On la dénomme « loi pour l’accès universel à l’information ». Les journalistes croient que cette disposition légale universelle, adoptée par certains pays alors que d’autres traînent les pieds pour le faire, est pour eux, et seulement eux. Ils n’ont pas tort en ce que cette loi profite à tout citoyen et le journaliste étant un citoyen verra facilité son travail de collecte de l’information par une loi faisant obligation à tout détenteur de l’information de la communiquer à qui la demande, journaliste ou citoyen lambda.
« Accéder à l’information est un droit qui doit être respecté pour tout individu et par toute personne détentrice de cette information-là et aussi par ceux qui la collectent, la traitent et la diffusent – on pense là aux journalistes à qui la charte des devoirs des journalistes recommande de « donner l’information (la vraie) en vertu du droit du public à la connaître ».
Ce droit est institué en faveur aussi du journaliste à la recherche de l’information, avons-nous eu à écrire dans une chronique – « Avis d’inexpert » – sur les médias.
Selon le juriste Matar Sall, enseignant à la faculté des sciences juridiques et politiques de l’université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar, membre du comité de pilotage pour la rédaction et l’adoption de cette loi, il s’agit d’une loi de portée continentale africaine, adoptée de manière consensuelle par les pays africains, mais que des Etats hésitent à ratifier. Et parmi ces traînards, il y a le Sénégal. Depuis 2009, il en est ainsi. La première mouture n’est pas encore à l’étape du Conseil des ministres a fortiori d’être adoptée.
Le Sénégal parmi les traînards
Et pourtant, un travail a été effectué d’arrache-pied par la Coalition nationale ayant regroupé des organismes comme le Forum civil, l’Institut Panos, Article 19…
En célébrant la Journée mondiale pour l’accès à l’information, journée célébrée le 28 septembre, la représentation de l’ONG britannique de défense de la liberté d’expression, Article 19, avait appelé le gouvernement du Sénégal à se doter d’une loi consacrant le droit à l’accès à l’information.
« Il appartient donc à l’État et aux administrations de veiller (au) respect de cette loi, notamment en matière d’accès aux documents publics », rapporte l’agence de presse en ligne PressAfrik.
Pourtant, bien que considéré comme droit fondamental, il renvoie davantage à des valeurs et est susceptible d’une pluralité d’acceptations de son sens, et donc de sa sanction. Il est, de plus, limité par le respect des autres droits fondamentaux.
Les pays les plus en avance
En Afrique, selon M. Sall, ce sont des pays dits « en transition », suite à des bouleversements institutionnels politiques, qui auront été plus en avance dans l’adoption de la loi sur l’accès universel à l’information. C’est le cas, par exemple, de la République de Guinée.
L’Afrique du Sud aussi fait partie des pays africains ayant fait des avancées pour l’adoption de cette loi à portée continentale.
Chaque année, le 28 septembre, est célébré, à travers le monde, le droit pour l’accès à l’information qui s’imposerait aussi bien aux organismes publics qu’à ceux privés investis d’une mission de service public. La disposition en projet assurerait une protection à tous les détenteurs d’une information d’intérêt public et qui la donnent.
« Il s’agit d’un droit à la fois actif et passif : d’une part, la recherche de l’information et, d’autre part, la possibilité pour tous de la recevoir ». En d’autres termes, « le droit à l’information est le droit fondamental de l’individu et de la collectivité de savoir et de faire savoir ce qui se passe et ce que l’on a intérêt à connaître », comme l’explique la Communauté des sites ressources pour une démocratie mondiale (COREDEM). Droit à l’information et droit d’informer, donc.
Absence de loi
Au Sénégal, l’édition 2015 de cette journée a été l’occasion pour Article 19, d’appeler le gouvernement de ce pays à se doter d’une loi consacrant le droit à l’accès à l’information.
En effet, renchérit le portail Leral.net, dans un article consacré à la question le 29 septembre 2015, « au Sénégal, malgré la consécration du droit à l’information plurielle par la Constitution, il n’existe pas de loi sur l’accès à l’information ».
Et ce jour-là, le juriste Ismaïla Madior Fall, alors ministre conseiller juridique du chef de l’Etat, actuel ministre de la Justice, relevait « les avantages escomptés de l’adoption d’une loi sur l’accès à l’information ».
Il citait, entre autres avantages, « la conformité de la législation des citoyens devant la loi, la lutte contre la corruption, le renforcement de l’obligation de rendre compte, etc. »
« En regardant les journaux des chaînes de télévision des démocraties avancées, on est séduit par la facilité avec laquelle les reporters recueillent les réactions des ministres, PDG et bien d’autres hautes personnalités, poursuivions-nous. Ce qui n’est pas encore le cas au Sénégal où tous les prétextes sont opposés au journaliste soucieux d’exercer un droit d’informer, d’accès à l’information destinée au public qui a droit de connaître la vérité ».
Ecrire à l’autorité
« L’entourloupe la plus retardante, la plus aberrante est celle consistant à demander au journaliste ou à son organe d’écrire à l’autorité de tutelle du détenteur de l’information pour demander à ce dernier l’autorisation de donner l’information. Et le pauvre journaliste se mettra toujours à attendre le bon monsieur Godot qui ne viendra jamais », écrivions-nous dans « Avis d’inexpert ».
« Dans la plupart des cas, pour peu que le journaliste veuille se plier à cette condition, il n’y a aucune suite à sa requête. Une manière de fermer l’accès à une information à laquelle le journaliste et son public ont droit ».
N’oublions pas ces fourre-tout « information sensible » et « secret défense » qui sont d’une telle complexité qu’un séminaire a été consacré à ce sujet, les 13 et 14 mai 1995 par un gouvernement sénégalais confronté au contenu des articles de presse nationale sur la guerre en Casamance.
Une rencontre initiée par la Direction de l’information et des relations publiques des armées(DIRPA). « Ce séminaire travailla à partir d’une communication préliminaire présentée par le Pr Djibril Samb, rappelle le chercheur et universitaire Momar Coumba Diop dans son livre « Le Sénégal à l’heure de l’information : technologies et société ».
Il avait regroupé, en plus des hauts fonctionnaires de la défense nationale, des représentants des corps constitués, des membres du gouvernement, du Syndicat des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (SYNPICS) et de la plupart des organes de presse.
« Tant que ces prétextes, allégations, arguties et autres sont des obstacles à l’accès universel à l’information et tant qu’ils ne seront pas levés, il n’y aura jamais cette transparence et cette bonne gouvernance dans la gestion des affaires publiques », concluions-nous dans notre chronique.
Des affaires privées aussi… « Il n’y a pas toujours dans nos entreprises le réflexe d’organiser l’information et de la rendre publique aux citoyens », déplorait le Pr Ismaïla Madior Fall en septembre 2015. Et depuis lors, et depuis toujours, rien n’a changé. Ou si peu !