– Thierno Alassane Sall a posé un acte qui force politiquement et moralement le respect. Sous nos cieux où tous s’accrochent aux strapontins jusqu’à boire la lie, il a osé, sur la base d’un désaccord avec le président de la République, poser sa démission sur la table. C’est tout à son honneur qu’il ait renoncé au fauteuil ministériel de l’Energie pour ne pas avoir à signer un contrat avec Total qu’il a estimé contraire aux intérêts du Sénégal.
Mais Thierno Alassane Sall n’est pas Ousmane Sonko, ce lanceur d’alerte éjecté de son poste d’inspecteur des impôts, et qui a toujours inscrit son action d’abord syndicale puis politique dans une stratégie de rupture vis-à-vis du régime. Il n’est pas non plus Mamadou Lamine Diallo, un libre penseur éloigné du pouvoir dès les premières heures de la victoire de Macky Sall à la présidentielle de 2012.
Thierno Alassane Sall est un des caciques du parti présidentiel, un de ces cadres qui ont porté le président Sall au pouvoir à la faveur de leur combat. Ce militant de la première heure de l’Alliance pour la République (APR) a aussi et surtout été au coeur du pouvoir au lendemain de la deuxième alternance. Plusieurs fois ministre, il fut l’un des hommes de confiance du président, membre éminent du premier cercle du pouvoir pendant des années. De cette station, il a pu voir, entendre, vivre bien des choses dont certaines relèvent du secret sinon d’Etat du moins professionnel.
Les vicissitudes de la vie politique l’ont séparé de Macky Sall. Cela arrive. La vie politique, comme la vie tout court, n’est pas un long fleuve tranquille. Les amours, comme les civilisations, sont mortels. Mais se séparer n’autorise pas à renier le passé ni à insulter l’avenir.
En évoquant aujourd’hui des faits et des chiffres autour du secteur du pétrole qu’il a eu à gérer en tant que ministre, Thierno Alassane Sall flirte dangereusement avec une ligne rouge qu’il devra se garder de franchir: le déballage. Non pas pour ménager Macky Sall, incarnation temporaire du pouvoir qu’il peut quitter dès février 2019 si les Sénégalais en décident ainsi. Mais pour protéger la sacralité, l’inviolabilité, le mythe de l’Etat. Cet Etat qui est le garant de notre sécurité, de nos libertés, de nos vies…
Soucieux d’incarner une force morale sur la scène politique au Sénégal, nul doute que Thierno Alassane Sall se souviendra de cette leçon de vie de l’immense écrivain Gabriel Garcia Marquez: « la vertu principale d’un homme, c’est de savoir garder un secret. »
Cheikh Yérim Seck