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Sonko Et Le Socialisme CongÉnital SÉnÉgalais

Sonko Et Le Socialisme CongÉnital SÉnÉgalais

Ousmane Sonko que nous remercions de nous avoir invité à la cérémonie de lancement de son livre «Solutions» et lors de laquelle il a invoqué notre contribution démontrant que Macky Sall a décidé d’opérer un virement vers davantage de libéralisme, est à féliciter. Il est à féliciter pour avoir produit un livre exposant en un chapitre introductif de cinq pages sa vision socialiste et nationaliste qui compte sur un état suffisamment financé, y compris par la monnaie, pour réaliser notre émergence. Par le patriotisme, le travail, et l’éthique, il nous promet sous le leadership d’un état vertueux, non dépendant de l’extérieur, de réaliser notre progrès social dans un nouveau contrat national.

Par le collectivisme qui prend le dessus sur l’individu et la communauté dans un état fédérateur et non fédéré qui sera nécessairement centralisé et déconcentré, Sonko nous promet un «Sénégal de tous et un Sénégal pour tous» que Macky Sall semble progressivement abandonner. Président de la République, il fera mieux que ses prédécesseurs avec une utilisation responsable du taux de change de notre monnaie auquel il osera toucher ou faire toucher s’il peut, mais il vous propose de croire en nous «Gueum Sougnou Bopp»  mais pas essentiellement en vous-mêmes «Gueum Sen Bopp». De ce point de vue, il vous propose de changer les acteurs du système et un élément essentiel du système, la monnaie, mais pas le système qui est le socialisme congénital sénégalais. La solution pour Sonko n’est pas en vous mais en nous, la Nation.    

Nous disions dans notre contribution précédente que Macky Sall après avoir constaté les échecs du socialisme auquel il a cru comme tous ses prédécesseurs pendant tout son mandat, c’est-à-dire le leadership d’état dans la résolution de vos problèmes, est en train de changer de cap vers le libéralisme par nécessité pour responsabiliser le secteur privé, l’endettement d’Etat ayant atteint ses limites. Malheureusement, il n’en a pas les outils et compte sur la Banque centrale et le financement extérieur pour permettre au secteur privé de «piloter, financer, et exécuter» la phase 2 du PSE.  Dans le cadre actuel de notre régime de change, cette option ne produira pas de résultats, nous l’avons expliqué à cause de la fuite anticipée en importations des liquidités injectées. C’est de ce point de vue que Sonko aurait mieux réussi, mais dans la méthode, il vous propose la même chose. Régler vos problèmes à votre place de façon participative.    

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Il est vrai que croire en soi-même n’est pas suffisant, encore faudrait-il avoir les moyens de traduire en actions concrètes la notion de «Gueum Sa Bopp». Nous disons depuis 2011 «Moom Sa Bopp Mënël Sa Bopp» qui permet d’opérationnaliser le «Gueum Sa Bopp» au-delà du «Gueum Sougnou Bopp» ou l’indépendance au niveau national. Il se peut bien que les Sénégalais préfèrent comme nous le disions au sortir des législatives de 2017 dans une contribution intitulée «Leçons d’un Scrutin», aller à l’émergence sous l’aile protectrice de leur Etat et de leur classe politique traditionnelle. Prendre leur destin «commun» en main mais pas leur destin «individuel et communautaire» en main. Dans ce cas, vous avez votre président Sonko si la contrainte de financement de son Etat fédérateur vertueux est levée.  

Malheureusement je ne pense pas que ce sera le cas s’il est élu.  Comme tous ses prédécesseurs avant lui, l’Etat central d’un peuple n’ayant pas les moyens de le financer ne pourra compter que sur l’extérieur pour combler le déficit de financement de ses promesses. Les niches fiscales ne suffiront pas car l’équilibre macroéconomique actuel de taxation effectivement faible et moins élargie conditionne en partie les performances des secteurs formel et informel. Le gouvernement de Macky Sall n’a pas pu réaliser les performances fiscales proclamées à chaque loi de finance, parce que c’est concrètement difficile même avec une vertu améliorée car notre problème n’est pas fondamentalement la corruption. Le renforcement des prérogatives de l’Etat signifiera nécessairement plus d’impôts à moins que les ressources pétrolières et gazières à venir soient utilisées pour renforcer un Etat socialiste et nationaliste.    

