Si le lien est établi entre le viol et l’assassinat d’une responsable du parti Pasteef et ses activités politiques, il faudrait en tirer la leçon tout de suite et éradiquer la menace d’une dérive crapuleuse de la compétition électorale. La prochaine présidentielle a déjà été décrite, à juste titre, comme un tournant de l’histoire politique du Sénégal.
Les enjeux n’en sont pas seulement la conquête ou le maintien du pouvoir. Ils sont aussi le sort des vieilles ligues qui se recomposent à chaque échéance, prônant le changement pour, en fin de compte, refaire la même chose. Leur mise à l’écart équivaudrait à un véritable déclassement social pour ceux qui tirent leurs revenus de leur proximité avec l’Etat. Ils ne vont pas laisser le changement les dépouiller.
Cet enjeu est exaspéré par l’apparition de nouvelles richesses dont le partage ouvre déjà des appétits. Depuis l’indépendance, les mêmes groupes, sous des sigles différents, s’allient, s’opposent puis se recomposent et se remplacent sans cesse à la tête de l’Etat.
Cet univers réglé dans lequel les verts dirigent et les bleus s’opposent, puis vice versa, est dérangé par l’irruption de nouveaux arrivants. Leurs discours participent à la relance de l’intérêt pour la politique de catégories désillusionnées et qui se remettent à espérer. Cela change tout, notamment l’accès aux suffrages de citoyens dont bon nombre avaient renoncé à la politique. Pour ces groupes, gaz et pétrole signifient emploi, revenus, niveau de vie plus élevé etc. L’avenir est la clé de cette élection. Pas la promesse facile ni la critique dévastatrice.
Cela signifie aussi l’acceptation du débat. Malheureusement, l’orientation actuelle des échanges ne présage rien de tel. Menaces et accusations faciles meublent un désert d’idées. Cela donne de la place à des intervenants avides de se faire remarquer, par leurs excès et insultes, des camps dont ils espèrent la reconnaissance sonnante et trébuchante. Et, si cela ne suffit pas, ils usent d’interventions musclées et d’arguments abjects et meurtriers. Il ne s’agit pas d’épiphonèmes. Si l’assassinat d’une militante a des motifs politiques, cela peut imprégner toute la campagne électorale, le vote et la période suivante.
Aucun camp n’a le monopole de cette attitude. Il y a, au contraire, un parfait partage des rôles entre un pouvoir sortant qui annonce une victoire au premier tour et ses adversaires qui jugent une telle prétention totalement inacceptable. Il ne faut pas prendre ces positions pour de simples fanfaronnades. Elles vont dans une large mesure commander l’attitude de la base électorale de bien des candidats. Les « masses de manœuvre » sont remplies de certitudes que leur ont transmises leurs leaders. Cela s’est toujours passé ainsi au Sénégal où la violence électorale est bien plus récurrente qu’on ne veut l’admettre. Pour rappel, on a enregistré douze à quinze morts lors de la dernière présidentielle, en 2012.
La police fera son enquête, à n’en pas douter. Les coupables seront jugés et la loi leur sera appliquée dans toute sa rigueur. Mais cela seul ne suffira pas, les protagonistes de la compétition devraient s’impliquer de manière beaucoup plus visible et responsable. Ils doivent se désolidariser publiquement de tels actes. Parler aux militants dont les préférences s’expriment sans tolérance à travers des circuits de communication hors de contrôle.
Il faut arrêter la violence. L’atmosphère préélectorale est déjà électrique et doit être désamorcée. Tout le monde y a intérêt. Surtout les populations qui n’ont jamais cessé d’exprimer leur volonté de vivre une démocratie apaisée.