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L’hégémonie De L’idéologie Alimentaire

L’hégémonie De L’idéologie Alimentaire

La parole désacralisée, la transhumance banalisée, l’homme politique sénégalais peut, hier, être catholique, aujourd’hui wahhabite. Convictions et principes à terre, socialisme, communisme et les autres « isme » démodés, la loyauté et l’honnêteté sont devenues des mots comme les autres. Ainsi, suivant le positionnement, ce qui était jadis combattu est désormais défendu. Ce qui était naguère chanté est dorénavant honni. C’est l’hégémonie de l’idéologie alimentaire. La politique, loin d’être l’art de bien gérer la cité, s’érige en un moyen d’entretenir son ventre.

« Le mercato politique est ouvert ». Abdoulaye Baldé a lâché la phrase. Inspiré, visiblement, par ce qui se passe, ces derniers jours, dans la presse, le maire de Ziguinchor associe deux mots que même le diabolique Machiavel n’a pas rassemblés. Pourtant, l’ancien ministre des Forces armées ne fait que rendre compte d’une impitoyable réalité. Celle qui fait du champ politique sénégalais un énorme foirail où moutons et chèvres sont attachés avec du fil de coton attendant un acheteur disposé à mettre le prix. L’ultime niveau de la tortuosité politique apparue avec le régime de Macky Sall. Pire que la transhumance à laquelle les Sénégalais sont déjà habituée.

En effet, un responsable politique quittait souvent l’opposition pour directement intégrer l’appareil d’Etat, en occupant un poste plus ou moins stratégique. Ousmane Ngom avait lâché Me Abdoulaye Wade pour continuer à gérer un département ministériel du régime d’Abdou Diouf. Avant lui, Fara Ndiaye, qui avait déserté le Parti démocratique sénégalais (PDS), dont il était le numéro deux, pour le Parti socialiste (PS), devint Conseiller spécial d’Abdou Diouf, ensuite coordonnateur du projet de Canal du Cayor avant d’atterrir à la tête du conseil d’administration de Canal horizons. Idem pour ces nombreux anciens compagnons de Me Wade qui ont créé leur parti politique pour ne pas avoir à intégrer le PS. Arrivé au pouvoir en 2000, le leader du PDS a davantage dynamisé la transhumance. Mais, à chaque fois, les transhumants ont trouvé suffisamment d’herbe à brouter à travers des postes de responsabilité qui leur sont confiés. Assane Diagne, Mbaye-Jacques Diop, Aïda Mbodj, Sada Ndiaye, Adama Sall, Aïda Ndiongue, Serigne Mbacké Ndiaye… ont tous rallié le parti libéral, après l’alternance de 2000, en contrepartie de postes de responsabilité dans l’appareil d’Etat. Macky Sall avait commencé de la même manière en enrôlant Awa Ndiaye, Innocence Ntap Ndiaye, Oumar Gueye et bien d’autres. Mais, avec les nombreuses défections de fidèles de Wade, qui ont déserté le PDS et la vampirisation de l’Alliance pour la république (APR) qui en découle et que certains, comme Moustapha Cissé Lo, ont commencé à fustiger publiquement, la donne a changé.

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« Sada Ndiaye nous a donné des coups terribles, voire trahis. C’est pourquoi j’avais dit, tout sauf Sada Ndiaye ! L’autre problème, de la même manière que j’accepte les transhumants, je demande au président de ne pas leur donner des postes. Qu’on ne donne aucun poste aux transhumants. Ils n’ont qu’à se battre comme l’a dit Modou Diagne Fada ». Cette nouvelle position de Moustapha Cissé Lo est sans aucun doute dictée depuis la présidence. Et comme dit Birago Diop, « tout ce que dit le petit Maure, il l’a appris sous la tente ». Ainsi, il n’est plus question de se positionner pour bénéficier des « délices» du pouvoir  en occupant tel ou tel poste. Peu importe le prestige ou la gloire.

