Que ce monde soit absurde, c’est l’affaire des philosophes et des humanistes; mais qu’il soit injuste, c’est notre affaire à tous disait Gilbert Cesbron. Personne ne supporte volontiers qu’on lui fasse tort et souffrir une injustice; c’est essuyer un tort et un dommage, avait renchéri Aristote.
Ces quelques grandes idées de ces deux illustres hommes de lettres, qui nous servent d’entrée en matière, nous permettent aisément d’aborder ce sujet qui a fini d’affliger la conscience collective de nous autres qui croyons à la République, au Droit et à la liberté d’expression.
Si on s’interroge sur la fonction de l’État, on peut penser qu’il a pour rôle essentiel de protéger les individus des violations du droit les uns vis-à-vis des autres. Et c’est dans ce cadre qu’il a une fonction d’organisation de la vie sociale, c’est-à-dire de l’union entre un groupe d’hommes sur un territoire donné.
En effet, laisser à eux-mêmes, les hommes, comme Hobbes le pensait dans Le citoyen (1642) ou le Léviathan (1651), estiment avoir chacun tous les droits. Ils sont donc dans cet état qu’il nommait un état de guerre de tous contre tous et qui lui faisait reprendre l’expression du poète latin Plaute (~254-184) : « L’homme est un loup pour l’homme » dans sa pièce La comédie des ânes (212).
Hier, jeudi 25 octobre 2018, il est publié dans la presse en ligne et dans les réseaux sociaux, une vidéo montrant un lynchage public d’un certain Modou Fall qui aurait proféré des propos désobligeants et offensants sur un petit fils de Serigne Touba,
le vénéré Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké.
Tout le monde a vu la vidéo mais personne, surtout du côté des plus placés, n’a pipé mot pour bannir un tel fait. Quel que soit le motif, quelle que soit la raison et quelle que soit la gravité d’un tel fait, dans un Etat de Droit qui se respecte, »Nul n’a le droit de se faire justice soi-même » à moins que cet adage ne soit que chimérique au pays de Kéba Mbaye.
Nous n’encourageons point le mal être ni le mal dire mais nous pensons que l’on a au Sénégal des organes, pour qui veut que justice soit rendue, pour des choses nous concernant.
Cette vidéo; Ce fait remet sincèrement en cause le pouvoir de l’Etat d’assurer la sécurité de tous et prouve aisément l’accréditation pour certains ou pour une certaine classe sociale du pouvoir de se faire justice.
La violence traverse le temps, les cultures, les classes sociales et si l’on ne cherche pas à la contenir ou à la canaliser, elle resurgit ailleurs sous une autre forme et les conséquences qu’elle peut entraîner peuvent parfois dépasser toute possibilité d’abolition car ayant déjà pris une ampleur démesurée où chacun, pour une question de survie, cherchera à s’assurer sa propre sécurité pour la survie.
Pour se faire, pour ne point arriver à un tel état de fait, l’Etat, par le biais de ses organes et institutions concernés, doit impérativement mettre fin à de telles pratiques inhumaines et irrespectueuses de notre liberté commune et travailler davantage et d’une manière assidue à faire comprendre aux gouvernés qu’ils l’ont confié leur sécurité à c’est à lui l’exclusive liberté de faire justice à qui de nécessaire.
Nous tenons ici à rappeler qu’aucun citoyen n’est au dessus d’un autre et cela doit être un fait réel que doit nous garantir la justice par tous les moyens mis à sa disposition. « Citoyens » implique qu’il y ait un État de droit. Bien sûr !
La liberté civile a pour condition que soit assurée la sécurité des biens et des personnes. L’État se doit donc de l’assurer puisqu’il est garant de l’échange de la violence contre la liberté civile. C’est pour ainsi dire inclus dans le contrat social implicite ou explicite (si on a voté pour la constitution) qui fonde l’État de droit.
« Si le hasard d’une bataille, c’est-à-dire une cause particulière, a ruiné un État, il y avait une cause générale qui faisait que cet État devait périr par une seule bataille. En un mot, l’allure principale entraîne avec elle tous les incidents particuliers », je l’emprunte de Charles de Montesquieu. A bon entendeur Salut !
Cheikh Tidiane KANDE