– Me Mame Adama Guèye est devenu, par la force des choses, le porte-étendard d’une opposition plongée dans une profonde torpeur. Le leader de Sénégal Bou Bess, poids plume électoral, vissé autour de la barre des 1% à toutes les élections auxquelles il a pris part, est celui qui, aujourd’hui, parle et fait au nom de tous ceux qui sont censés offrir une alternative crédible au régime du président Macky Sall. Le symbole est cruel.
Le symbole est d’autant plus cruel que Me Mame Adama Guèye lui-même n’a pas commencé par un volontariat au service de la cause de tous. Il a voulu et a déclaré son intention d’être candidat à la présidentielle de février 2019. S’étant sans nul doute heurté au filtre épais du parrainage, il a changé de fusil d’épaule et s’est proposé de « sacrifier sa candidature », consacrer son énergie à combattre pour « la sécurisation du processus électoral ».
La légitimité populaire étant le seul baromètre dans une démocratie, comment une personnalité qui n’a pu collecter 55 000 signatures pour valider sa propre candidature peut-elle s’arroger le rôle de faire et dire au nom d’une force censée réunir la majorité d’un fichier électoral riche de plus de 6 millions d’inscrits ?
L’image récurrente de cet avocat de métier, se photographiant un à un avec les candidats en lice, pour leur porter la bonne parole, est plus dévastatrice que la dévastation. Elle est le reflet de la faiblesse d’une opposition inerte à quelques mois d’une échéance cruciale. Et d’une atonie de ses leaders qui, au lieu de se faire filmer avec Me Guèye à Dakar, devaient aujourd’hui se trouver dans les profondeurs du pays pour convaincre les Sénégalais de voter pour eux.
Pire, le combat proclamé par Me Mame Adama Guèye est d’une faiblesse caricaturale. Le Sénégal n’est pas le Congo pour qu’on y porte une « sécurisation du processus électoral » qui ne parle qu’à une nomenklatura perdue dans ses calculs. Ce qui, par contre, parle aux Sénégalais, et qui devait être au coeur du débat aujourd’hui, c’est le coût de la vie, l’état de l’éducation, la situation de la santé, le chômage des jeunes, la condition féminine, la gouvernance économique et tutti quanti.
Au lieu de se laisser divertir par des gesticulations stériles, l’opposition doit se rendre compte qu’il est plus que temps pour elle de s’attaquer aux failles de la gestion de Macky Sall pour espérer l’emporter.
Me Mame Adama Guèye est fort sympathique et certainement sincère dans ses combats, en tant que membre de la société civile, pour une meilleure gouvernance du pays. Sa personne et son slogan de l’heure sont, toutefois, trop en-deça de l’ambition et du combat que doit porter l’opposition à quatre mois de l’échéance cruciale de février 2019.
Cheikh Yérim Seck