ils gardent au fond de leur conscience morte un roulé-boulé politique qui ne manquera pas de plaire au prochain président. Ainsi va la vie au Sénégal.

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La meilleure des ruptures sera de renvoyer à leurs rêves d’éternité ces « animaux politiques » qui voguent de pâturage en pâturage, au gré des saisons, à la recherche de l’herbe nourricière.

POUVOIR PRÉSENT

Les transhumants ne sont, pourtant, pas les seuls à blâmer. Certains intellectuels ne sont guère mieux lotis. Sous nos tropiques, les emplois rémunérateurs et les avantages liés à la proximité du prince exercent une attraction quasi atavique chez ces magiciens de la théorie réversible. La même réforme est jugée « consolidante » ou « déconsolidante » selon la position de son théoricien vis-à-vis du pouvoir.

On se rappelle du professeur Malick Ndiaye dont le livre* avait fait grand bruit. Alors que certains ne proposaient rien de moins que de le brûler, d’autres doutaient de la pertinence de ses points de vue ou s’interrogeaient sur ses qualités éthiques du fait de sa proximité d’alors avec le chef de l’Etat. Tous ceux qui s’agitaient, pourtant, partagent avec l’écrivain cette appellation si galvaudée d’« intellectuel ». Une classe qui se conjugue si habilement au « pouvoir présent », le nouveau temps des « hommes de l’esprit ».

Claude Julien, ancien directeur de la revue « Le Monde Diplomatique », décédé le jeudi 5 mai 2005, avaient peint un tableau saisissant des intellectuels dans son fameux texte « Le devoir d’irrespect ». En voici quelques lignes : (…) « Le pouvoir fascine les intellectuels comme le miel attire les mouches. Ils pullulent autour des monarques et des présidents, qui assez habiles pour savoir les écouter, leur prodiguer des conseils, leur faire de fausses confidences, les recevoir à leur table. On en parle dans les salons…Qu’importe s’ils n’ont pas tous l’entregent de Rastignac ; ils n’en sont pas moins utiles. Du moins se plaisent-ils à le croire. Car ils ont leur sagesse : à trop s’éloigner du trône, on finit par se marginaliser soi-même, et c’est bien ce qu’ils redoutent. Plus proche du pouvoir, plus proche de l’événement et de la décision. Ils en sont fermement persuadés. Jusqu’au moment où le pouvoir chancelle puis bascule. Sont-ils alors pris au dépourvu ? Ne les sous-estimez pas : ils ont acquis assez de savoir-faire pour se retourner en temps opportun. Ils s’agitent, font du bruit, brassent beaucoup d’air mais, pour que l’histoire retienne leur nom, il faut qu’un Balzac se soit attaché à les observer avec la précision d’un entomologiste en vue de mieux les brocarder. »

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Sidy Diop

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