Sonko vous aura donc averti en ces termes : «Nous devons dire, d’emblée, que le rôle de l’Etat sera important dans la réalisation de notre vision et de notre modèle. La fonction économique de l’Etat va au-delà de celle d’une institution utilisée simplement au service des politiques sociales et de la redistribution. L’Etat ici est l’incontournable outil de restructuration…Son intervention doit être sélective, stratégique et complémentaire du marché….ni-néolibéral, ni interventionniste traditionnel, mais démocratique et participatif», nous dit-il. Peut-être qu’il sera libéral social, nous verrons.   

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En ce qui concerne Macky Sall, s’il est prêt à toucher ou faire toucher s’il peut le taux de change, son option indirectement socialiste mais davantage libérale d’appuyer le secteur privé leader de l’émergence réussira mieux dans un deuxième mandat que dans le mandat précédent. Il vous propose aussi en perspective de la phase 2 du PSE «un Etat interventionniste démocratique et participatif». Vous pourrez lui rétorquer que c’est trop tard. La différence étant que Sonko est vierge et vous promet la vertu dans la mise en œuvre de ce que Macky Sall vient de commencer avec la déconcentration de l’Etat, la mise en place de pôle régionaux qui détermineraient à travers le secteur privé local les voies sélectionnées. Dans les deux cas, les Sénégalais auront choisi le leadership d’Etat ou le leadership d’un secteur privé national et local appuyés. Il s’agit du paradigme «Doomed to Choose » ou «Condamné à choisir » une voie que nous avons expliqué dans notre commentaire de la première déclaration de politique générale du Premier ministre Dionne, contribution intitulée «La vision du PSE est-elle adaptée au contexte».

Nous exhortons notre ami Ousmane Sonko à revisiter son analyse de l’apport de la liberté individuelle et collective locale dans la réalisation de la responsabilisation des Sénégalais pour leur développement avec l’accompagnement de l’Etat. Il ne s’agira pas comme il le dit «d’une obligation de renonciation à l’intérêt individuel lorsqu’il est en contradiction avec l’intérêt général». L’intérêt individuel et collectif local dans un Etat correctement décentralisé en pôles régionaux autonomes, mène vers l’intérêt collectif global par la libre solidarité nationale de pôles autonomes. Ceci parce que l’intérêt individuel dans ce contexte permet une solidarité nationale libre et consensuelle dictée par la liberté de l’individu de vivre dans la localité qui lui plait.  Ce serait le cas dans l’Etat fédéral de Cheikh Anta Diop. Le comportement du plus grand nombre au niveau communautaire où les individualismes bâtissent des consensus libres « sécrètent» effectivement le bonheur collectif local et non le contraire.

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L’intérêt général par le déni de la liberté individuelle dans un Etat socialiste centralisé nationaliste n’ayant pas les moyens de sa politique pousse à l’endettement extérieur, la nécessité d’externaliser la responsabilité de la gestion monétaire pour éviter une inflation inutile, et à l’émigration dont le nombre de sénégalais vivant à l’extérieur est la démonstration.

Le changement se fait effectivement avec du neuf. Le système qu’il faut donc changer ne se résume pas aux hommes qui l’animent mais le système lui-même. Le système de gouvernance du Sénégal est congénitalement socialiste et les causes produiront toujours les mêmes effets. Le centralisme d’Etat favorise la corruption pour capturer les ressources communes par des lobbys (champions nationaux) ou étrangers.

Nous devons construire une société libre, responsable, démocratique, et ouverte sur le monde qui peut produire une substitution aux importations et promouvoir les exportations sans forcer le consommer local. Ceci passera par l’inclusion financière de toute la population pour leur permettre de financer leurs propres plans y compris d’industrialisation pour vendre à une clientèle essentiellement libre utilisant une monnaie libérée. Cela n’empêchera pas comme nous l’avons dit un accompagnement de l’Etat pour pallier les défaillances du marché et fournir des services publics de qualité (éducation, santé, assainissement, protection sociale, infrastructures de base et d’appui au secteur privé).  L’option de Sonko vers une décentralisation poussée mais non assumée permettant de découvrir ces défaillances et ces besoins va ainsi dans le bon sens dans la mesure où l’impôt orienté vers des services publics de qualité améliore la compétitivité. Le président Sonko devra donc revoir la gouvernance des services publics avant de lever davantage d’impôts comme il l’a démontré dans la meilleure section de son livre relative à la fiscalité. Ce n’est pas encore le cas au Sénégal et Sonko a certainement un rôle à jouer dans cette perspective n’étant pas moins méritant que ses anciens collègues aux commandes.    

Librement

Abdourahmane Sarr est président du CEFDEL/MRLD, Moom Sa Bopp Mënël Sa Bopp       

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