Le député-maire de Ziguinchor Abdoulaye Baldé, le « député du Peuple » Mamadou Lamine Diallo et le célèbre architecte et homme d’affaires Pierre Goudiaby Atepa sont tous les trois candidats déclarés à l’élection présidentielle prévue le 24 février 2019. Le député Ousmane Sonko, aussi. Et tous les quatre sont également Casamançais.
Or, dans l’imaginaire des « inconditionnels primaires » de celui-ci, le candidat déclaré Ousmane Sonko ne saurait être considéré comme les autres. ‘‘Ousmane Sonko ololi’’, se risquent-ils ; littéralement en diola : ‘‘Ousmane Sonko est le nôtre’’. Sous-entendu, il ne faut pas le « toucher », sous aucun prétexte. Trop court et trop épidermique comme argument, mais un argument extrêmement dangereux !
En fait, pour ces thuriféraires, les trois premiers candidats déclarés à la prochaine Présidentielle peuvent mériter tous les critiques et autres noms d’oiseaux imaginables, mais guère leur leader, sous peine de devoir en payer le prix fort.
Si nous nous proposons de sortir si prématurément de notre réserve, c’est précisément pour conjurer, dans la mesure même de notre responsabilité politique et morale, les menaces de mort qui se dressent présentement, telle une épée de Damoclès, au-dessus de la tête de l’ex-ministre « du » président Abdoulaye Wade, Aliou Sow. Son tort ? Son seul tort ?
Eh bien, pour les « inconditionnels primaires » du candidat déclaré Ousmane Sonko, Aliou Sow a pris la lourde responsabilité, impardonnable à leurs yeux, de se montrer redoutablement critique à l’encontre de leur leader, à la faveur notamment de la mise sur le marché politique du dernier ouvrage de ce dernier, ‘‘Solutions’’. Et, au seul motif, si primaire soit-il, que Ousmane Sonko est « ololi », qui plus est « outragé » en tant que tel par Aliou Sow, il faut, selon eux, neutraliser celui-ci, par tous les moyens.
« Ousmane Sonko ololi ». Soit ! Il n’en reste pas moins un leader politique sénégalais, que des Casamançais, en toute liberté, peuvent certes flanquer de l’épithète ‘‘ololi’’. Sauf que cela ne saurait suffire à faire de lui, le candidat déclaré de tous les Casamançais, au nom d’on ne sait quelle espèce de « solidarité casamançaise ». Pas même celui de tous les Diolas, quoiqu’il soit lui-même un Diola.
A plus forte raison, Ousmane Sonko ne saurait-il être le candidat déclaré du Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC), communément admis au Sénégal comme un repaire d’indépendantistes diolas.
L’histoire récente est encore toute fraîche dans notre mémoire, qui nous rappelle fort opportunément comment le président du Conseil régional de Ziguinchor Omar Lamine Badji avait été massacré à Sindian (département de Bignona) et le député Mamadou Cissé tué quelques années plus tôt à Darsalam (département de Ziguinchor). Tous les projecteurs avaient été alors braqués contre le MFDC, et à dessein, faisant de celui-ci le coupable tout désigné de ce qui sautait pourtant aux yeux de tous comme un règlement de comptes politique dans les deux cas.
Au demeurant, une source digne de foi, et proche de l’enquête de police diligentée suite aux menaces de mort dont Aliou Sow fait l’objet depuis sa « mésaventure », nous apprend à l’instant que tous les auteurs ou presque desdites menaces sont des Casamançais, en majorité Diolas, et pour la plupart d’entre eux membres de la diaspora.
Comment, en tant que Casamançais, doublé de Diola, pouvons-nous en être fier ?
Souvenons-nous, quoi qu’il en soit, que jamais, à aucun moment, arithmétiquement, la Casamance n’a été un faiseur de président de la République au Sénégal. Et qu’elle ne le sera jamais, mais alors jamais. N’en déplaise donc aux « inconditionnels primaires » et autres thuriféraires du candidat déclaré Ousmane Sonko.
Pis, ou mieux, c’est selon, en l’espèce, le retour du bâton serait d’autant plus périlleux pour la Casamance et les Casamançais, si, dans les autres régions ou communautés (y compris religieuses ou confrériques) du Sénégal, autrement plus politisées et plus peuplées, l’on venait à s’approprier cette notion de ‘‘ololi’’, ontologiquement toxique, sociologiquement dangereuse, et politiquement insensée et sans issue.
Et tout cela donc, disions-nous, de s’opérer banalement au nom d’une certaine idée de la « solidarité casamançaise ». Une « solidarité casamançaise » stérile, tant par essence que du point de vue de sa finalité. Mais une « solidarité casamançaise » qui peut tuer. Et qui, souvent, tue, au mieux socialement ou, au pire, physiquement.