Nombreux sont ceux qui ont quitté les rangs de l’opposition pour chanter les louanges de Macky Sallsans avoir à occuper un quelconque poste. Baila Wane, Ousmane Ngom, Ousmane Faye, Pape Samba Mboup, Farba Senghor, Serigne Mbacké Ndiaye, Modou Diagne Fada, Sada Ndiaye, Bamba Ndiaye etc. Tous se réclament du camp du pouvoir, tout en continuant à raser les murs. Ce que Moustapha CisséLo n’a pas dit, c’est qu’à la place des postes Macky Sall a autre chose à offrir, des espèces sonnantes et trébuchantes enfouies au fond d’une mallette. Moustapha Cissé Lo ne le dit pas mais son ignorance a tout de même des limites. Bamba Ndiayequi disait hier que : « les contrats scandaleux signés en catimini par nos gouvernants semblent innombrables. Ainsi, les accords de défense que le Sénégal a signés le 2 mai 2016 avec les Etats-Unis d’Amérique me paraissent aliénants et dangereux pour notre pays, tout comme de nombreux autres accords, dont seuls, quelques-uns, parmi nos gouvernants, connaissent le contenu (…) » et qui s’interrogeait : « Le régime Faye-Sallva-t-il se noyer dans les barils de pétrole», ne répète pas aujourd’hui que Macky Sall est le plus docte des musulmans et le plus intègre des Sénégalais pour continuer à raser les murs.

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Tout comme il n’a pas quitté le Grand Parti de Malick Gakou parce que le régime de Macky Sall s’est bonifié entretemps. Pourtant, l’arabisant n’est pas le seul à avoir troqué, en moins de trois mois, son grand boubou pour costume et cravate. Alors qu’au tribunal, les avocats de Khalifa Salls’insurgeaient contre la présence de l’Agent judiciaire de l’Etat dans le procès dit de la caisse d’avance de la ville de Dakar, Bamba Fall lançait haut et fort : «Les collectivités locales sont des démembrements de l’Etat ». Parce que Macky Sall lui a envoyé une délégation pour lui présenter ses condoléances, 35 jours après le décès de son lointain oncle, que le maire de la Medina a changé de discours, tressant des lauriers au leader de l’APR qu’il dézinguait quelques jours plus tôt. Son collègue maire, Moussa Sy, a pris la même trajectoire. Lui qui disait que «le président Macky Sall, son épouse et sa cour ont eu à bénéficier de la Caisse d’avance. Khalifa Sall est un détenu politique. Macky Sall l’a mis en prison parce qu’il a refusé toutes les propositions qu’il lui a faites pour le soutenir (…) », s’engage aujourd’hui pour la réélection de Macky Sall qui, selon son nouveau discours, est le plus beau et le plus gentil.

Les acteurs politiques dont le discours change en fonction de la direction du vent ne sont pas uniquement à chercher dans les rangs des transhumants. Ils sont, en effet, très nombreux à n’avoir pas changé de parti ni de camp mais qui ont radicalement changé de discours. Nous avons déjà, dans une autre chronique, étalé la désespérance idéologique qui s’est emparée de ceux qui se font appelés communistes au Sénégal. Ibrahima Sene, qui a jadis bravé la clandestinité pour plus de justice sociale, passe ses journées maintenant sur facebook à défendre les actes et positions de Macky Sall. Du PIT à la Ligue démocratique (LD) en passant par AJ/PADS, ces  communistes, invités à la table du président de la République, ont troqué leurs idéologies. Du trotskysme, marxisme, Léninisme et de tous les autres « isme », ils ont fait un aliment que les Libéraux leur servent en contrepartie du « larbinisme ».

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«Quand j’ai été élu secrétaire général (LD, Ndlr) et après que je suis allé me présenter dans le cadre de l’Alliance au président de la République. Le président de la République m’a proposé ceci : Mamadou je te donne un poste de ministre-conseiller ou bien,  comme je le fais pour d’autres, je te donne 4 millions par mois ». En faisant une telle révélation, Mamadou Ndoye a mis un chiffre à ce beaucoup de Sénégalais cherchaient à savoir : le prix d’un homme politique sous Macky.

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