A propos, voici ce que nous suggérions déjà, en 2015, en traitant justement de cette douloureuse question dans l’une de nos toutes dernières publications, ‘‘Avis de décès : Le mensonge est mort en Casamance’’, parue en binôme avec ‘‘Mademba n’est pas un natif du terroir. ET alors ? Un plaidoyer contre l’autochtonie’’, aux éditions Diasporas-Noires (cf. : www.diasporas-noires.com).
« …Mais, plus généralement et assez souvent, en Casamance comme partout ailleurs, je croiserai sur mes multiples chemins cette espèce muette de « solidarité casamançaise ». Une « solidarité » à sens unique, qui converge exclusivement vers un seul Casamançais, Robert Sagna. « Si Robert est candidat, moi je me retire » ; « Puisque c’est la position de Robert, elle est aussi la mienne » ; « Votre projet de solution de sortie de crise en Casamance a-t-il été soumis à Robert ? » ; « Robert est incontournable »… Bref ! autant de préceptes, car ce sont véritablement des préceptes, qui s’opèrent et en même temps opèrent, telle une catharsis, en chaque Casamançais. Des préceptes, donc, qui ne sont en vigueur pour n’avoir de valeur que dans ce pays de la « solidarité » à sens unique, la Casamance, qui apparaît ainsi, l’instant virtuellement éternel du conflit casamançais, comme une nécropole à ciel ouvert singulièrement dédiée aux victimes de la « solidarité casamançaise ». Soit les Casamançais, lesquels, bien que morts, ou parce qu’ils sont morts de la sorte, n’auraient alors d’autre destin que d’enterrer leurs morts, à la faveur précisément de la « solidarité casamançaise ». Dans ce contexte, même Pierre Goudiaby Atepa, pourtant connu pour être extrêmement jaloux de sa liberté, s’y est fait prendre. En effet, quand, après trente-deux ans de conflit en Casamance, Robert Sagna, avec son GRPC (Groupe de réflexion pour la paix en Casamance), claironne à tout va, porteur, dit-il, d’un projet de solution de sortie de crise en béton, Pierre Goudiaby Atepa, avec son CCC (Collectif des Cadres Casamançais), entre volontairement en hibernation profonde, au nom justement de la « muette », c’est-à-dire de la « solidarité casamançaise ». Une « solidarité » qui tue, pour être par essence et du point de vue de sa finalité une tueuse. Face à cela, vous avez beau être un indépendantiste casamançais, qui plus est déclaré et agissant comme tel, si vous êtes en même réputé n’être guère un « proche » du non-indépendantiste casamançais déclaré qu’est Robert Sagna, vous paraîtrez nécessairement suspect aux yeux de tous et de chacun en Casamance puis, bientôt, vous serez condamné à mort, pour être en permanence sous la menace de mort, de la part des plus puristes de ses adeptes. Il y a donc là, en la personne de Robert Sagna, comme un leadership incontesté, qui suffirait, à lui seul, du moins sous d’autres cieux, à cristalliser chez lui un problème comme le « problème casamançais » en tant qu’une somme de questions avec leurs réponses respectives, d’une part, et, de l’autre, à lui donner en l’occurrence le pouvoir légitime de « tout » faire entendre puis admettre. Encore faut-il que ce « tout », chaque fois que de besoin, soit quelque chose d’audible, moralement et du point de vue de l’éthique, et politiquement, socio-économiquement et culturellement réaliste et acceptable. D’ailleurs, une source diplomatique suggère que même le président Yaya Jammeh (originaire de la Casamance et Diola de son état) éprouverait la plus grande révérence envers Robert Sagna, qui serait à cet effet un conseiller politique et diplomatique très écouté du chef de l’Etat gambien… »
C’était donc hier, pas avant-hier, même si cette forme-là de la « solidarité casamançaise » s’était opérée de 1978 à 2000, soit pendant 22 ans sans discontinuer. Il n’empêche que c’est manifestement cette espèce de « solidarité », si stérile et si improductive fût-elle, que l’on s’évertue de nos jours, toutes choses égales par ailleurs, à réactualiser avec le candidat déclaré Ousmane Sonko. Et ce, avec une banalité déconcertante.
Non ! ce sera sans nous.
Et, en tant qu’ancien secrétaire général du MFDC, notre responsabilité historique nous autorise à affirmer, ici et maintenant, avec autorité donc, et avec gravité, que ce sera sans le MFDC.
Mais, plus globalement, ce sera sans les Casamançais épris de liberté et de démocratie.
Enfin, nous condamnons, avec la plus grande fermeté, les menaces de mort proférées à l’encontre de l’ancien ministre Aliou Sow et demandons aux Autorités d’en assumer toutes leurs responsabilités d’une part, et d’en tirer toutes les conséquences d’autre part, sans délai.
Dakar, le 29 octobre 2018.
Jean-Marie François BIAGUI
Président du Parti Social-Fédéraliste (PSF)